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Edito : Manger mieux pour mieux vivre : le vrai défi de notre temps

Gro Harlem Brundtland, Directeur général de l'OMS, vient de réunir la première table ronde entre responsables de l'OMS et des industries alimentaires. Objectifs : oeuvrer pour des régimes alimentaires plus sains et accroître l'exercice physique. Comme le rappelle l'OMS dans un communiqué, « les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète, les maladies respiratoires, l'obésité et les autres maladies non transmissibles sont aujourd'hui à l'origine de 59 % des 56,5 millions de décès enregistrés chaque année dans le monde . La majorité des problèmes liés aux maladies chroniques touche désormais les pays en développement. Un régime alimentaire médiocre, une sédentarité excessive et le tabagisme figurent parmi les principales causes de ces affections. » Ainsi que l'a souligné le Dr Brundtland, la modification du régime alimentaire et l'accroissement de l'exercice physique constituent un gigantesque défi. Nous savons à présent, grâce à de nombreuses études réalisées depuis 10 ans, qu'au moins un tiers des cancers et des maladies cardio-vasculaires pourraient être prévenus simplement par un régime alimentaire équilibré, la pratique régulière d'activités physiques et bien entendu la suppression du tabac. A l'échelle de la France, une telle prévention permettrait de sauver plus de 100 000 vies par an ! L'économie annuelle réalisée pour notre collectivité nationale serait de l'ordre de 30 milliards d'euros, plus de deux fois le déficit cumulé de la sécurité sociale ! L'étude EPIC, (Etude Prospective Européenne sur l'alimentation et le cancer), actuellement dirigée par le CIRC, est la plus grande étude européenne sur nos habitudes alimentaires. Son but est d'établir le lien entre alimentation et cancer. Depuis 1992, 520 000 volontaires dans 10 pays européens sont suivis en temps réel. Les résultats préliminaires de cette étude sans précédent ont été dévoilés à Lyon en juin2001 et le moins qu'on puisse dire est qu'ils sont édifiants: une consommation quotidienne de 500 grammes de fruits et de légumes diminue de moitié l'incidence des cancers des voies aérodigestives, et réduit notablement celle des cancers du côlon ou du rectum. En France, l'Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé (Inpes) a publié, mardi 29 avril, les premiers résultats du « Baromètre santé nutrition 2002 ». Cette enquête montre que les comportements alimentaires des Français sont de plus en plus influencés par le facteur « santé » mais cette enquête révèle également que le nombre d'obèses continue d'augmenter : 7,4 % des hommes souffraient d'obésité, ils sont 9,8 % en 2002. Quant à la proportion d'enfants obèses, elle a doublé en France depuis 25 ans et pourrait rejoindre le niveau américain d'ici 20 ans si nous ne modifions pas de manière profonde nos habitudes alimentaires. Ce sondage entre dans le Programme national nutrition santé (PNNS), lancé en septembre 2002 par le Ministre de la santé qui avait fixé, à cette occasion, « neuf objectifs nutritionnels prioritaires en termes de santé publique ». L'augmentation de l'activité physique quotidienne, de la consommation de fruits et légumes (cinq par jour), ou encore la réduction d'absorption des acides gras saturés font partie de ces objectifs. Les résultats du « Baromètre santé nutrition 2002 » montrent que ces objectifs sont encore loin d'être atteints. L'enjeu en matière de santé est pourtant considérable, non seulement en matière de maladies cardio-vasculaires et de diabète mais aussi en matière de cancer, comme l'a encore montré, Il y a quelques semaines, la plus grande étude jamais réalisée sur les liens entre cancer et surpoids. Cette étude américaine menée sur 900 000 adultes pendant 16 ans montre que l'obésité, chez l'homme comme chez la femme, augmente « le risque de développer tous les types de cancer ». Autre enseignement de cette étude, ce risque est directement proportionnel à l'importance du surpoids calculé grâce à l'indice de Masse Corporelle (IMC). C'est ainsi qu'un homme qui pèse 130 kg et mesure 1m80, voit son risque de cancer augmenter de 52 % par rapport à un homme de même taille qui pèse 80 kg ». Cette étude révèle également que tous les types de cancer sont impliqués, aussi bien celui de l'estomac que celui de la prostate chez l'homme ou du sein et de l'utérus chez la femme. Les chercheurs concluent que « le surpoids et l'obésité sont associés à environ 14 % des décès par cancer chez l'homme et 20 % chez la femme. » Une autre étude publiée le 14 mai nous apprend que les dépenses de santé associées à l'obésité et au surpoids approchent désormais celles associées au tabagisme aux Etats-Unis. Ces dépenses représentent 9,1 % des dépenses de santé annuelles totales aux Etats-Unis (voir article dans la rubrique médecine de ce numéro). Ce combat engagé au niveau mondial, et relayé au national par les pouvoirs publics, pour une alimentation plus saine et plus équilibrée, doit être servi par une volonté politique inflexible et s'inscrire dans la durée. Il faudra au moins une génération pour modifier en profondeur des habitudes alimentaires parfois multiséculaires et enracinées dans notre culture et notre histoire. Mais la puissance publique, quelle que soit sa volonté, ne pourra pas gagner seule cette bataille et il est capital que les acteurs du secteur agro-alimentaire fassent preuve d'esprit civique et prennent leur responsabilité dans ce domaine. Un premier pas a été accompli lorsque ces industriels ont accepté le principe d'une réduction d'un tiers de la quantité de sel contenu dans les préparations alimentaires. Mais il faut aller plus loin et réduire de manière très sensible la quantité de sucres et de graisses contenus dans nos produits alimentaires. Parallèlement, nos industriels doivent tout mettre en oeuvre pour promouvoir une consommation accrue de fruits et légumes et réduire la consommation d'alcool encore trop élevée dans notre pays et responsable de nombreuses maladies. Il est également essentiel que nos enfants soient initiés, dés le plus jeune âge, aux bonnes habitudes alimentaires et à la diététique, afin qu'ils adoptent le plus tôt possible une alimentation équilibrée qu'ils conserveront tout au long de leur vie. Il faut enfin intensifier les recherches scientifiques pour cerner encore mieux les liens entre l'alimentation et les principales pathologies, de manière à pouvoir non seulement éviter les comportements alimentaires à risque mais aussi, à plus long terme, s'acheminer vers de véritables régimes alimentaires personnalisés qui pourront, en fonction du profil génétique de chacun, traiter, prévenir ou retarder considérablement, et à moindre coût, l'apparition de graves maladies ainsi que les conséquences du vieillissement. C'est ainsi que des chercheurs japonais viennent d'annoncer avoir développé une variété de riz génétiquement modifié dont la consommation dispenserait les diabétiques de leurs injections régulières d'insuline (voir article dans la rubrique médecine de ce numéro). Nous devons comprendre que demain l'alimentation sera notre première médecine en prévenant de manière scientifique et individualisée la plupart des affections qui nous menacent et en nous permettant d'exploiter pleinement et jusqu'au terme de notre vie toutes nos potentialités physiques et intellectuelles. On peut même imaginer, même si ces recherches n'en sont encore qu'à leur début, que la durée de notre vie elle même pourra être sensiblement prolongée grâce à une réduction maîtrisée de notre consommation calorique. C'est en tout cas ce que laisse entrevoir de fascinantes et récentes expériences réalisées chez l'animal. Demain, si nous le voulons, grâce à l'adoption d'un mode de vie plus sain, et pour un coût financier bien modeste au regard des immenses bénéfices sociaux attendus, la bonne santé et la longévité deviendront la règle pour l'immense majorité de nos concitoyens et la maladie l'exception. Tels les médecins traditionnels chinois, qui se font payer par leurs patients bien portants mais soignent gratuitement leurs malades, ce qui les incitent à prévenir l'apparition des maladies, nous aurons alors compris que, quel que soit le niveau de connaissance et d'efficacité de la science et de la médecine, il est toujours plus facile de prévenir la maladie que de la guérir. Nous aurons également compris que nous sommes les premiers responsables de notre santé et de notre bien être et que nos choix de vie ne nous engagent pas seulement nous-mêmes mais déterminent aussi le type et les valeurs de société que nous souhaitons.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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