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Un pacemaker cérébral contre la dépression sévère

Il a suffi d'une électrode plantée au cœur du cerveau pour soigner des dépressions qui résistaient jusque-là à tous les traitements. Cinq ans après, l'efficacité perdure.

Stimuler électriquement le circuit cérébral de la récompense pourrait traiter des dépressions sévères. C'est en tout cas l'hypothèse suivie avec succès par le Docteur Thomas Schlaepfer, de l'université de Bonn en Allemagne. «L'anhédonie, l'absence de plaisir ressenti après une expérience positive, est un trait typique de la dépression sévère. Cela suggère une dysfonction du circuit de récompense», explique-t-il. Un petit amas de neurones enfoui à l'intérieur de chaque hémisphère, le noyau accumbens, y joue un rôle. C'est là que les chercheurs ont choisi d'implanter un stimulateur cérébral.

Cette technique est utilisée depuis plus de vingt ans pour traiter les mouvements anormaux de la maladie de Parkinson. Elle consiste à forer un trou d'un demi-centimètre de diamètre, y insérer une électrode, la fixer au crâne pour qu'elle ne puisse plus se déplacer, la brancher à un câble fin glissé sous le cuir chevelu jusque derrière l'oreille et le long du cou et, enfin, la relier à un stimulateur implanté au-dessous de la clavicule. Dans la maladie de Parkinson, les résultats sont immédiats. Dans la dépression sévère, il a fallu attendre un mois, mais l'état des dix patients testés s'est amélioré et, pour la moitié d'entre eux, le score de dépression a baissé de plus de 50 %. «On ne s'attendait pas à une telle réussite car il s'agissait de patients qui avaient déjà essayé en moyenne une trentaine de traitements différents, jusqu'à 61 pour l'un d'entre eux, sans succès», raconte le Docteur Schlaepfer.

  • Une technique réservée aux cas très sévères

Aucun signe d'accoutumance : la stimulation du système de récompense ne fonctionne pas comme une drogue. Et son efficacité se confirme à long terme: les patients qui ont bien répondu au départ répondent encore après de 2 à 5 ans de traitement. Un résultat remarquable car un traitement antidépresseur est rarement efficace si longtemps. «Certains ont même pu reprendre un travail alors qu'il s'agissait de patients qui pouvaient rester toute la journée au fond de leur lit.» Le traitement n'a malheureusement pas empêché l'un des volontaires de se suicider. «Ordinairement, plus de 20 % de ces patients mettent fin à leurs jours, le risque est donc plutôt diminué avec la stimulation», précise le Docteur Schlaepfer.

Des alternatives au noyau accumbens sont déjà explorées. Une étude pilote menée par l'équipe allemande montre que la stimulation d'une petite zone située juste en amont semble plus vite efficace. La stimulation de plusieurs cibles à la fois est aussi envisagée. L'essai préliminaire français Presthym, coordonné par le Professeur Bruno Millet du CHU de Rennes, évalue ainsi la stimulation du noyau accumbens, de la partie limbique du noyau caudé et des deux à la fois. Les résultats devraient être publiés d'ici quelques mois.

Prometteuse, la stimulation cérébrale profonde restera une technique réservée aux cas de dépression résistante et chronique sévère. «Le programme d'évaluation Sthym qui a été lancé en France s'est imposé des règles éthiques extrêmement strictes de sélection des patients, insiste le Docteur Nicolas Baup, du CHU de Sainte-Anne (Paris). La procédure est lourde et n'est pas sans risque. C'est une alternative d'exception.»

Le Figaro

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