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Les puces asynchrones trop en avance sur leur temps ?

La dictature va enfin laisser place à l'anarchie !” lance avec emphase Karl Fant, le très dynamique fondateur et directeur technique de Theseus Logic. Il se met alors à parler de la révolution à venir, chambardement qui, à l'en croire, devrait arracher les microprocesseurs aux contraintes du passé. Comment ? En les débarrassant de l'horloge, ce dispositif fondamental par lequel, depuis les débuts de l'informatique, ils organisent et exécutent leur travail. Même ceux d'entre nous qui ne connaissent rien aux microprocesseurs ont une vague idée de leur horloge. Depuis des années, Intel a fait de la vitesse d'horloge de ses processeurs un argument de vente : plus la vitesse d'horloge est élevée, mieux c'est. Ce qui revient toujours dans la plupart des publicités pour ordinateurs, outre le prix, c'est un chiffre du genre “1,3 GHz” (ou gigahertz). Un processeur sans horloge serait à peu près aussi utile qu'une page de texte sans espace entre les lettres. La plupart des concepteurs de puces imagineraient mal devoir se passer de l'horloge. Ce n'est pas le cas de Fant ou des iconoclastes dans son genre, qui, dans des start-up, des universités ou des centres de recherche d'entreprises, travaillent à concevoir des puces sans horloge. La “conception asynchrone” - l'un des noms de cette technique non conformiste - offre de tels avantages, à les en croire, que tous les fondeurs y viendront un jour ou l'autre. “Les concepteurs réalisent qu'il devient de plus en plus difficile de répartir une horloge sur des systèmes d'une complexité toujours croissante, et que tôt ou tard cela ne fonctionnera plus”, assure Alain Martin. Professeur d'informatique à Caltech, il a mis au point le premier microprocesseur sans horloge en 1989. Il souligne qu'à mesure que les puces gagnent en complexité une part grandissante de l'énergie nécessaire à leur fonctionnement est engloutie par l'horloge elle-même, qui doit maintenant coordonner le fonctionnement de millions de transistors. En se passant de l'horloge, les puces asynchrones présentent de grands avantages. Et en particulier une consommation électrique nettement moindre, ce qui se traduit par une meilleure autonomie

Courrier international : [http://www.courrierint.com/mag/INTmedia.htm">pour les ordinateurs portables]. La technologie sans horloge offre aussi des gains de puissance de traitement. En 1997, Intel a mis au point une puce test asynchrone, compatible Pentium, qui tournait trois fois plus vite, avec moitié moins d'énergie, que son équivalent synchrone. Chez Theseus, Fant s'est concentré sur un autre avantage de la conception asynchrone. De tels processeurs n'émettant pas de signal à intervalles réguliers, comme le font les circuits à horloge, ils se prêtent mieux au cryptage. Ce qui devrait leur ouvrir le marché des cartes à puce, ainsi que celui d'applications sensibles comme le stockage des dossiers médicaux, l'échange de fonds électroniques et l'identification des individus. La mise sur le marché de processeurs sans horloge se heurte à un obstacle majeur : le manque d'outils automatisés permettant d'accélérer leur conception. Il y a vingt ans, une poignée d'ingénieurs pouvaient dessiner sur une feuille de papier les circuits d'un microprocesseur. Aujourd'hui, des centaines d'ingénieurs travaillent en équipes, et le seul moyen de coordonner leur action consiste à utiliser des outils informatiques de pointe. Mais les concepteurs de puces asynchrones sont confrontés au problème de l'oeuf et de la poule : s'il n'existe pas de marché grand public pour les puces asynchrones, les sociétés ne sont guère incitées à créer les outils pour les fabriquer ; or, sans ces outils, impossible de produire les puces. Le même problème se pose pour le développement des technologies de test des microprocesseurs. Même si on est encore très loin d'une démocratisation des puces sans horloge, on en voit déjà les premiers signes. Intel, qui a renoncé à ses projets de processeur asynchrone en 1997, a intégré des éléments de sa technologie sans horloge dans le Pentium IV, apparu cette année. “Nous introduisons la conception asynchrone à petites doses sur une puce à conception classique, note Ken Stevens. A ce stade, si nous pouvons faire quelque chose de façon asynchrone, et que cela se traduit par une moindre consommation, nous le ferons.”

Courrier international : [http://www.courrierint.com/mag/INTmedia.htm

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