RTFlash

Vivant

Une protéine antigel de synthèse et biodégradable

De nombreux organismes vivant dans les régions froides résistent aux températures extrêmes grâce à des protéines antigel produites par leurs cellules, qui peuvent retarder ou bloquer la croissance de cristaux de glace. Ces molécules seraient très utiles dans de nombreux domaines : en agriculture, pour développer des plantes résistantes au froid, dans l’alimentation pour, par exemple, préserver la consistance onctueuse de la crème glacée, ou encore en médecine, afin d’améliorer la conservation de tissus vivants ou de cultures cellulaires lors de leur congélation. Mais ces molécules antigel naturelles sont difficiles à extraire.

Sylvain Deville, chercheur au laboratoire de synthèse et fonctionnalisation des céramiques (CNRS/Saint-Gobain), à Cavaillon, et ses collègues de l'Université de Warwick, ont étudié une molécule de synthèse qui agit comme un antigel et qui a l’avantage supplémentaire d’être biodégradable : la polyproline.

En médecine, la culture de lignées cellulaires in vitro est confrontée au problème de la conservation sur de longues durées. Des variations génétiques ou phénotypiques non désirées apparaissent en effet au fil des générations successives de cellules. Une solution est de baisser la température pour figer les processus biologiques. La cryoconservation plonge ainsi les cellules dans l'azote liquide à – 196°C.

Sylvain Deville explique cependant l’obstacle majeur de ce procédé : « Lorsque l’extérieur des cellules gèle, l’équilibre de la concentration en sels entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule varie brutalement. La forte différence de concentration induit un stress osmotique suffisamment élevé pour faire littéralement exploser les cellules ». Il existe des protocoles pour congeler les cellules ou des tissus, mais ceux-ci sont complexes à mettre en œuvre et nécessitent l'emploi de solutions cryoprotectrices, tel le diméthylsulfoxide (DMSO), qui réduit le stress osmotique. Problème : ces solvants sont aussi toxiques et altèrent l’expression épigénétique de la cellule en modifiant la méthylation de l’ADN.

Et une fois le problème des pressions osmotiques réglé avec le DMSO, il faut encore régler celui de la glace : la formation et la croissance de cristaux de glace dans la cellule finissent par déchirer la membrane cellulaire. Pour pallier ce problème, les chimistes se sont inspirés des antigels naturels, telles les glycoprotéines. De nombreux composés limitant la formation de cristaux de glace ont été étudiés, mais ils ont l’inconvénient de n’être ni biodégradables ni bioabsorbables.

Les chercheurs de l’Université de Warwick se sont inspirés des glycoprotéines antigel pour concevoir un nouvel antigel moins toxique et plus simple d’utilisation. Partant du fait que l’interaction complexe de ces protéines avec les cristaux de glace limite la croissance de ces derniers, les chercheurs ont mimé la structure hélicoïdale de ces protéines antigel. Ils ont utilisé la polyproline, une chaîne d’un acide aminé (la proline) répétée dans une structure en hélice.

Cette molécule présente des propriétés chimiques intéressantes : comme les protéines antigel, elle a une partie hydrophile, soluble dans l’eau, et une partie hydrophobe présente à la surface de la molécule. Ces zones hydrophobes repoussent les molécules d’eau qui cherchent à s’accrocher sur la glace et font croître les cristaux. En ajoutant une solution de polyproline à une culture de cellules contenant déjà du diméthylsulfoxide, le taux de survie a augmenté de 20 à 50 % par rapport à des cultures contenant seulement du diméthylsulfoxide.

S’il ne semble pas pour l’instant possible de se passer du DMSO, dont l’action est complémentaire à la polyproline, l’ajout de cette nouvelle molécule semble ainsi bénéfique et pourrait simplifier aussi la procédure de congélation. Par ailleurs, la polyproline serait assez simple à produire pour une utilisation industrielle, en tout cas plus simple que la réplication des protéines antigel naturelles.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Pour La Science

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top