Edito : Réchauffement de la planète : L'accord de Bonn n'est pas assez audacieux
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La communauté internationale a conclu lundi à Bonn un accord qualifié d'historique en vue de sauver le protocole de Kyoto, après la décision du président américain George W. Bush de ne pas appliquer cet accord de lutte contre le réchauffement planétaire qu'il considère comme "fondamentalement défectueux". Après trois ans et demi de négociations et au terme d'une dernière réunion de 24 heures, 180 pays ont finalisé les modalités concrètes du protocole de 1997, que les pays industriels exigeaient de connaître pour ratifier et réduire leurs émissions polluant l'atmosphère. La commissaire européenne à l'Environnement, Margot Wallstroem, a aussitôt annoncé que l'Union européenne allait entamer son processus de ratification. Jan Pronk, le ministre néerlandais de l'Environnement, qui a présidé les discussions, s'est félicité que des "négociations mondiales aient permis de résoudre un problème global". Il faut rappeler que Kyoto impose 5,2 % de réductions d'émissions de six gaz à effet de serre dont le CO2 à 39 pays développés en 2008-2012 par rapport aux niveaux d'émission de ces gaz en 1990. Les pays du Sud ont seulement des obligations d'inventaires. La mise en oeuvre de ce Protocole de Kyoto bloquait sur trois questions : comment aider les pays du Sud à affronter le changement climatique et à se préparer à réduire leurs émissions sans compromettre leur développement; comment faciliter la tâche des pays du Nord dont les émissions ont augmenté jusqu'à 13 % dans la dernière décennie au lieu de diminuer ? Comment contrôler le respect des obligations ? Le compromis négocié à Bonn depuis le 16 juillet et finalisé en trois jours par les ministres de l'Environnement repose sur un marchandage entre les trois principaux camps des négociations : Union européenne, Umbrella (Canada, Australie, Japon, Russie et autres pays alliés traditionnellement des Etats-Unis dans les pourparlers climatiques), G-77 (pays en voie de développement). L'Union européenne a accepté de faire d'importantes concessions à l'Umbrella sur les puits de carbone qui avaient provoqué l'échec de la dernière conférence ministérielle, à La Haye, en novembre. Elle s'est résignée à une très large comptabilisation de ces phénomènes d'absorption du CO2 par les forêts et les sols agricoles. Pour obtenir l'accord du Japon, elle a dû en outre céder du terrain sur le caractère légalement contraignant du contrôle des engagements. En outre, faute de consensus sur l'aide au Sud, l'Union européenne, le Canada et quatre petits pays de l'Umbrella ont dû promettre de consacrer 410 millions de dollars par an d'ici 2005 pour aider le tiers monde à affronter le réchauffement et ses conséquences néfastes pour le développement. Mais en parlant d'une seule voie, et en défendant une position claire et cohérente, l'Union européenne a entraîné l'adhésion de l'ensemble des autres pays du monde, à l 'exception notable mais prévisible des Etats-Unis. On peut bien sur regretter les insuffisances et les lacunes de cet accord laborieux de Bonn mais comme le souligne Michel Barnier, Commissaire européen, "Par rapport à un problème global comme celui-ci, ou bien l'on avance même par petits pas, ou bien l'on fait du sur place. Je pense que cet accord est un bon accord même si c'est un compromis insuffisant, même s'il a fallu faire des concessions". Cette position pragmatique est aussi celle exprimée par Olivier Deleuze, au nom de la présidence de l'Union européenne, qui a déclaré "Je préfère un accord imparfait à un accord parfait qui n'aurait jamais été mis en vigueur". La grande inconnue reste à présent l'attitude américaine mais les Etats Unis, au nom de la realpolitik, vont devoir tenir compte du nouveau rapport de force internationale que traduit les accords de Bonn : désormais sur cette question planétaire fondamentale de l'environnement, et face à l'émergence salutaire d'une opinion publique mondiale, les USA, quelle que soit leur puissance économique et politique, ne sont plus en mesure d'imposer leurs vues au reste du monde. Les Etats-Unis, qui sont responsables de 36% des émissions mondiales de gaz à effet de serre prennent en outre le risque d'un isolement coûteux à long terme sur la scène internationale. Mais même si les 178 pays ayant pris part lundi à l'accord de Bonn ont laissé la porte ouverte à un possible ralliement des Etats-Unis, cette perspective semble improbable dans un proche avenir, selon la presse américaine et plupart des experts. Mais il est certain que cet accord de Bonn va considérablement accroître la pression sur l'administration Bush et la contraindre à mettre en oeuvre une nouvelle politique énergétique. La presse américaine souligne également le rôle des milieux d'affaires américains qui craignent qu'en l'absence de limites contraignantes les entreprises ne prennent du retard à investir dans les technologies propres. A cet égard, le vice-président de l'Association nationale de l'industrie manufacturière (NAM), Mark Whitenton, a déjà exprimé ses craintes que la mise en oeuvre du protocole de Kyoto soit susceptible de nuire aux multinationales américaines, contraintes d'opérer selon des règles différentes chez elles et à l'étranger. On peut donc penser, qu'à terme, les Etats-Unis, après avoir défini chez eux une nouvelle politique énergétique, rejoindront d'une manière ou d'une autre la communauté internationale et prendront toute leur part dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Enfin il faut souligner que cet accord historique de Bonn marque non seulement l'émergence d'une prise de conscience et d'une opinion publique planétaires en matière d'environnement mais aussi une nouvelle étape dans la mise en place d'un véritable pouvoir de régulation et de sanction mondiales, articulé désormais autour des 3 instances que sont l'organe de contrôle crée à Bonn, pour l'environnement, l'instance d'arbitrage de l'OMC, pour les conflits commerciaux, et le Tribunal Pénal International, pour la violation des droits de l'Homme. Progressivement, mais inexorablement, on voit donc se mettre en place un nouvel ordre juridique international qui dépasse l'intérêt des états et conquiert peu à peu une autonomie et un pouvoir de plus en plus grands. Nous devons donc nous féliciter de cet accord de Bonn et poursuivre inlassablement nos efforts pour que l'indispensable développement économique de la planète ne se fasse plus contre l'environnement, considérée comme une contrainte, ou un frein mais fasse, au contraire, du respect de l'environnement, le nouveau moteur de l'innovation technologique et de la compétitivité économique.
René TRÉGOUËT
Sénateur du Rhône
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