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Comment un détecteur immunitaire inné reconnaît son propre ADN

Ces dernières années, une biomolécule a fait l’objet d’une attention particulière, la cGAS. Il s’agit d’un « détecteur d’ADN » qui est impliqué dans le déclenchement des réponses immunitaires dans le corps. Plus précisément, lorsqu’un agent pathogène infecte une cellule, la cGAS détecte son ADN, puis commence une série de réactions biochimiques qui activent le système immunitaire « inné » du corps, la première barrière de défense de notre système immunitaire.

Comment la cGAS parvient à distinguer son propre ADN de l’ADN étranger ? C’est l’une des principales énigmes scientifiques autour de cette biomolécule. Mais le plus déroutant est que la cGAS existe également dans le noyau cellulaire, où se trouve le matériel génétique.

Des scientifiques de l’EPFL et de l’Institut Friedrich Miescher en Suisse ont révélé l’existence d’un mécanisme fascinant par lequel les nucléosomes – les unités structurales qui enveloppent l’ADN à l’intérieur du noyau – se lient et inactivent la cGAS.

Les travaux menés conjointement par la professeure Andrea Ablasser de l’EPFL et le scientifique Nicolas Thomä de l’institut Friedrich Miescher apportent de nouvelles informations sur la biologie de cette molécule indispensable à l’immunité.

Un nucléosome comporte une chaîne d’ADN enroulée autour de paires, ou dimères, de protéines appelées histones, tel un fil autour d’une bobine. L’association des histones et de l’ADN est appelée « chromatine ».

De précédentes études ont révélé que lorsque des cellules sont traitées avec le médicament anticancéreux aclarubicine, certaines histones sont « mobilisées » au sein de la chromatine. Parallèlement, la cGAS devient également mobilisée, ce qui permet aux chercheurs de conclure que la cGAS pourrait s’associer au nucléosome dans la cellule. Cette hypothèse a finalement été confirmée par des essais biochimiques qui ont révélé que ces deux acteurs peuvent en effet interagir.

Pour mieux comprendre ce phénomène, les scientifiques ont eu recours à la cryo-microscopie électronique pour voir, sur le plan structurel, comment les nucléosomes se lient à la cGAS. En étudiant le complexe formé par la cGAS et les nucléosomes à une résolution de 3,1 Ångstroms (0,31 nm), ils ont découvert que la cGAS se lie au « patch acide » du nucléosome, une plate-forme négativement chargée qui se lie généralement aux protéines. Une fois liés, les histones et l’ADN des nucléosomes « piègent » la cGAS dans un état où elle est incapable de détecter l’ADN et est donc fonctionnellement inactivée.

Pour confirmer leurs découvertes, les scientifiques ont introduit des mutations dans l’interface cGAS-patch acide, ce qui a empêché la cGAS de se lier au nucléosome. Cela a été suffisant pour supprimer l’effet de blocage du nucléosome sur la cGAS et a déclenché une forte réponse immunitaire dans les cellules vivantes.

Ces travaux apportent les premiers éléments de réponse sur la manière dont la chromatine interfère avec l’activité de la cGAS. Ils révèlent que la base structurelle de l’interaction de la cGAS avec la chromatine fournit aux scientifiques un mécanisme par lequel la cGAS peut différencier l’ADN de sa propre cellule de celui d’agents pathogènes étrangers.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

EPFL

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