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Maladies mentales : les oubliées de la médecine et des pouvoirs publics !

Plus de 30 pour cent de la population européenne souffrent d'une maladie touchant le cerveau. Il est temps de faire de la recherche sur le cerveau une priorité.

Quel est l'état de la santé mentale de la population de l'Europe ? Pour le savoir, le Collège européen de neuropsychopharmacologie, ecnp, a soutenu un vaste projet pour évaluer « l'étendue, la gravité et le coût des maladies du cerveau ». Les résultats de cette étude ont été récemment communiqués et les conclusions sont préoccupantes : plus de 30 pour cent des Européens souffrent d'une pathologie touchant le cerveau, et la prise en charge est notablement insuffisante. La société, les personnels de santé, les pouvoirs publics et les décideurs politiques doivent l'admettre : les maladies du cerveau représenteront le principal enjeu de santé publique du xxie siècle.

Les résultats de la dernière grande étude dans ce domaine ont été publiés en 2005, mais plusieurs biais avaient été mis en évidence. Il convenait donc de refaire un état des lieux plus précis sur cette question. En 2009, la nouvelle étude a été lancée. Elle avait pour objectifs de suivre pendant 12 mois la prévalence des maladies mentales et neurologiques dans la population de l'Europe des 27 ; d'évaluer les maladies touchant les plus jeunes (de 2 à 17 ans), les adultes (de 18 à 65 ans) et les plus âgés (plus de 65 ans) ; d'identifier les différentes pathologies et la proportion de la population touchée par chacune d'elles ; d'évaluer l'efficacité de la prise en charge, notamment des traitements prescrits. Notons que la liste des maladies répertoriées est longue. Il s'agit aussi bien de maladies mentales telles que la schizophrénie, la dépression, les troubles liés à l'anxiété, les phobies, entre autres, que de maladies neurologiques telles que l'épilepsie, la maladie de Parkinson, et les autres maladies neurodégénératives notamment la maladie d'Azheimer, ou encore la migraine, les insomnies, les conséquences des accidents vasculaires cérébraux, les dépendances à l'alcool et aux drogues et, chez les plus jeunes, les retards mentaux et les troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité.

Les résultats de cette vaste analyse, tant bibliographique que directe auprès des centres de soins, ont montré qu'au moins 118 millions d'Européens souffrent d'une maladie touchant le cerveau. Ce chiffre était de 82,7 millions en 2005, mais compte tenu de l'augmentation des populations des pays concernés, d'une part, et de l'augmentation de l'espérance de vie, d'autre part, la proportion n'a pas évolué entre 2005 et 2011 : 27,4 pour cent en 2005 et 27,1 pour cent en 2011 pour les personnes âgées de 18 à 65 ans. Quand on inclut les plus jeunes et les plus âgés, la proportion atteint 38,2 pour cent.

Quelles sont les principales pathologies identifiées ? Les troubles liés à l'anxiété (et avec elle les différents types de phobie) sont les plus fréquents (14 pour cent), puis viennent les insomnies qui touchent 7 pour cent de la population, la dépression grave (6,9 pour cent), les troubles psychosomatiques (6,3 pour cent), la dépendance à l'alcool et aux drogues (4 pour cent), les troubles de l'attention avec hyperactivité (5 pour cent de la classe d'âge la plus jeune) et les démences (1 pour cent des 60-65 ans et 30 pour cent des plus de 85 ans).

Pour étudier l'impact de ces maladies en termes de santé publique, les médecins utilisent un indice qui reflète le nombre d'années perdues en raison d'une mortalité précoce ou d'une incapacité due à ces pathologies. Cet indice recouvre l'effet direct de la maladie sur les patients en raison de leurs symptômes, mais aussi l'effet indirect lié au regard des autres. Il prend aussi en compte le poids que représente chaque malade pour ses proches et l'impact financier, pour la société, de la prise en charge.

Or l'enquête confirme un résultat préoccupant de l'étude de 2005 : un tiers seulement des malades, toutes pathologies confondues, sont traités. Malgré l'existence de traitements pharmacologiques et psychothérapeutiques efficaces, la prise en charge est notablement insuffisante. On constate qu'un tiers des personnes concernées consultent un médecin, que moins de 20 pour cent consultent un médecin spécialisé dans les maladies du cerveau et que moins de 10 pour cent reçoivent un traitement adapté. Les maladies neurologiques sont les mieux traitées de toutes celles qui ont été répertoriées.

On constate aussi – et il serait pourtant aisé de modifier cet état de fait – qu'il se passe souvent plusieurs années (jusqu'à 20 ans) avant que le patient ne consulte un médecin pour la première fois. Or, généralement, une prise en charge précoce améliore le pronostic, c'est-à-dire la probabilité que la maladie soit, si ce n'est guérie, du moins jugulée et suffisamment contrôlée pour que l'insertion du malade dans la société soit facilitée. Comment améliorer la situation, sachant que la prévalence de certaines des maladies évoquées, notamment les démences dues à la maladie d'Alzheimer, va augmenter ?

Aujourd'hui, les difficultés auxquelles sont confrontés les groupes pharmaceutiques qui recherchent des médicaments pour lutter contre les maladies mentales sont multiples : les investissements nécessaires pour la découverte et le développement d'un nouveau médicament sont gigantesques ; il faut souvent attendre les derniers stades des essais cliniques pour constater qu'une molécule a des effets indésirables ; les marchés exercent une pression forte pour que les retours sur investissements soient courts ; on ne connaît pas encore suffisamment les dysfonctionnements biologiques en cause dans les maladies mentales, de sorte qu'il est difficile d'identifier une cible précise sur laquelle un médicament pourrait agir ; les remboursements des traitements ne sont pas aussi systématiques que dans le cas des autres maladies.

Tous ces éléments, notamment le fait que la majorité des malades ne sont pas traités et, quand ils le sont, c'est souvent très longtemps après l'apparition des premiers symptômes, plaident en faveur d'une prise de conscience par la société et les pouvoirs publics que les recherches sur le cerveau, son fonctionnement normal et ses anomalies, doivent devenir une des priorités, si ce n'est la priorité. Alors seulement, les traitements et la prévention des maladies du cerveau pourront être améliorés.

Pour La Science

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