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Transformer le CO2 des océans en carburant propre

Une équipe de chercheurs de Yale propose une approche radicalement innovante pour transformer le plus vaste puits de carbone naturel de la planète en une usine à carburant propre. Leur projet est à la croisée de la chimie, de l'ingénierie environnementale et de l'énergie solaire. L'océan, principal puits de carbone de la planète, absorbe chaque année environ 400 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO₂). Des chercheurs de l'université de Yale, dirigés par le professeur Shu Hu, ont développé un système innovant pour extraire ce CO₂ dissous et le transformer en carburants propres et en matières premières utiles à l'industrie. Cette percée pourrait faire des océans une source durable de produits carbonés tout en contribuant à l'équilibre climatique.

Le système mis au point par l'équipe de Yale repose sur une technologie dite de "capture et conversion du carbone solaire et océanique". Selon le professeur Shu Hu, du département de génie chimique et environnemental et membre du Yale Energy Sciences Institute, il s'agit plus simplement de « fabriquer des carburants à partir de la lumière du soleil ». En utilisant uniquement la lumière solaire, le dispositif transforme le carbone dissous dans l'eau de mer (principalement sous forme de bicarbonate) en syngas, un mélange de monoxyde de carbone (CO) et d'hydrogène (H₂), composé clé pour la production de carburants et de produits chimiques industriels.

Les tentatives précédentes de conversion du carbone océanique en carburant à l'aide de l'énergie solaire se heurtaient à deux obstacles majeurs : la faible concentration en ions carbonates dans l'eau de mer et l'incapacité à produire à grande échelle. L'équipe de Shu Hu a surmonté ces limites en concevant un nouveau dispositif photoélectrochimique, un réacteur spécialement conçu pour optimiser l'utilisation de la lumière dans la transformation chimique, inspiré de la photosynthèse marine. Il atteint un rendement de conversion solaire-carburant comparable à celle des algues marines pour la conversion du carbone.

Cette performance inédite est due à une maîtrise fine de l'ingénierie des flux à l'intérieur de ce réacteur photoélectrochimique. Dans de l'eau de mer statique, le CO ne représentait que 3 % du produit final ; sous conditions de flux contrôlées, cette proportion a grimpé à 21 %. « Cela fonctionne comme une course de relais parfaitement synchronisée », explique Xiang Shi, coauteur de l'étude. « L'anode transmet des protons et du CO₂ à la cathode, qui fonce vers la ligne d'arrivée : la conversion [l'anode est l'électrode où a lieu l'oxydation, la cathode celle où a lieu la réduction, c'est-à-dire ici la transformation du CO₂ en syngas, NDLR]. […] Nous y sommes parvenus en concevant le réacteur de manière que le flux traverse d'abord les anodes, où l'eau est oxydée et les protons, libérés. Ces protons sont transportés par le flux, déclenchant une cascade de réactions qui convertissent le bicarbonate en CO₂ dissous, lequel est ensuite transporté vers les cathodes en aval et réduit ».

Cette approche innovante leur a non seulement permis d'éliminer le dioxyde de carbone de l'eau de mer, mais aussi à utiliser la lumière du soleil pour produire du carburant directement à partir de l'océan. Cette technologie n'est pas qu'une réussite de laboratoire. Son architecture modulaire permettrait de construire des réacteurs flottants de grande taille, exploitant les courants marins et les marées pour faire circuler naturellement l'eau de mer à travers le système. Cette modularité signifie que les réacteurs peuvent être assemblés comme des unités répétables, ce qui facilite leur extension à l'échelle industrielle, notamment sous forme de plates-formes flottantes sur la mer. « Nous espérons construire de grands réacteurs flottants sur la mer afin d'utiliser directement le soleil et l'eau de mer pour produire des carburants solaires », déclare Shu Hu.

Nature Communications : https://www.nature.com/articles/s41467-025-56106-3

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