Edito
ASCO 2019 : immunothérapies, nanoparticules et intelligence artificielle à l’assaut du cancer
Comme chaque année, le congrès annuel de l’ASCO, l’Association américaine d’oncologie clinique, s’est tenu à Chicago du 31 mai au 4 juin. Il s’agit de la plus grande rencontre mondiale de cancérologie qui réunit plus de 40 000 spécialistes internationaux venu de tous les pays de la planète.
Si cette édition de l’ASCO 2019 n’a pas donné lieu à des annonces fracassantes, elle a confirmé les avancées récentes. Il est impossible d’évoquer l’ensemble des communications présentées à Chicago (plus de 5 000) mais on peut cependant en extraire quelques-unes, particulièrement intéressantes. Il faut d’abord noter que, pour la première fois dans l’histoire de l’oncologie, une même famille de traitements, l'immunothérapie, a été approuvée pour toutes les pathologies tumorales. Cette avancée constitue une vraie rupture dans la prise en charge des cancers, avec une amélioration significative de la survie dans de nombreux cancers au stade avancé. Néanmoins, les effets à long terme de ces puissantes thérapies ne sont pas encore clairement connus.
Dans ces traitements personnalisés, les cellules immunitaires du patient – des lymphocytes T – sont recueillies, modifiées génétiquement dans une plate-forme technologique spécialisée de façon à ce qu’elles expriment, une fois réinjectées au patient, un récepteur artificiel. Ce « récepteur antigénique chimérique » (dont le sigle en anglais est « CAR ») reconnaît spécifiquement les cellules cancéreuses en ciblant la plupart du temps la protéine CD19 à leur surface et les détruit.
Deux de ces médicaments, faits sur mesure pour chaque patient, ont été autorisés en août 2017 aux Etats-Unis, puis à l’été 2018 en Europe, comme dernier recours pour des cancers hématologiques – certains lymphomes à cellules B et les leucémies lymphoblastiques aiguës du jeune adulte. Il s’agit du tisagenlecleucel (Kymriah de Novartis) et l’axicabtagene ciloleucel (Yescarta de Kite Pharma). Un autre traitement CAR-T cells devrait bientôt être disponible pour le traitement de la leucémie lymphocytaire chronique, le JCAR-017, et deux autres produits sont aussi à venir dans le myélome : le JNJ-4528 de Janssen et le BB2121 de Bluebird Bio.
Il reste que ces nouveaux traitements ont parfois révélé des effets secondaires plus importants que prévus. Ce phénomène serait dû à une forte libération de cytokines, donnant des symptômes analogues à ceux d’une infection virale. « Avec une prise en charge plus appropriée, une meilleure sélection et une meilleure surveillance des patients, ces effets sont plutôt de gravité faible ou intermédiaire et semblent réversibles », précise le Professeur Christian Chabannon.
Autre frein à l’utilisation à large échelle de ces nouveaux traitements CART-T, leur coût prohibitif (plus de 300 000 € pour une injection unique) et leurs délais de production. Pour lever ces obstacles, les recherches se poursuivent activement dans le monde afin de parvenir à cultiver des cellules T allogéniques, présentant un caractère universel. Les chercheurs essayent également de rendre ces traitements plus efficaces sur les tumeurs solides, en combinant notamment les cellules CAR-T avec des anticorps qui débloqueraient les points de contrôle freinant le système immunitaire.
Parmi les annonces importantes de cette année, l’une concerne les cancers du sein hormonodépendants, malheureusement fréquents chez les femmes après la ménopause. Les résultats d’un essai clinique international en double aveugle ont montré que 70 % des patientes ayant pris le comprimé de la molécule ribociclib étaient vivantes trois ans et demi après le début du traitement, contre 46 % pour celles ayant pris un placebo, soit une réduction relative du risque de 29 %. Ce nouveau traitement est en outre moins toxique qu’une chimiothérapie traditionnelle car il cible plus spécifiquement les cellules cancéreuses, en les empêchant de se multiplier.
Seconde avancée remarquable, Roche a présenté une étude qui montre une amélioration sensible de la survie globale en combinant deux médicaments, le Tecentriq et le nab-paclitaxel dans le redoutable cancer du sein métastatique triple négatif PD-L1 positif. Cette étude très commentée montre que plus du tiers (37 %) des patientes atteintes d'un cancer du sein métastatique HER2-positif étaient encore en vie au terme de huit ans.
« Notre approche scientifique transforme les normes de prise en charge du cancer du sein qui avaient plus de 20 ans d'ancienneté et montre un bénéfice sans précédent en termes de survie pour les patientes atteintes d'une maladie HER2-positive à un stade avancé », a déclaré Sandra Horning, MD, médecin en chef de Roche.
Sur le front du terrible cancer du poumon, des résultats majeurs ont également été annoncés. Une étude a en effet montré qu’un traitement à l’aide de pembrolizumab (Keytruda), a permis d’obtenir une survie à 5 ans d’un malade sur quatre, un progrès sans précédent pour ce type de cancer, dont le taux de survie à cinq ans était d’environ 5 %.
Un autre essai clinique d’une nouvelle thérapie a également donné des résultats très positifs pour les patients atteints d’un cancer du pancréas et porteurs d’une mutation du gène BRCA, liée à une hausse du risque de plusieurs cancers dont ceux du pancréas et du sein. La molécule utilisée dans l’essai clinique, l’olaparib (Lynparza, laboratoires Merck et AstraZeneca), a permis pour les malades réceptifs au traitement une survie sans précédent de plus de deux ans. Commentant ces résultats, l’auteure principale de l’étude, Hedy Kindler, oncologue à l’hôpital de l’Université de Chicago, a souligné que « Cette étude est la première à établir une approche axée sur les biomarqueurs dans le traitement du cancer métastatique du pancréas et ouvre la porte à une nouvelle ère de soins personnalisés pour ce cancer difficile à traiter ». Environ un patient sur cinq a répondu à l'olaparib pendant deux ans en moyenne, ce qui est vraiment remarquable pour le cancer du pancréas métastatique.
Sur le front du cancer de la prostate sans métastases, Orion et Bayer HealthCare ont présenté une nouvelle molécule, le darolutamide, un antiandrogène non stéroïdien qui réduit sensiblement les douleurs liées à cette pathologie et améliore la qualité de vie pour les patients, un objectif désormais majeur en cancérologie.
Une autre étude présentée par la société française Nanobiotix a également créé l’événement. Au cours de cette communication, le Docteur Christophe Le Tourneau, oncologue médical à l'Institut Curie (Paris) a dévoilé des résultats positifs sur des patients atteints de tumeur ORL. Il faut rappeler qu’à l’origine, ces nanoparticules d’l’oxyde d’hafnium, d’un diamètre d’environ 50 nanomètres, ont été conçues pour être injectées au niveau même de la tumeur, de façon à amplifier d’un facteur dix la puissance et l’efficacité des traitements par radiothérapie.
Dans l’essai présenté à Chicago, ce nouvel outil a été utilisé chez 19 patients, tous très fragilisés et âgés, ne pouvant plus recevoir les molécules de chimiothérapies prévues. Ils ont donc bénéficié uniquement de radiothérapie avec différentes concentrations de nanoparticules. Sur treize patients finalement évaluables, neuf ont obtenu une réponse complète au niveau de la zone injectée, un résultat considéré comme remarquable.
Une autre communication française a été effectuée par une équipe de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP). Celle-ci a présenté des travaux sur un nouvel outil permettant de mieux prédire la mortalité des patients âgés. Il a notamment été mis au point par le professeur Étienne Audureau, épidémiologiste à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil. Cette "machine learning" a été développée de manière à aider les médecins à déterminer le ratio bénéfice/risque d'un traitement chez les plus de 70 ans, une population chez qui se développent les deux-tiers des cancers, et dont on connaît assez mal les réactions aux différents traitements.
Pour mettre au point cet outil unique d’IA, les chercheurs ont utilisé une grande quantité de données issues de 2 000 patients de plus de 70 ans, déjà traités pour des cancers.
Ce système d’analyse intègre, en les pondérant, une multitude de facteurs qui définissent l'état clinique du patient ; Il devient alors plus facile pour les médecins de prévoir de manière fiable quel type de traitement est le plus indiqué pour le malade et peut lui apporter un vrai bénéfice de survie, sans dégrader sa qualité de vie.
Dans le même esprit, des médecins-chercheurs de l'Institut Gustave Roussy (Villejuif), en collaboration avec ceux du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (New York), ont développé un nouvel outil prédictif capable d’évaluer, au moment du diagnostic du cancer du sein, quelles sont les femmes les plus susceptibles d'être affectées par la fatigue que les autres. Là encore, il s’agit de proposer aux patientes les plus fragiles les meilleures options thérapeutiques, en termes d’efficacité, mais aussi de qualité de vie.
Les chercheurs se sont appuyés sur une cohorte de 1 200 patientes et, après avoir sélectionné celles qui n’étaient pas fatiguées avant leur traitement, ils ont séquencé leur génome afin d’identifier les différents polymorphismes génétiques, c’est-à-dire les variations dans la séquence des gènes. Puis ils ont identifié, grâce à une méthode d’intelligence artificielle, une combinaison de polymorphismes génétiques susceptibles d’être à l’origine de la fatigue post-traitement. « Grâce à cette méthode, nous sommes parvenus à prédire la survenue de la fatigue cognitive chez des patientes avant qu’elles ne présentent d’autres symptômes cliniques », précise le Docteur Inès Vaz-Luis, de l’Institut Gustave Roussy.
Enfin, en marge de ce congrès de l’ASCO 2019, trois autres innovations de rupture dans le domaine de l’imagerie médicale et de la radiothérapie viennent d’être annoncées et méritent d’être évoquées, tant elles vont, de l’avis de tous les spécialistes, révolutionner dans les années qui viennent le diagnostic précoce et le suivi des traitements en cancérologie.
La première concerne la mise au point d’un nouveau type de scanner couleur, par une entreprise de Nouvelle-Zélande. Cet appareil, inventé par les professeurs Phil et Anthony Butler, des Universités de Canterbury et d'Otago, a permis de scanner, pour la première fois, le corps d'un être humain, en utilisant la technologie Medipix3 développée au CERN. L'originalité du dispositif Medipix est qu'il fonctionne comme un appareil-photo : il détecte et comptabilise chaque particule en percutant les pixels lorsque l'obturateur électronique est ouvert. Il est ainsi possible d'obtenir des images très fiables, d'une résolution et d'un contraste jamais atteints dans le domaine de l’imagerie médicale.
Ce système associe les données spectroscopiques générées par le détecteur Medipix3 à de puissants algorithmes pour produire des images 3D. Les couleurs représentent les différents niveaux d'énergie des photons des rayons X enregistrés par le détecteur ; elles permettent d'identifier les différents composants des parties du corps, tels que la graisse, l'eau, le calcium et les marqueurs de maladies.
La deuxième innovation majeure en matière d'imagerie médicale a été présentée fin 2018 par Simon Cherry et Ramsey Badawi, deux scientifiques de l'Université Davis (Californie). Il s'agit du premier scanner à être capable de photographier, en 3D, l'intégralité du corps humain en moins de 30 secondes. Baptisé « Explorer », ce scanner combine deux technologies d'imagerie déjà bien connues : la tomographie par émission de positrons (TEP) et la tomodensitométrie à rayons X (TDM). Il est ainsi capable d'imager simultanément tout le corps. Une fois combinées, ces techniques produisent des images de haute précision : elles peuvent ainsi numériser l'intégralité du corps humain en moins de 30 secondes, soit 40 fois plus rapidement que les machines actuelles.
Comme son concurrent le Medipix, cet appareil peut évaluer simultanément ce qui se passe dans tous les organes et tissus du corps. Il devrait permettre une vraie révolution en matière de diagnostic et de suivi des traitements, grâce à sa capacité à suivre de manière extrêmement fine la propagation du cancer, mais aussi les troubles immunologiques ou métaboliques provoqués par de nombreuses autres maladies. L’Explorer pourra également suivre en temps réel la progression des médicaments dans le corps.
Enfin, la dernière innovation concerne un nouvel appareil de radiothérapie qui vient d’être inauguré au centre Antoine Lacassagne, à Nice. Cette thérapie ne peut s’appliquer, pour l’instant, qu’à des petites tumeurs mais elle est riche de promesses. Actuellement à l’essai sur 40 patientes, elle permet de traiter en une seule séance de moins d’une minute les petites tumeurs. Les patientes, au lieu de subir cinq ou six semaines de radiothérapie, ont donc la possibilité de subir une opération et, dans la même journée, un traitement par radiothérapie sous anesthésie générale. Le gain que permet ce nouvel appareil en qualité de vie et en confort pour les malades est évidemment considérable.
L’ensemble de ces avancées et leurs effets synergiques puissants nous rendent plus optimistes que jamais. Il est désormais permis de penser que l’objectif visant à prévenir, guérir ou contrôler la très grande majorité des cancers, peut être atteint au cours des vingt prochaines années. Mais si nous voulons atteindre ce but, nous devons évidemment redoubler d’effort pour intensifier la recherche fondamentale et clinique et mettre en place, au niveau européen, de grands pôles de recherche transdisciplinaire associant encore plus étroitement les sciences de la vie, les sciences de l’énergie et de la matière et les sciences mathématiques et numériques.
Plus personne aujourd’hui ne doit ignorer que cette bataille contre le cancer se gagnera aussi sur le terrain de l’analyse mathématique et informatique, et de la capacité de traitement intelligent des données massives, dont la quantité va exploser dans les années à venir. Nous devons donc mobiliser tous nos outils scientifiques et toute notre intelligence pour enfin venir à bout de ce fléau et en débarrasser définitivement l’Humanité.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
Chers abonnés de RT Flash,
A l'encontre des lecteurs de RT Flash en ligne, vous, abonnés à notre Lettre hebdomadaire, avez reçu, la semaine dernière, le même édito (sur la maladie de Parkinson) pour la seconde fois. Cette erreur est liée à un dysfonctionnement et nous tenons à nous en excuser. Pour réparer cette erreur, vous trouverez ci-dessous l'édito de la semaine dernière ainsi que le petit additif que j'avais rédigé sur la maladie de Parkinson pour reprendre une information très intéressante transmise par une lectrice de RT Flash.
Avec toutes mes excuses.
Bien Cordialement
René TRÉGOUËT
La révolution des déplacements urbains propres, autonomes et intelligents !
D'ici 2050, 68 % de la population mondiale vivra dans des villes contre 55 % aujourd'hui, selon une étude de l'ONU qui précise qu’en 2030, sur les 8,5 milliards de personnes que comptera notre Terre, près de 5 milliards vivront dans des zones urbaines. L’ONU souligne que d'ici 2030, la planète comptera 43 villes géantes avec plus de 10 millions d'habitants chacune.
L'Amérique latine est le continent le plus urbanisé au monde. Elle présente un taux d'urbanisation de 80 %, suivie de peu par l’Europe, avec 77 % de citadins. Au total, la population dans les villes aura été multipliée par six depuis 1950, passant de 751 millions de personnes en 1950 à 4,2 milliards en 2018. Aujourd’hui, l'Asie accueille 54 % des citadins du monde, suivie par l'Europe et l'Afrique avec 13 % chacune. D'ici 2050, l'Inde aura 416 millions de citadins de plus, la Chine 255 millions et le Nigeria 189 millions.
Depuis 1950, la production annuelle de voitures a été multipliée par dix dans le monde et le parc automobile mondial a suivi le même rythme, passant de 90 millions à 1,2 milliard de voitures. Il est frappant de constater qu’il y a encore moins de dix ans, toutes les prévisions tablaient sur une augmentation considérable du parc automobile mondial, qui devait atteindre plus de 2,5 milliards de véhicules en 2050. Mais en moins d’une décennie, les évolutions technologiques majeures sont venues remettre en cause ces prévisions, qu’il s’agisse de la montée en puissance de l’autopartage, du développement des voitures électriques et hybrides, et bien sûr de l’arrivée dorénavant proche des véhicules autonomes.
A cet égard, l’étude publiée début 2018 par le réputé cabinet britannique PricewaterhouseCoopers (PwC) est édifiante : elle prévoit que le nombre de voitures en circulation en Europe et aux Etats-Unis pourrait chuter de 138 millions d’unités — sur un total de 550 millions — d’ici à 2030. En Europe, ce nombre passerait ainsi de 280 à 200 millions et aux Etats-Unis il passerait de 270 à 212 millions outre-Atlantique. Selon ce cabinet le développement rapide des différentes formes d’utilisation partagée de véhicules fera qu’un 1 km parcouru sur 3 sera partagé en 2030 aux Etats-Unis et en Europe (Voir PWC).
Toujours selon cette étude, autre point marquant : 40 % des kilomètres effectués en voiture en 2030 se feront avec des véhicules autonomes, et 55 % des nouveaux véhicules seront électriques. Comme le souligne cette étude, dans une dizaine d’années, les deux principales règles qui prévalent depuis la naissance de l’automobile, à savoir d’une part que la majorité des automobilistes sont propriétaires de leur voiture, et d’autre part qu’ils doivent se trouver derrière le volant pour la conduire, auront en partie disparu.
Quant à la voiture à moteur thermique que nous connaissons depuis la fin du XIXème siècle, elle est, elle aussi, irrémédiablement condamnée. Selon le scénario « New Policies » de l'AIE basé sur les politiques actuelles ou annoncées, le parc mondial de voitures électriques pourrait avoisiner 125 millions d’unités en 2030 (et jusqu’à 220 millions dans le scénario « EV30@30 » visant à porter à 30 % la part de marché de la mobilité électrique au niveau mondial).
Mais si la voiture va devenir propre d’ici les vingt prochaines années, elle va aussi devenir largement autonome : le cabinet Navigant Research, spécialiste des technologies propres sur les marchés mondiaux, prévoit ainsi que les ventes de véhicules sans conducteur atteindront 95,4 millions d'unités par an en 2035, ce qui représentera environ 75 % de l'ensemble des ventes de véhicules légers.
Cette révolution des véhicules propres, autonomes, connectés et intelligents va également bouleverser nos modes de déplacements et définitivement brouiller les frontières entre transports publics et privés, comme le montrent de nombreuses expérimentations en cours.
Les campagnes, contrairement à beaucoup d’idées reçues, n’échapperont pas à cette mutation majeure. C’est ce que montre une expérimentation qui va débuter en Indre, en plein coeur de la Brenne. Dans ce territoire très rural, les trois-quarts des habitants, comme le confirme une enquête récente, n’ont pas d’autre choix que de prendre leur voiture tous les jours. En outre, les personnes âgées qui doivent sortir de leur village ont peu de solutions pratiques de déplacement à leur disposition.
Pour améliorer cette situation, deux navettes électriques autonomes – 5 passagers par navette – tourneront en boucle, 8 fois dans la journée, entre plusieurs villages sur une distance de 22,3 km. Les habitants qui n’ont pas le permis (ou pas de voiture) pourront ainsi retrouver de la mobilité.
A Vauvert, dans la « petite Camargue (Gard), les habitant vont bientôt pouvoir utiliser la navette urbaine Vauveo. D’une contenance de vingt-trois places, dont quinze assises, cette navette sera équipée de deux caméras à l’intérieur. Elle effectuera des transports à la demande les après-midi, sur simple appel téléphonique.
Depuis la fin 2018, une navette autonome Keolis circule dans le centre-ville de Nevers, cohabitant ainsi avec les piétons, cyclistes et autres voitures. Ce type de véhicule sans conducteur a déjà été testé dans d'autres villes de France mais jamais en coeur de ville, dans un flux de circulation classique. Du mardi au samedi, de 13h30 à 18h30, la Cours'inov circule en Centre-Ville, sur un parcours d'un kilomètre environ. Cette navette entièrement électrique de 14 places fonctionne sans chauffeur mais un opérateur de Keolis est présent pour assurer la sécurité. Grâce à un système de capteurs, caméras et GPS, cette navette peut évoluer seule dans un milieu urbain dense et s'arrête en cas d’obstacles.
En Ile-de-France, la RATP multiplie depuis trois ans les expérimentations de navettes urbaines autonomes. En 2017, entre les gares de Lyon et d’Austerlitz, plus de 30 000 voyageurs ont été transportés à l’aide d’une navette autonome. Depuis plus d’un an, en partenariat avec la Ville de Paris et Ile-de-France Mobilités, la RATP dessert aussi le bois de Vincennes, avec une navette qui prend les gens au métro et les emmène à l’endroit qu’ils souhaitent dans le bois. Ce service a beaucoup de succès et a déjà été utilisé par près de 40 000 personnes.
Mais la RATP va franchir une nouvelle étape décisive, avec la mise en service d’autobus autonomes avant la fin de l’année. Ligne concernée : la n°393, qui relie Thiais à Sucy-Bonneuil, dans le Val-de-Marne. Le premier bus autonome sur cette ligne 393, choisi parmi une quinzaine de candidats du monde entier, commencera à être testé en fin de cette année. Il sera mis en test sur la ligne avec un machiniste à bord, qui devra appuyer sur le bouton du mode automatique sur certaines parties du trajet.
La RATP est persuadée qu’elle doit proposer de nouveaux services personnalisés pour les voyageurs, au fameux dernier kilomètre, ou à la desserte des zones peu denses et périurbaines, de sorte à créer de nouvelles offres là où il n’y en n’a pas ou de compléter celles qui existent. Pour autant, la régie affirme sa volonté de conserver un conducteur, dont la mission pourra évoluer vers le conseil et l’écoute des passagers.
Aujourd’hui, la RATP constate qu’elle est en mesure d’offrir un transport public efficace lorsqu’il y a une forte densité de voyageurs. Mais en zones peu denses ou périurbaines, elle ne parvient pas à proposer une offre de transports assez attractive et à rentabiliser ses lignes. L’autonomie doit donc permettre de coupler la logique de transport à la demande et celle de transport hyper-personnalisé, pour offrir du transport là où il n’y en n’a pas et à des prix beaucoup plus abordables.
A Lille, depuis le début de l’année, la desserte en transport en commun du campus de l’Université de Lille 1, à Villeneuve d’Ascq, s’effectue grâce à un service de navettes électriques, sur un trajet prédéfini. C’est le constructeur français Navya qui a été retenu pour fournir les deux navettes autonomes. Chaque navette peut accueillir quinze personnes et ne nécessite aucune infrastructure particulière pour évoluer.
A Amiens, depuis deux mois, Keolis exploite pour le compte d’Amiens Métropole, 43 bus tout électriques. Première en Europe, ces véhicules électriques circulent sur trois des quatre nouvelles lignes de Bus à Haut Niveau de Services (BHNS) baptisées Nemo en hommage au capitaine de « Vingt mille lieues sous les mers » de Jules Verne, natif d’Amiens. Grâce à ce nouveau réseau, Amiens Métropole et Keolis prévoient une hausse de fréquentation de 28 % en cinq ans du réseau de transport en commun amiénois (Ametis). Ces bus construits par le fabricant espagnol Irizar sont équipés d’un nouveau système de recharge rapide qui leur permet de retrouver 40 km d’autonomie en moins de 5 minutes de charge. Quant à la recharge complète, qui demande quatre heures, elle s’effectue la nuit au dépôt. Dotés de 151 places, ces bus sont propres, confortables et silencieux.
En région lyonnaise, deux navettes Navly sont opérationnelles depuis quelques jours entre le Parc OL et la station de tramway Décines Grand Large. Elles peuvent se déplacer à la vitesse maximale de 18 km/h, dans des conditions réelles de circulation urbaine. Ces navettes circulent tous les quarts d'heure, sur 1,3 kilomètre, soit 15 minutes de parcours, du lundi au samedi entre 8h30 et 19h30. Elles seront gratuites durant tout le temps de l'expérimentation qui s'inscrit dans le cadre du projet européen AVENUE.
Ces navettes autonomes devraient à terme faire partie de la palette de modes de transports en commun à Lyon. "L'enjeu : desservir le dernier kilomètre et à terme pouvoir offrir un transport à la demande, sans compter la préservation de l'environnement puisque ces navettes sont électriques", souligne Fouziya Bouzerda, responsable du projet.
Partout dans le monde, les transports urbains connaissent une véritable révolution, avec l’arrivée de navettes modulables et propres, à haut niveau d’autonomie. En Chine, un nouveau concept de transport qui n’a pas fini de faire parler de lui est actuellement en cours d’expérimentation à Harbin, dans le nord-est du pays, où les températures descendent souvent en dessous de -20°C l’hiver. Baptisé « Rail Rapid Transita (ART), ce mode de transport est un hybride sophistiqué de bus et de tramway, équipé de roues en caoutchouc et capable de circuler dans les rues sans conducteur, de façon autonome. Avec son système de guidage optique autonome, ses bogies de type train à double essieu, son circuit hydraulique et ses pneumatiques spéciaux, ce véhicule hybride combine de manière innovante les avantages du tramway léger sur rail à ceux des véhicules routiers autonomes. Long de 35 mètres, l'ART peut transporter 300 passagers à une vitesse de 70 km/h. Son guidage optique, qui fait appel aux technologies GPS et Lidar, lui permet de se déplacer au millimètre près le long d'un marquage au sol invisible.
Pour sa propulsion, l’ART utilise de puissantes batteries en lithium-titanate, d’une autonomie de 40 kilomètres, qui se rechargent rapidement : 30 secondes de charge suffisent à retrouver 5 kilomètres d’autonomie et dix minutes, à récupérer 25 kilomètres. L’un des avantages décisifs de l’ART sur tous ses concurrents, c’est qu’il peut être déployé en quelques semaines dans une ville, sans infrastructures nouvelles. Autre avantage majeur, l’installation d’un ART urbain revient en moyenne à 6 millions du km, contre 24 millions d'euros pour un tramway en France, de quoi faire réfléchir les élus locaux, alors que certaines métropoles, comme Lyon, envisagent de nouvelle lignes de métro dont les délais de réalisation sont d’au moins 15 ans, pour un coût pharaonique qui dépasse les 100 millions d’euros du km… Gageons également que la Chine n’a pas seulement développé son ART pour répondre à ses besoins intérieurs et que ce remarquable mode de transport urbain pourrait rapidement devenir un concurrent redouble pour les grandes sociétés européennes et nationales du secteur des transports urbains.
Pourtant, face au géant chinois, la France ne manque pas d’atouts. A l'occasion du symposium des véhicules intelligents qui a eu lieu le 12 juin dernier à Versailles, plusieurs équipes de recherche françaises ont présenté de remarquables innovations qui vont dans le même sens que ce concept d’ART et pourraient bouleverser rapidement les déplacements urbains, à condition qu’elles puissent rapidement passer du laboratoire aux systèmes commercialisés. Ces avancées concernent notamment de nouveaux systèmes de guidage novateurs pour les navettes autonomes. Ces nouveaux systèmes de navigation utilisent toutes les ressources de l’IA et peuvent gérer des problèmes complexes, comme le contournement et le dépassement de véhicules en circulation. Autre innovation présentée par l’IRSTEA lors de ce salon, un système de guidage par radar capable de repérer son chemin tout seul, quelles que soient les conditions météorologiques, sans GPS ni laser.
Autre révolution très attendue, celle de la généralisation des plates-formes multimodales numériques qui regroupent l’ensemble des offres de mobilité, les fameuse « MaaS » (Mobility as a Service). La loi d’orientation des mobilités (LOM), en cours d’adoption, prévoit d’ouvrir les services de vente des sociétés de transport, ce qui devrait permettre à chacun de pouvoir visualiser sur son smartphone ou son ordinateur, à l’aide d’une seule application, l’ensemble de l’offre de transport correspondant à sa demande spécifique de déplacement. On comprend mieux l’intérêt d’un tel service quand on sait que le nombre de seniors de plus de 75 ans va augmenter de 40 % d’ici dix ans en France, passant de 6 à 8,5 millions, et que, pour cette population, il est primordial de pouvoir disposer de modes de déplacements adaptés à leur autonomie parfois réduite.
Parmi les nombreuses expérimentations de plates-formes locales MaaS, on peut citer celle, remarquable, mise en place par Mulhouse depuis septembre 2018, sous l’impulsion de sa dynamique Maire, Michèle Lutz. Dans cette métropole de 285 000 habitants, il vous suffit de préciser où vous voulez allez et quand. En quelques instants, l’application smartphone vous propose les itinéraires les plus rapides et les moins chers, en combinant l'ensemble des modes de transports publics, privés ou partagés. En outre, grâce au système d’abonnement mis en place, l’usager n’a rien à avancer et ne règle ses frais de transports qu’en fin de mois. Ce MaaS mulhousien, c'est ce qui fait son originalité, se veut résolument un outil social qui permet de suivre ses consommations de déplacement en temps réel et de prévoir son budget transports.
Il faut enfin évoquer une autre révolution dont le Japon a pris la tête, celle qui va articuler les problématiques de transports, de production et de stockage d’énergie propre. Mitsubishi vient de lancer la première offre « tout-en-un » destinée aux particuliers pour installer une solution Vehicle-to-Home (V2H) chez eux. Cette offre combine de manière intelligente une borne de recharge bidirectionnelle, des panneaux photovoltaïques, une batterie domestique et un logiciel de pilotage intelligent. Le système a été conçu pour produire, stocker et partager de l’électricité issue des énergies renouvelables. Ce concept de V2H est bien entendu évolutif et peut également intégrer les piles à combustibles à hydrogène, productrices d’électricité, qui seront demain dans nos voitures, mais également dans nos habitations.
Pendant la journée, les panneaux photovoltaïques peuvent alimenter la maison en électricité, mais aussi remplir la batterie stationnaire, et celle du Véhicule Électrique s’il est branché. Le soir, lorsque survient le pic de consommation électrique, les deux batteries (stationnaire et du véhicule) prennent le relais. L’électricité stockée peut alors être réinjectée et vendue sur le réseau, au moment où la demande d’énergie est la plus forte et où les tarifs d’achat sont les plus avantageux. Le coût total d’investissement du système, hors achat du véhicule, est de l’ordre de 25 000 euros, mais il peut être amorti en seulement six ans dans des pays comme le Japon, où le prix de l’électricité pour les particuliers est élevé.
Cet exemple japonais montre qu’il faut à présent penser en cohérence les problématiques de transports, d’énergie, d’environnement et d’urbanisme, si l’on veut pouvoir répondre à l’évolution des demandes de déplacements (tant quantitatives que qualitatives ), tout en maîtrisant les coûts d’infrastructures et en réduisant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et la pollution inhérentes à la mobilité.
Compte tenu de l’impact considérable des transports sur l’économie, mais également sur l’environnement et la santé humaine, nous ne pouvons plus continuer à penser les déplacements en utilisant des concepts du siècle dernier. A cet égard, une étude publiée il y a peu est édifiante. Des chercheurs de l'Inserm, du CNRS, de l'INRA, d'Atmo Auvergne-Rhône-Alpes et de l'Université Grenoble Alpes ont voulu évaluer les conséquences de la pollution dans l’agglomération lyonnaise (Voir Science Direct). Selon ces scientifiques, la pollution est responsable de 531 décès dans la métropole, et aurait causé 65 cancers du poumon. L'étude estime à 1,8 milliard d'euros les coûts liés aux traitements et à la souffrance psychologique des familles, ce qui représente 1200 euros par habitant. Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont comparé la concentration moyenne en particules fines sur la période 2015-2017 (15 µg/m³) avec une concentration de 4,9 µg/m³, soit le taux de particules fines estimé dans l'air sans intervention d'origine humaine.
Cette étude montre enfin qu’il faudrait ainsi une baisse de 3,3µg/m³ des particules fines pour réduire d'un tiers les décès dans l'agglomération et augmenter l'espérance de vie de trois mois chez les sujets en bonne santé. Pour obtenir une telle diminution des nuisances et de l’impact néfaste de la pollution sur la santé humaine, il faut impérativement réussir à réduire le trafic automobile et l’usage des véhicules à moteur, ce qui ne pourra se faire qu’en améliorant et en diversifiant les offres de transports propres et personnalisées dans la métropole de Lyon.
N’en doutons pas, cet enjeu politique, social et environnemental majeur de la mobilité propre et à la demande, est désormais l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens et sera au cœur du débat démocratique de ce siècle, comme nous en aurons certainement la confirmation dès les prochaines élections municipales qui approchent à grands pas…
René TRÉGOUËT
Maladie de Parkinson : un complément important à mon éditorial de la semaine dernière
A la suite de mon éditorial du 28 juin dernier, intitulé, « Maladie de Parkinson : des avancées décisives sont en cours », l’une de nos fidèles lectrices a eu l’amabilité de nous informer d’une nouvelle découverte israélienne majeure, concernant cette pathologie neurodégénérative grave. Je l’avoue humblement, cette découverte importante, associant des chercheurs israéliens, britanniques et allemands, m'avait échappé, c’est pourquoi je ne l’avais pas évoquée dans mon éditorial.
Je tiens à remercier chaleureusement notre lectrice avisée pour cette information scientifique de premier ordre, dont vous trouverez ci-dessous, un résumé.
Je profite de cette occasion pour vous demander de ne pas hésiter à nous transmettre toute information scientifique qui vous semblerait intéressante et mériterait selon vous d’être reprise dans notre lettre.
Vous remerciant à nouveau pour votre vigilance et votre fidélité
Bien cordialement
René Trégouët
Découverte d’un nouveau mécanisme fondamental à l’œuvre dans la maladie de Parkinson
Grâce à l’utilisation d’une nouvelle technologie innovante de microscopie à super-résolution, des chercheurs israéliens de l’Université de Tel-Aviv, dirigés par le Professeur Ashery, en collaboration avec des chercheurs anglais, de l’Université de Cambridge, et allemands, du Max Planck Institut, ont mis au point une méthode de diagnostic précoce qui pourrait permettre un traitement de la maladie de Parkinson dès son premier stade. Pour être précis, cette recherche a été réalisée en collaboration avec l’Université de Cambridge en Angleterre, l’Institut Max Planck de Göttingen et l’Université Ludwig Maximilian de Munich en Allemagne.
Ces scientifiques sont parvenus à créer en laboratoire un modèle de souris exprimant la protéine alpha-synucléine avec une mutation entraînant la formation spontanée d’agrégats, forme de cette protéine qui a été retrouvée sur des patients atteints de Parkinson après autopsie. Utilisant une technologie de microscopie perfectionnée, les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont constaté que des petits agrégats d’alpha-synucléine apparaissaient dans les cellules de la substance noire dès le début de la maladie.
Suite à cette découverte, un chercheur associé de l’Institut Max Planck en Allemagne, spécialisé dans le développement d’agents anti-agrégats, a réussi à développer une substance appelée Anle 138b, qui empêche l’accumulation de dépôts d’alpha-synucléine. Les souris traitées avec cette substance ont vu leur état s’améliorer de manière significative : la libération de dopamine dans leur cerveau a augmenté, et leur comportement est redevenu normal.
En parallèle, les chercheurs ont constaté que le médicament provoquait la décomposition des petits dépôts de la protéine, ce qui réduisait apparemment leur toxicité. « Nous avons découvert un mécanisme central de la maladie de Parkinson, inconnu jusqu’à présent, et trouvé une substance qui le neutralise et pourra servir de base au développement d’un médicament. Nos travaux ouvrent donc une nouvelle voie thérapeutique très prometteuse pour soigner plus efficacement les malades atteints de Parkinson », conclut le Professeur Ashery.
Israël Science Info