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Bactéries : le mécanisme de dissémination de résistance aux antibiotiques observé en temps réel !

La dissémination globale de résistance aux antibiotiques est un problème majeur de santé publique et une priorité de la recherche internationale en microbiologie. Une étude dirigée par Christian Lesterlin, chercheur Inserm au sein du laboratoire ”Microbiologie moléculaire et biochimie structurale“ (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) à Lyon, a réussi pour la première fois à filmer avec son équipe le processus d’acquisition de l’antibiorésistance en temps réel et a découvert un acteur essentiel mais inattendu dans son maintien et dans sa dissémination au sein des populations bactériennes.

Cette dissémination de l’antibiorésistance est en grande partie due à la capacité qu’ont les bactéries d’échanger du matériel génétique par un processus appelé conjugaison bactérienne. Le séquençage systématique de souches pathogènes ou environnementales a permis d’identifier une grande variété d’éléments génétiques transmissibles par conjugaison et porteurs des résistances à la plupart, sinon à toutes les classes d’antibiotiques actuellement utilisés dans les traitements cliniques.

En revanche, le processus de transfert in vivo du matériel génétique d’une bactérie à l’autre, le temps nécessaire à l’acquisition de cette résistance une fois le nouveau matériel génétique reçu et l’effet des molécules antibiotiques sur cette résistance étaient encore inconnus.

Les chercheurs ont choisi d’étudier l’acquisition de la résistance de la bactérie Escherichia coli à un antibiotique couramment utilisé, la tétracycline, en mettant une bactérie sensible à l’antibiotique en présence d’une bactérie résistante. Des études précédentes ont montré que cette résistance repose sur sa capacité à évacuer l’antibiotique avant qu’il n’ait pu jouer son rôle destructeur grâce à des “pompes à efflux” situées sur sa membrane. Ces pompes à efflux spécifiques sont capables d’éjecter les molécules antimicrobiennes en dehors de bactéries, leur conférant ainsi un certain niveau de résistance.

Dans cette expérience, la transmission de l’ADN d’une “pompe à efflux” spécifique – la pompe TetA – a été observée entre une bactérie résistante et une bactérie sensible par marquage fluorescent. Grâce à l’apport de la microscopie en cellule vivante, il suffisait alors de suivre la progression de la fluorescence pour voir la manière dont l’ADN de la “pompe” migrait d’une bactérie à l’autre et comment il s’exprimait chez la bactérie receveuse.

Les chercheurs ont ainsi mis en évidence qu’en 1 à 2 heures seulement, le fragment d’ADN simple brin de la pompe à efflux était transformé en ADN double brin puis traduit en protéine fonctionnelle, conférant ainsi la résistance à la tétracycline à la bactérie receveuse.

Le transfert d’ADN des bactéries donneuses (vertes) aux bactéries receveuses (rouges) est révélé par l’apparition de foyers de localisation rouges. L’expression rapide des gènes nouvellement acquis est, quant à elle, révélée par la production de fluorescence verte dans les bactéries receveuses.

Le mode d’action de la tétracycline est bien connu des scientifiques : elle entraîne la mort des bactéries en se fixant sur leur machinerie traductionnelle, bloquant ainsi toute possibilité de produire des protéines. En suivant ce raisonnement, lorsque l’antibiotique est introduit dans le milieu de culture précédent, la pompe à efflux TetA ne devrait pas être produite et les bactéries devraient mourir.

Pourtant, les chercheurs ont observé que, paradoxalement, les bactéries étaient capables de survivre et de développer la résistance efficacement, suggérant l’implication d’un autre facteur essentiel au processus d’acquisition de résistance. Cette étude ouvre de nouvelles perspectives dans la recherche de mécanismes similaires chez d’autres bactéries que E.coli et pour différents antibiotiques. Ces travaux ouvrent également la voie vers de nouvelles stratégies thérapeutiques qui associeraient l’antibiotique et une molécule capable d’inhiber cette pompe généraliste.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash 

Inserm

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