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Edito : Vivre 100 ans en bonne santé, un objectif réaliste, à condition d’adapter notre mode de vie…
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Il est toujours bon de la rappeler. En seulement un siècle, l’espérance moyenne à la naissance est passée, au niveau mondial, de 45 à 71 ans, une progression sans précédent dans toute l’histoire humaine. Et cette moyenne mondiale devrait continuer à progresser, pour atteindre, selon l’ONU, 77 ans en 2050. A la fin de ce siècle, une étude américaine dirigée par Michael Pearce et Adrian Raftery (Université de Washington) et publiée en 2021, estime même que l’espérance de vie à la naissance pourrait dépasser les 120 ans (Voir Demographic Research).
On le sait aujourd’hui, trois grands types de facteurs déterminent la longévité humaine : ceux liés à notre patrimoine génétique, à notre environnement et enfin, à notre mode de vie. S’agissant des gènes, 30 ans après la découverte de DAF-2, le premier gène lié au vieillissement, par Cynthia Kenyon de l’Université de Californie à San Francisco, une étude très intéressante réalisée par l’Université de Rochester, par l’équipe de Vera Gorbunova (Voir University of Rochester) a confirmé en 2019 l’importance du gène de la sirtuine 6 (SIRT6), situé sur le chromosome 19, en matière de longévité, tant chez les animaux que chez l’homme. Ce gène semble en effet jouer un rôle-clé dans le contrôle de nombreuses protéines et enzymes chargées de réparer l’ADN. Mais en étudiant ce gène chez plusieurs espèces animales, ces chercheurs ont découvert que le "pouvoir de jouvence" de SIRT6 n’était pas seulement dû à son nombre, plus ou moins grand, de copies, mais également à ses variants qui sont plus ou moins efficaces. Ces scientifiques ont en outre découvert que les systèmes de réparation de l’ADN étaient plus efficaces chez les animaux à longue durée de vie, sans doute sous l’effet de facteurs environnementaux et comportementaux qui restent à préciser. Il y a quelques mois, une nouvelle étude de la même université a montré, chez l’être humain, que les personnes atteignant une longévité exceptionnelle étaient bien plus susceptibles de porter une variante rare (présente chez moins de 1 % de la population) de ce gène SIRT6.
En 2013, l’équipe de David Walker (Université de Californie à Los Angeles) avait par ailleurs montré, dans une étude retentissante, qu’en surexprimant un gène donné, Parkin, on augmentait de 25 % la durée de vie en bonne santé de la mouche drosophile. Lorsqu’il est muté, le gène Parkin favorise une forme de la maladie de Parkinson. Mais, comme l'ont montré ces recherches, sous sa forme non mutée, ce gène restaure les mécanismes de réparation cellulaire et d’élimination des cellules endommagées. David Walker est persuadé qu’en agissant de manière judicieuse sur ce gène Parkin, il serait possible de prévenir ou de traiter de nombreuses pathologies liés au vieillissement, qu’il s’agisse de la maladie de Parkinson, du cancer, des maladies cardiovasculaires ou du diabète.
Mais s’il ne fait pas de doute que nos gènes, et leurs mutations spécifiques, jouent un rôle important dans la qualité de notre vieillissement et notre longévité, de récents travaux montrent que notre mode de vie est également déterminant pour mieux retarder et affronter les maladies liées à l’âge. Une étude réalisée par Walter Longo (Université de Californie, voir USC Leonard Davis) a récemment montré que les régimes pauvres en protéines animales et riches en glucides complexes, comprenant également des périodes de jeûne, sont les plus bénéfiques pour la santé et la longévité. Selon ces recherches, le "régime de longévité" comprend une alimentation pescatarienne ou végétarienne, sans viande rouge, riche en légumineuses et en graines. Dans ce régime, 30 % des calories proviennent de graisses végétales telles que les noix et l'huile d'olive. Enfin, élément important, pour être pleinement efficace, ce régime antiâge doit s’organiser en deux cycles : 12 heures de repas et 12 heures de jeûne par jour. Ce travail montre également que le jeûne périodique entre 18 et 70 ans pouvait inverser la résistance à l'insuline générée par un régime hypercalorique et réguler la tension artérielle, le cholestérol total et l'inflammation.
Une étude récente réalisée par l’Université de Bergen en Norvège, et intitulée "Estimation de l'impact des choix alimentaires sur l'espérance de vie" (Voir PLOS), confirme les conclusions du Professeur Longo. Elle montre que le passage d'un régime occidental typique à un régime riche en légumineuses, grains entiers et noix avec une réduction de la viande rouge et transformée, est lié à une espérance de vie de 8 ans de plus s'il est commencé à 60 ans.
Une autre étude internationale, associant notamment les universités de Zurich, Genève, Bâle Boston, Harvard et Coimbra (Portugal), portant sur un groupe de personnes âgées de plus de 70 ans, a démontré que l’association de la vitamine D, des oméga-3 et de l’exercice physique permettait une réduction du risque de cancer de 61 % (Voir Frontiers in Aging). Cette étude a soumis un groupe de personnes, âgées de 75 ans en moyenne, à de l’exercice physique simple, réalisé à domicile, associé à la prise de vitamine D et d’oméga-3. Pour réaliser ce travail, les auteurs ont étudié un groupe de volontaires composé de 2157 participants issus de cinq pays européens (Suisse, France, Allemagne, Autriche et Portugal), pendant cinq ans, entre décembre 2012 et décembre 2017. Les participants ont ensuite été répartis en huit groupes différents pour tester les avantages individuels et combinés de la vitamine D, des omega-3 et de l'exercice (Voir étude).
Ces recherches de l’Université de Californie et de l’Université de Bergen sont à mettre en relation avec une autre étude publiée il y a quelques jours, qui a fait grand bruit dans la communauté scientifique. Ce travail est intitulé « Réduire les calories et manger au bon moment de la journée prolonge la vie des souris » hhmi). Selon ces recherches conduites par le Professeur Joseph Takahashi, de l'Institut médical Howard Hughes, les rythmes quotidiens du corps, et notamment le cycle circadien régulé par le cortisol, joueraient un grand rôle en matière de longévité. Ces travaux ont montré que manger uniquement pendant les heures les plus actives de la journée pouvait augmenter de manière considérable la durée de vie de souris, par ailleurs astreintes à un régime hypocalorique. L’étude montre qu’un régime hypocalorique permet de prolonger la vie de ces rongeurs de 10 %. Mais si ce régime restrictif s’applique uniquement la nuit, lorsque les souris sont les plus actives, il prolonge alors leur vie de 35 %... Cette étude conforte donc la pertinence des régimes alimentaires qui se calent sur les cycles circadiens et ne prévoient de manger qu'à certains moments de la journée ; elle montre également le rôle-clé, et longtemps sous-estimé, du métabolisme dans le vieillissement,
L’activité physique peut également contribuer de manière puissante à ralentir les effets du vieillissement, mais pas n’importe laquelle. C’est ce que vient de montrer une très intéressante étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Leicester, au Royaume-Uni, qui ont découvert que la pratique régulière de la marche dite "rapide" (au moins 6km/ heure) permet de conférer à une personne de 56 ans un âge biologique (celui de "ses artères") plus jeune de 16 ans…
Pour parvenir à cette surprenante conclusion, ces scientifiques ont étudié les données génétiques de 405 981 Britanniques, en particulier la longueur des télomères de leurs globules blancs. Les télomères sont de petits capuchons qui forment les extrémités des chromosomes. A mesure que les cellules se divisent, ces télomères deviennent de plus en plus courts, jusqu’au moment où les cellules ne peuvent tout simplement plus se répliquer. Or, on sait que l’accumulation de cellules sénescentes (qui sont devenues incapables de se diviser) dans le corps contribue au vieillissement et aux maladies associées. La longueur des télomères est donc considérée comme un bon marqueur de l’âge biologique. On savait, certes, que la vitesse de la marche était un bon indicateur de l’état de santé. Mais c’est la première fois qu’une étude parvient à établir un lien de causalité aussi net entre le rythme du marcheur, la longueur des télomères et le rythme du vieillissement.
Il y a quelques semaines, des scientifiques de l'Institut Babraham au Royaume-Uni ont réussi à modifier les cellules de la peau humaine pour inverser de 30 ans leur vieillissement. Pour parvenir à un tel résultat, les chercheurs ont reprogrammé ces cellules de peau afin qu’elles rajeunissent, tout en conservant certaines des fonctionnalités qui en ont fait initialement des cellules de la peau. Cette technique semble particulièrement prometteuse pour effacer certaines des conséquences néfastes du vieillissement (Voir eLife). Rappelons qu’en 2007, le chercheur japonais Shinya Yamanaka a développé une technique pour transformer les cellules matures en cellules souches, qui possèdent la propriété de se développer en n'importe quel type de cellule, en les exposant pendant deux mois à un cocktail de produits chimiques, connus sous le nom de facteurs Yamanaka.
Mais l’inconvénient de cette technique est qu’elle fait perdre aux cellules leur identité spécifique. Pour contourner ce problème, ces chercheurs ont exposé des cellules cutanées humaines aux facteurs Yamanaka pendant un temps limité, seulement 13 jours. Ce procédé a empêché les cellules de se transformer complètement en cellules souches, les faisant régresser uniquement à une étape intermédiaire du processus, connue sous le nom de "phase de maturation". À ce stade, de nombreux marqueurs génétiques liés à l'âge avaient été effacés et les cellules avaient temporairement perdu leur identité. Toutefois, celles-ci étaient toujours capables de retrouver leur fonction spécialisée de cellules cutanées. Cette étude a montré que cette nouvelle approche permettait de remonter l'horloge épigénétique des fibroblastes d'environ trente ans. Et les chercheurs ont pu observer que les fibroblastes rajeunis produisaient effectivement bien plus de collagène que les cellules qui n'avaient pas été reprogrammées.
Une autre découverte récente, réalisée par des chercheurs du Pennington Biomedical Research Center (Louisiane), a permis d’identifier un composé chimique, le BAM15 qui cible les mitochondries, ces petites centrales énergétiques des cellules et permet ainsi une perte de poids, une prise de masse musculaire, ainsi qu’une réduction de l’inflammation liée à l’âge (Voir Wiley). Ces travaux confirment l’intérêt de cibler la voie des "découpleurs mitochondriaux", pour ralentir les effets biologiques et métaboliques délétères du vieillissement.
Concrètement, le BAM15 permet à la fois d’éliminer les mitochondries endommagées, de maintenir des mitochondries plus saines, et de réduire l’inflammation liée à l’âge, liée à la perte musculaire. « Généralement la perte de poids s’accompagne d’une perte musculaire, mais ici, avec le complément BAM15, les souris gagnent 8 % en masse musculaire, 40 % en force alors qu’elles perdent plus de 20 % de leur masse grasse », souligne l’étude. Compte tenu de la prévalence croissante de l’obésité, qui, selon l’OMS, est en train de prendre un véritable caractère épidémique au niveau mondial, cette découverte ouvre la voie vers une prévention active de l’obésité sarcopénique, ce qui pourrait permettre aux seniors touchés par cette pathologie de vivre plus longtemps et en meilleure santé. L’étude conclut en soulignant, « les promesses des découpleurs mitochondriaux qui pourraient jouer, dans un avenir proche, un rôle important dans l’amélioration de la durée de vie en bonne santé ».
Depuis une dizaine d’années, s’appuyant sur les nouvelles connaissances accumulées sur le processus complexe du vieillissement, plusieurs familles de molécules prometteuses, ciblant différents mécanismes du vieillissement, font l’objet d’essais cliniques chez l’homme, seules ou en combinaison, pour évaluer leur efficacité anti-âge. C’est notamment le cas de la metformine, un médicament prescrit contre le diabète de type 2, qui cible plusieurs voies du vieillissement et semble réduire les risque de cancer et de maladies cardiaques. Autre médicament prometteur, la rapamycine, qui inhibe la voie mTOR et semble capable d’allonger la vie et de retarder l’apparition des maladies chroniques chez la souris. Il faut également évoquer les sénolytiques qui ciblent la sénescence cellulaire, les activateurs de sirtuines (des enzymes impliquées dans les mécanismes de réparation cellulaire, comme le resvératrol, présent dans le raisin) qui agissent sur l’enzyme SIRT1, et des précurseurs de NAD (Nicotinamide Adénine Dinucléotide), une coenzyme présente dans toutes les cellules vivantes qui augmente l’action des sirtuines, des enzymes impliquées dans la réparation de l’ADN.
Ces récentes avancées scientifiques sont très intéressantes parce qu’elles confirment qu’il est possible, sans attendre, d’être capable d’agir directement sur les gènes impliqués dans le vieillissement (ce qui est très délicat car les gènes interagissent entre eux et nous sommes encore loin de maîtriser ces cascades de causes et d’effet), d’agir de manière puissante sur les mécanismes cellulaires, immunitaires et métaboliques qui participent au vieillissement et provoquent l’apparition de multiples pathologies liées à l’âge.
Cette action préventive systémique contre le vieillissement, qui passera par l’utilisation combinée de trois leviers que j’ai rapidement évoqués, alimentation, mode de vie et chimioprévention personnalisée, pourrait nous permettre, j’en suis persuadé, de donner à tous les humains, qui naîtront après 2050, plus d’un siècle d’espérance de vie en bonne santé, à condition bien sûr que nous soyons capables de continuer à améliorer globalement les conditions de vie de notre espèce, comme nous avons su le faire de manière extraordinaire depuis un siècle, et de surmonter collectivement l’immense défi climatique qui nous menace et qui ne manquera pas d'avoir des répercussions majeures sur notre santé et notre longévité, si nous ne parvenons pas à le surmonter...
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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- Publié dans : Médecine
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