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Edito : La photosynthèse artificielle ouvre la voie vers l’énergie du Futur

Pour accélérer la nécessaire transition énergétique mondiale et réduire drastiquement les émissions humaines de gaz à effet de serre, les pays développés, mais également (ce qui est nouveau) les pays émergents (Comme la Chine, l’Inde ou le Brésil) ont considérablement accéléré leurs investissements en faveur des énergies renouvelables, principalement l’éolien, le solaire et la biomasse. Mais si nous voulons, comme le préconise l’IRENA (Agence internationale pour les énergies renouvelables) doubler d’ici 2030 -passant de 18 à 36 % la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique mondial-, il est nécessaire d’augmenter sensiblement l’efficacité et le rendement de production de l’éolien, du solaire et de la bioénergie, grâce à des ruptures technologiques majeures.

Parmi celles-ci, la photosynthèse artificielle, qui consiste à reproduire et à améliorer les processus et mécanismes à l’œuvre dans les plantes, dans la nature, pourrait bien être à l’origine d’une révolution scientifique et industrielle. En août 2015, des chercheurs australiens de l’Université de Monash, à Melbourne, ont ainsi établi un nouveau record, en portant à 22 % le taux d’efficacité de leur « feuille artificielle » qui décompose l’eau grâce à la lumière du soleil pour produire de l’hydrogène. Pour atteindre de telles performances, ces scientifiques ont, d’une part, utilisé des cellules photovoltaïques multi-jonctions, de première qualité commerciale, de manière à capter le plus de lumière possible et générer plus d’énergie pour ces feuilles artificielles.

D’autre part, ils ont amélioré le matériel et les composants utilisés en concevant des électrodes en mousse expansive de nickel, qui permettent d’augmenter la surface disponible pour la réaction. Selon ces chercheurs, un rendement de 30 % dans la production d’hydrogène devrait pouvoir être atteint assez rapidement et il deviendrait alors envisageable et rentable de coupler leur feuille artificielle à des panneaux solaires à haute performance pour produire de manière propre de l’hydrogène, tant au niveau industriel que domestique.

En avril 2016, des chercheurs danois et suédois de l’Université de Copenhague et de l’Université technologique Chalmers (Suède) ont annoncé avoir mis au point une méthode révolutionnaire permettant, à partir de biomasse, de produire des biocarburants et d’autres substances chimiques sans émettre de CO2. Cette technique est également beaucoup plus rapide que les procédés habituels. Cette “photosynthèse inverse” permet de produire de manière propre, et sans émissions de CO2, non seulement des biocarburants, mais également de multiples produits chimiques utilisables et valorisables par l'industrie (Voir Nature Communications et University of Copenhagen).

La photosynthèse dans les végétaux leur permet de transformer, grâce à l'énergie contenue dans la lumière solaire, le CO2 de l’air en oxygène et en longues chaînes de molécules carbonées, amidon, cellulose et différents types de sucres et de lipides. Mais l'originalité de la méthode mise au point par les chercheurs scandinaves réside dans le fait qu'elle parvient, sans émissions de CO2, à briser les chaînes carbonées pour produire du méthanol et de l’eau. En outre, le méthanol ainsi obtenu peut être utilisé, soit comme biocarburant, soit pour produire du bioéthanol.

Pour déclencher ces réactions, les chercheurs ont eu recours à une enzyme synthétisée par certaines espèces de bactéries et de virus. Cette enzyme possède la capacité précieuse de digérer la matière organique, comme la cellulose des plantes. Certes, l’industrie chimique effectuait déjà la transformation de biomasse en biocarburants, mais à l’aide de procédés lents et polluants. En revanche, cette “photosynthèse inverse” permet de multiplier par cent l’efficacité de ces transformations biochimiques et les tests réalisés ont permis de transformer de la biomasse en méthanol en moins d’un quart d’heure…

Il y a quelques jours, des chercheurs de l’Université de Floride, aux États-Unis, ont publié une étude qui révèle la mise au point d’un nouveau matériau capable d’imiter la photosynthèse pour générer de l’énergie propre et réduire les niveaux de CO2 dans l’atmosphère (Voir RSC). En utilisant une lumière rayonnant dans la longueur d’onde bleue, semblable à la lumière du soleil, ces chercheurs ont réussi à convertir le dioxyde de carbone en formiate et formamides, qui peuvent être utilisées comme sources d’énergie propre.

Pour convertir de manière bien plus efficace l’énergie lumineuse en énergie chimique, ces chercheurs ont combiné du titane avec des molécules organiques (aminotere phtalates ou N-alkyl -2) qui se comportent comme des micro-antennes ayant la capacité d’absorber la lumière bleue. Ce matériau composite permet donc à la fois de capturer le CO2 et de le convertir très efficacement, grâce à l’énergie électrique produite à partir de cette lumière bleue. Les premiers tests ont bien confirmé que cette combinaison chimique permettait de produire assez d’énergie pour transformer le CO2  en combustible solaire.

Mais s’il est possible de s’inspirer de la nature pour transformer l’énergie de manière propre, on peut aller plus loin et essayer d’améliorer ces processus naturels (Voir Science Daily). Une équipe de recherche européenne, dirigée par Thomas Schwander, de l'institut Max Planck, s’est ainsi attaquée à l’analyse des performances et des combinaisons de 40.000 enzymes impliquées dans la photosynthèse.

Ces chercheurs, après avoir réalisé ce travail pharaonique d’analyse, ont annoncé, fin 2016, avoir réussi à concevoir une septième et nouvelle voie de fixation du carbone, inconnue dans la nature, qui utilise une chaîne de réactions cycliques catalysée par 17 enzymes, qui ont été synthétisées en modifiant subtilement leurs modèles naturels. Cette septième voie a été baptisée cycle CETCH par l'équipe, du nom de la série d'enzymes sélectionnée. Selon ces scientifiques, ce nouveau cycle CETCH serait vingt fois plus rapide que la photosynthèse naturelle et il est en outre envisageable de modifier génétiquement des microorganismes pour que leur métabolisme intègre ce cycle et puisse ainsi stocker et transformer en énergie du CO2 atmosphérique avec une efficacité exceptionnelle.

Fin 2016, une autre équipe de l’Université d’Harvard (États-Unis) a mis au point une feuille bionique capable de reproduire le processus de photosynthèse destiné à transformer le soleil et l’eau en source d’énergie. Cette feuille bionique, qui utilise un nouveau catalyseur cobalt-phosphore, capable d’absorber l’énergie solaire et de séparer les molécules d’eau en oxygène et en hydrogène à l’aide d’un catalyseur, serait dix fois plus efficace que la photosynthèse naturelle selon ses créateurs. « Nous sommes allés bien au-delà de l’efficacité de la photosynthèse dans la nature », déclarent Daniel Nocera et Pamela Silver, chercheurs à l’Université d’Harvard (États-Unis).

Signalons également une autre voie de recherche très prometteuse, à la croisée des nanotechnologies et de la biologie végétale, développée par des chercheurs du célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology (Voir Nature). Ces scientifiques dirigés par Michael Strano ont publié, en 2014, une étude dans laquelle ils expliquent comment ils sont parvenus à stimuler l'absorption d'énergie lumineuse de plantes en ayant recours à des nanotubes de carbone. Ces recherches ont permis de montrer que les nanotechnologies pouvaient non seulement permettre d’augmenter l’efficacité du processus naturel de photosynthèse, mais pouvaient également être utilisées pour transformer la plante afin qu’elle puisse devenir un "capteur" très sensible pour détecter le monoxyde d’azote (NOx), un polluant nocif produit notamment par les véhicules thermiques.

Dans la nature, les plantes produisent de l'énergie par photosynthèse en utilisant des organites cellulaires : les chloroplastes. Ce remarquable phénomène se passe en deux temps : en premier lieu, des pigments, comme la chlorophylle, absorbent les radiations lumineuses, ce qui excite des électrons qui se déplacent dans les membranes du chloroplaste. En second lieu, la plante utilise cette énergie électrique pour produire et stocker sous forme chimique différents types de sucres. Mais, dans la nature, ces chloroplastes ne savent utiliser qu'une partie du spectre lumineux du Soleil, celui appartenant à la lumière visible. L’idée ingénieuse des chercheurs est d’avoir élargi ces capacités naturelles en utilisant des nanotubes qui peuvent, eux, capter la lumière dans l'ultraviolet, le visible et le proche infrarouge, ce que ne peuvent pas faire les chloroplastes.

En 2012, une première étape avait déjà été franchie par ces chercheurs en insérant des nanoparticules à l'intérieur des chloroplastes. Cette fois, ces chercheurs ont montré que les nanotubes de carbone s'inséraient dans des membranes des chloroplastes en s'assemblant spontanément, grâce à des mécanismes faisant intervenir une réaction de surface spontanée. Ces travaux ont également pu montrer que le rendement du processus de photosynthèse des chloroplastes pouvait être augmenté de 49 % grâce aux nanotubes.

Cette même voie prometteuse d’exploration scientifique que constitue le rapprochement des nanotechnologies et de la biologie moléculaire est également explorée depuis 2012 par une équipe de l’Institut de Sciences Atomiques et Moléculaires de Taïwan (Voir Cornell University Library). Ces chercheurs ont réussi à intégrer de la chlorophylle à des transistors électroniques sur graphène, ce qui a donné naissance à un « phototransistor », dont le champ d’applications pourrait être très large. Ces scientifiques ont en effet observé, à leur grande surprise, que ce "sandwich" moléculaire graphène-chlorophylle, lorsqu’il était exposé à un rayonnement d'une fréquence particulière, générait un courant beaucoup plus intense qui migrait des atomes de la couche de chlorophylle à ceux de la couche graphène.

Comme les travaux du MIT, ces travaux taiwanais montrent à quel point il peut être intéressant de combiner des matériaux et mécanismes biochimiques naturels, et présents dans les plantes, avec des matériaux et composants électroniques, mais aussi des procédés issus des nanotechnologies. L’ensemble de ces récentes avancées scientifiques nous montre qu’en seulement quelques années, nous avons assisté à l’émergence d’un nouveau et très riche champ d’investigation scientifique, aux confins de la physique, de la chimie, de l’électronique de la biologie : les nanobiotechnologies.

Ce nouveau champ disciplinaire en pleine effervescence devrait nous permettre de faire d’une pierre trois coups : accélérer le basculement énergétique mondial vers les énergies propres, valoriser et recycler le CO2 pour en faire une « matière première » utile à l’économie et enfin produire massivement et de manière propre de l’hydrogène, gaz appelé à jouer un rôle-clé, à la fois comme carburant mais également comme vecteur énergétique du futur.

Ces passionnantes recherches nous confirment une fois encore que c’est bien en cultivant un esprit et une approche résolument transdisciplinaires et en favorisant le dialogue et l’échange entre spécialistes de domaines de connaissances qui peuvent parfois sembler éloignés, que nous parviendrons à provoquer ces grandes ruptures scientifiques et techniques dont nos sociétés ont besoin pour faire face aux nouveaux défis humains, sociaux et environnementaux de notre siècle.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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