Edito : Numérique, robotique, biotech, énergie, espace : la Chine assoit sa domination mondiale
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Depuis quelques mois, la Chine a accompli d'incroyables avancées scientifiques et techniques dans tous les domaines stratégiques qui définissent à présent la puissance d'une nation et sa capacité à préparer l'avenir : le numérique, la robotique, la santé, l'espace, et les énergies propres.
Si nous voulons une illustration concrète de cette nouvelle puissance chinoise globale, il suffit de regarder le contenu du "cadre général" d'accord commercial global, conclu il y a quelques jours entre la Chine et les USA. Dans ce traité de paix commercial, qui doit encore être signé par Donald Trump et Xi Jinping, la Chine devrait ré-autoriser les exportations de ses métaux stratégiques dont dépend Washington. En contrepartie, les États-Unis devraient retirer une partie de leurs restrictions à l'exportation vers la Chine de certains semi-conducteurs. « Lors du premier mandat de Donald Trump, les États-Unis ont dicté leurs conditions à la Chine. Cette fois-ci, Pékin a bien mieux résisté car les restrictions américaines sur les puces l'ont moins fait souffrir que prévu », souligne Ariel Ying Wang, gérante chez Gemway AM et spécialiste de l'Asie. Il est vrai que la Chine vient de lancer la production de masse de la première puce IA non binaire au monde. Elle combine les logiques binaire et probabiliste pour dépasser les limites classiques des semi-conducteurs. Mise au point par l’équipe du professeur Li Hongge, à l’université Beihang de Pékin, cette puce repose sur une logique hybride associant traitement binaire et probabiliste. Ce système hybride a été baptisé HSN, pour Hybrid Stochastic Number. L’idée est d’associer de manière ingénieuse la logique binaire et l'approche dite stochastique, pour concevoir une puce à la fois très efficace et exceptionnellement polyvalente. En réussissant à articuler ces deux technologies sur un même support, l’équipe chinoise a donc pu concevoir une puce d’un nouveau genre. Grâce à la complémentarité du binaire et de la méthode stochastique, elle est capable d’exploiter les avantages respectifs des deux approches tout en limitant leurs inconvénients. Ce système a déjà été implémenté sur une puce qui est désormais produite en masse par SMIC, le premier fondeur chinois. Cette nouvelle approche est beaucoup mieux adaptée aux environnements bruités, comme ceux qui caractérisent les transports ou l'industrie. Mais l'avantage décisif de cette nouvelle technologie est qu'elle permet à la Chine de s’affranchir des composants sous embargo américain. Alors que les États-Unis misent d'abord sur la finesse de gravure pour rester compétitifs sur le marché des microprocesseurs (une stratégie très coûteuse qui s'appuie sur des usines à plus de 10 milliards de dollars), la puce chinoise s’appuie sur des procédés de gravure classique fournis par SMIC. Cette approche lui permet de rester compatible avec les outils de production actuels, tout en échappant aux sanctions américaines. Outre-le HSN, cette puce hybride embarque des algorithmes de calcul en mémoire, ce qui réduit les échanges entre processeur et mémoire vive (RAM) et s'appuie sur une architecture SoC capable de traiter plusieurs tâches simultanément. Déjà présente dans des systèmes de contrôle intelligents (affichage, interaction tactile, navigation aérienne), cette nouvelle puce chinoise présente une excellente résilience au bruit et une latence maîtrisée à l’échelle de la microseconde. Comme le souligne le Professeur Li Hongge, « Notre nouvelle puce atteint déjà une latence de calcul sur puce au niveau de la microseconde, établissant un excellent équilibre entre l’accélération matérielle haute performance et la programmabilité logicielle flexible » (Voir Tech In Asia).
Toujours en Chine, Deepseek a créé l’événement en janvier dernier avec son IA à faible coût. Contrairement à des entreprises comme OpenAI, qui s’appuient sur des superordinateurs comprenant des dizaines de milliers de puces puissantes, mais onéreuses, DeepSeek, en utilisant avec beaucoup d’intelligence de nouveaux outils, comme le Mixture-of-Experts et le Multi-head Latent Attention (MLA), a réussi à réduire drastiquement les besoins en calculs massifs. Ces techniques ont permis à DeepSeek de rivaliser avec des modèles comme GPT-4 tout en nécessitant dix fois moins de ressources matérielles. Il y a quelques jours, démentant les affirmations qui voyaient en DeepSeek un "feu de paille", reposant uniquement sur une communication habile, la firme chinoise a sorti une mise à jour de son modèle R1 (R1-0528). Selon les spécialistes, ces améliorations placent l'IA chinoise la plus performante à ce jour au même niveau que ses compétiteurs mondiaux. Cette nouvelle version offre une puissance de calcul et une précision accrue, tout en proposant un coût de réponse inférieur. Sur plusieurs classements, la version R1-0528 de l'IA se classe parmi les modèles les plus performants à ce jour. Par exemple, en prenant comme référence le test AIME (American Invitational Mathematics Examination), qui porte sur les raisonnements mathématiques des IA, la dernière version de Deepseek arrive à la deuxième place parmi les principales IA, juste derrière o3, une des dernières versions de ChatGPT. Ainsi, sur plusieurs tests de performance, l'IA montre des résultats à quasi-égalité avec les meilleures versions de Gemini (l'IA de Google) et ChatGPT (l'IA d'OpenAI). Mais c'est surtout au niveau du coût d'utilisation que cette nouvelle version de DeepSeek fait la différence : pour un million de tokens (ou jetons, utilisés dans la génération de plusieurs réponses), le coût de cette IA chinoise est estimé à moins de 1 dollar. À titre de comparaison, le coût de Gemini 2.5 est estimé à 3,5 dollars pour le même nombre de jetons, celui de la version o4-mini de ChatGPT est de 1,9 dollar et celui de la version o3 monte à 17 dollars (Voir Techi).
En début d'année, le constructeur de robots chinois Unitree a créé l’événement en commercialisant deux modèles de robots humanoïdes, les H1 et les G1, sur le site chinois JD.com. Les robots ont été vendus à 99.000 yuans (environ 13.000 euros) pour le G1 et 650.000 yuans (environ 86.000 euros) pour le H1. Le succès a été immédiat et la rupture de stock est arrivée après seulement quelques heures. Unitree, par ce coup de com spectaculaire, compte bien s'imposer face à ses rivaux américains et japonais sur le futur et immense marché des robots humanoïdes d'aide à la personne, qui devrait voir au moins 100 millions de robots polyvalents arriver dans nos habitations, mais également dans les hôpitaux, services publics, maisons de retraite et écoles, d'ici 2050, ce qui pourrait représenter un marché colossal de plus de 1000 milliards de dollars. Le G1, humanoïde d’1,30 mètre et 16 kg, est proposé à un prix 5 à 10 fois inférieur à celui de ses concurrents occidentaux. Il intègre des capteurs de mouvement, une vision embarquée et une batterie amovible, et peut être facilement programmé pour des applications spécifiques (Voir Unitree).
Autre domaine stratégique où la Chine est en train de s'imposer au niveau mondial, la santé et la biotech. Aujourd'hui, le médicament le plus profitable au monde reste le Keytruda, une thérapie immunitaire lancée en 2014 par le laboratoire américain Merck. L’année dernière, le Keytruda a rapporté près de 30 milliards de dollars à Merck. Mais c'est un médicament développé par une biotech chinoise, Akeso, qui fait aujourd’hui figure de challenger le plus sérieux pour le laboratoire américain. L’année dernière, une étude réalisée sur des patients chinois a montré que son Ivonescimab améliorait de 49 % la survie des patients traités par rapport au Keytruda (Voir The Lancet).
Il y a quelques mois, des chirurgiens chinois ont greffé avec succès un foie de porc génétiquement modifié sur un patient humain, une première mondiale. L’équipe chinoise dirigée par le professeur Lin Wang, de l’hôpital Xijing à Xi'an, a utilisé un foie provenant d’un porc Bama miniature génétiquement modifié. L’animal avait subi des modifications génétiques visant à réduire les risques de rejet immunitaire. La modification des gènes, réalisée à l’aide de techniques d’édition génomique avancées, a permis d’exprimer des protéines humaines clés, comme la thrombomoduline et les protéines régulant la réponse immunitaire. Cette transplantation marque un tournant majeur pour la xénotransplantation, ouvrant la voie à des solutions alternatives pour les patients en attente de greffe.
Par ailleurs, l'année dernière, des scientifiques chinois de l’Université Fudan à Shanghai ont réussi, grâce à une thérapie génique unique au monde, saluée par la communauté scientifique internationale, à donner l’ouïe à des enfants nés sourds. Au total, dix enfants souffrant de surdité ont été intégrés à ce programme et quatre ont vu leur audition s’améliorer considérablement. Ces enfants souffraient d’un type de surdité génétique particulier, causé par un gène défectueux, devenu incapable de produire une protéine appelée otoferline, nécessaire au bon fonctionnement des cellules ciliées dans l’oreille interne. Ces scientifiques chinois ont réussi à injecter une copie du gène codant l’otoferline – par le biais d’un virus désactivé, dans la cochlée, région de l’oreille interne chargée de l’audition (Voir Fudan University).
Cette irrésistible montée en puissance de la médecine et de la biologie chinoise n'a pas échappé aux géants mondiaux de la pharmacie. AstraZeneca a signé un accord de 1,9 milliard de dollars avec le groupe pharmaceutique chinois CSPC pour produire des médicaments contre les maladies cardiovasculaires, et Merck a également conclu un accord de 2 milliards de dollars avec le chinois Hansoh Pharmaceutical pour le développement d'un nouveau médicament favorisant la perte de poids).
Il y a quelques semaines, la Chine, leader mondial incontesté des énergies renouvelables, a présenté deux nouvelles éoliennes géantes qui redéfinissent les standards mondiaux. La première a été conçue par l'entreprise publique CRRC Corporation. Cette turbine offshore, baptisée Qihang, affiche des dimensions, avec une hauteur de 151 mètres, pour un rotor d'un diamètre de 260 mètres de pale à pale. D'une puissance de 20 MW, Qihang surpasse les précédentes éoliennes flottantes de 18 MW déployées en 2024 par Envision Energy et Dongfang Electric, également chinoises. À titre de comparaison, la plus grande éolienne terrestre installée en France est la Haliade-X de General Electric, d'une capacité de 12 MW et un diamètre de rotor de 220 mètres. Cette nouvelle éolienne marine géante est équipée de plus de 200 capteurs répartis sur les pales, les structures, les systèmes de transmission, les flotteurs et les amarres, permettant une surveillance en temps réel de son fonctionnement et de ses contraintes de structure. Qihang est conçue pour résister à des conditions météorologiques extrêmes, y compris les typhons, qui sont fréquents dans les zones maritimes où elle sera déployée. Cette éolienne peut produire jusqu'à 62 millions de kWh par an, suffisamment pour alimenter 37 000 foyers.
De son côté, la China Dongfang Electric Corporation a achevé la construction de la plus grande éolienne au monde, d’une puissance de 26 MW et d’une hauteur impressionnante de 185 mètres. Cette nouvelle turbine, installée dans le parc industriel éolien offshore de Fujian Fuzhou, est un monstre de puissance. Avec un moyeu situé à 185 mètres d’altitude — l’équivalent d’un immeuble de 63 étages — elle peut générer environ 100 millions de kilowattheures d’électricité par an, sous des vents de 10 m/s. Cette production inégalée lui permet d’alimenter 55 000 foyers, tout en évitant l’émission de plus de 80 000 tonnes de CO₂ chaque année, grâce à la substitution du charbon. Le design a été spécifiquement pensé pour résister aux conditions difficiles des zones marines chinoises, notamment aux typhons fréquents. Ces géants des mers sont si puissants qu'il suffirait que la Chine en déploie environ 30 000 pour assurer le quart de ses besoins colossaux en électricité prévus pour 2050 (environ 12 000 TWh par an à cette échéance) (Voir IFL Science).
La Chine est déjà le leader mondial en production d’énergie éolienne et solaire. En 2023, elle a installé 77 GW d’éolien, environ les deux tiers des nouvelles capacités mondiales. Sur le solaire aussi, la Chine avance à grande vitesse : entre mars 2023 et mars 2024, elle a ajouté plus de capacité solaire que lors des trois années précédentes combinées, dépassant même la capacité solaire installée dans le monde en 2023. Ces efforts lui ont permis d’atteindre avec 6 ans d'avance son objectif national de 1 200 GW combinés d’éolien et de solaire. La Chine a d'ailleurs annoncé que sa capacité en énergie éolienne et solaire dépassait pour la première fois celle issue des installations thermiques, principalement générée par des centrales à charbon. La Chine a entrepris d’installer des milliers de panneaux photovoltaïques dans le désert de Kubuqi, en Mongolie intérieure. Avec cette initiative ambitieuse, la Chine veut transformer non seulement le paysage, mais redéfinir également les standards mondiaux en matière d’innovation énergétique. Une fois en activité, autour de 2030, cette ferme solaire colossale de 400 km de long, pour 5 km de large, sera capable de produire 180 TWH par an, de quoi alimenter 36 millions de foyers en électricité...
La Chine a également annoncé, en début d'année, un incroyable projet visant à construire une gigantesque centrale solaire spatiale d’un kilomètre de large, pouvant produire en un an l’équivalent en énergie de la quantité totale de pétrole disponible sur Terre. Elle sera lancée en orbite géostationnaire pièce par pièce à l’aide de la nouvelle fusée superlourde réutilisable Longue Marche-9.
Et l’Espace est devenue pour la Chine le symbole de l'affirmation de sa puissance retrouvée. Il y a quelques semaines en avril dernier, la Chine a réalisé une première mondiale en déployant la toute première constellation de satellites sur une orbite rétrograde lointaine (DRO) entre la Terre et la Lune. Cette orbite autorise une trajectoire très stable, qui demande peu de carburant pour y rester, tout en permettant une vision stratégique sur l’ensemble du système Terre-Lune. En réussissant cet exploit technologique, la Chine montre sa capacité à maîtriser les communications dans cette région lointaine de l’espace (Voir Global Times).
Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, la Chine a réussi, les 26 et 27 avril 2025, avec l’appui des observatoires du Yunnan, à envoyer depuis la Terre un faisceau laser de précision sur le satellite Tiandu-1, actuellement en orbite lunaire. Ce faisceau laser a parcouru 130 000 kilomètres dans l’espace, a rebondi sur le satellite, puis est revenu jusqu’aux capteurs terrestres, fournissant une mesure d’une précision extrême, en plein jour, une performance qui n'avait jamais été accomplie jusqu'à présent (Voir Chinese Academy of Sciences).Ces succès scientifiques s'inscrivent dans la stratégie chinoise de conquête de l'espace qui prévoit un premier alunissage habité d’ici 2030, puis la construction d’une base lunaire permanente vers 2035. Le 14 mai dernier, la Chine a lancé en orbite les premiers satellites d’un réseau spatial qui pourrait bien révolutionner l’informatique mondiale. La Chine ne vise rien de moins que la création d'un réseau informatique géant dans l’espace, indépendant des infrastructures terrestres, capable de traiter les données en temps réel grâce à l’intelligence artificielle. Ce projet, baptisé "Star Computing", vise à déployer une constellation de 2 800 satellites, interconnectés par des liaisons laser, capables de communiquer entre eux sans dépendre des stations au sol (Voir Space Insider)
Malheureusement, ces nombreuses et impressionnantes avancées scientifiques et techniques chinoises ont été largement occultées par l'actualité internationale et n'ont pas fait l'objet de la couverture médiatique qu'elles méritaient. Nous devrions pourtant prendre, sans attendre, toute la mesure de cette affirmation de la nouvelle puissance chinoise dans tous les domaines de la science et de la connaissance. Comment imaginer, alors que, même les États-Unis ne sont plus en mesure d'imposer à la Chine leur leadership en matière commerciale, économique et scientifique, que notre continent pourra résister bien longtemps à cet incroyable rouleau compresseur chinois, s'appuyant sur 5000 ans de brillante civilisation, comme l'avait bien vu, en son temps, le Général de Gaulle...
Si nous voulons demain conserver notre souveraineté scientifique, énergétique, politique et stratégique et contrebalancer avec succès cette puissance chinoise qui ne cesse de grandir, et qui pourrait à terme s'exprimer de manière agressive, dans une dangereuse hégémonie mondiale, notre pays doit faire des choix clairs, qui le tournent vers l'avenir, et doit être à l'initiative pour relancer la dynamique européenne face à ce modèle chinois d'une redoutable efficacité mais autoritaire et autocratique. Dans un tel contexte mondial, marqué par une Chine conquérante, que rien ne semble devoir arrêter, il est plus que jamais vital, en nous redonnant les moyens de revenir au premier plan scientifique et technique, de poursuivre la construction politique et stratégique de l'Europe, en s'appuyant sur notre civilisation européenne et ses valeurs démocratiques, libérales et humanistes.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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