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Décrypter le langage des neurones pour mieux soigner grâce au cerveau virtuel
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Le cerveau humain est constitué de réseaux de neurones qui communiquent entre eux et dont les modifications peuvent expliquer l’apparition des troubles neurologiques. Par exemple, lorsque survient une lésion cérébrale endommageant l’activité neuronale d’une zone spécifique du cerveau (comme dans le cas d’un AVC), un déficit fonctionnel peut être observé sur des régions cérébrales éloignées de la zone lésée. De la même façon, pour traiter certaines pathologies neurologiques comme la maladie de Parkinson, on fait appel à des techniques permettant une stimulation en profondeur d’une zone ciblée du cerveau, afin d’obtenir un effet à distance sur l’activité des neurones d’une autre zone cérébrale.
Cependant, cet effet "longue distance", parce qu’il est combiné à la complexité de la structure des réseaux neuronaux, implique deux choses : tout d’abord qu’une perturbation locale entraîne une réorganisation de l’activité cérébrale globale ; ensuite, que les interventions thérapeutiques locales peuvent avoir des effets négatifs difficiles à prédire chez certains patients. Il est donc crucial de pouvoir comprendre les effets potentiels de telles interventions à l’échelle du cerveau entier afin de mieux les anticiper.
Une équipe dirigée par Christophe Bernard, directeur de recherche Inserm et Viktor Jirsa, directeur de recherche CNRS, au sein de l’Institut de neurosciences des systèmes (Inserm/Aix-Marseille Université), en collaboration avec le CRMBM (CNRS/Aix-Marseille Université/AP-HM) et l’université du Queensland (Australie), s’est donc intéressée aux mécanismes qui sous-tendent la réorganisation de l’activité cérébrale après une perturbation locale.
Pour ce faire, l’équipe a tout d’abord analysé chez la souris des données provenant d’IRM fonctionnelles (IRMf) mettant en évidence l’activité neuronale dans l’ensemble du cerveau. Les souris étaient réparties en groupes, chacune soumise à un type d’intervention cérébrale localisée (lésions chirurgicales ou inactivation chimique) ayant pour objectif d’inhiber l’activité des neurones d’une région spécifique.
Leurs cerveaux ont ensuite été modélisés numériquement grâce à un modèle informatique. Ce cerveau virtuel a permis aux scientifiques d’observer et de quantifier les répercussions des interventions locales sur l’activité cérébrale globale. Les chercheuses et chercheurs ont ainsi pu observer que les cerveaux virtuels reproduisaient fidèlement – jusqu’aux spécificités individuelles – les modifications de l’activité cérébrale déjà observées in vivo par IRM chez les souris.
« Intégrer l’IRMf à la modélisation du cerveau virtuel entier nous a permis de développer un modèle prédictif stable inédit qui, contrairement aux modèles actuels, tient compte des variations de l’activité cérébrale d’un individu à l’autre », analyse Christophe Bernard. « Nos résultats montrent qu’il est capable de prédire comment la modulation d’une seule région du cerveau va mener à des reconfigurations de cette activité, à la fois à l’échelle locale et globale ».
En outre, ce modèle a permis aux scientifiques de montrer que ces réorganisations suivaient des règles précises qui varient en fonction de la zone initialement affectée. « Ces motifs bien reconnaissables pourraient servir de biomarqueurs prédictifs personnalisés sur lesquels pourraient se fonder les interventions médicales impliquant une modulation cérébrale localisée », précise Viktor Jirsa, qui ajoute, « Ces résultats aident à concilier les observations contradictoires dans des pathologies comme l’épilepsie ou les AVC, où les effets à l’échelle du cerveau varient selon la localisation des lésions. »
À terme, l’équipe espère que l’utilisation du cerveau virtuel pourra trouver une application dans la personnalisation des protocoles de stimulation cérébrale profonde (par exemple pour la maladie de Parkinson), dans un ciblage plus fin des cibles chirurgicales de l’épilepsie ou de la dépression résistante, ou encore pour développer des biomarqueurs pour le diagnostic précoce des neuropathologies.
Presse Inserm du 23.04.2025 : https://presse.inserm.fr/decrypter-le-langage-des-neurones-pour-mieux-soigner-grace-au-cerveau-virtuel/70350/
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- Publié dans : Neurosciences & Sciences cognitives
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