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Maladie d’Alzheimer : des nanoparticules pour éliminer les protéines toxiques dans le cerveau

Une étude menée conjointement par l’Institut de bioingénierie de Catalogne (IBEC), l’Hôpital de l’Ouest de la Chine (Université du Sichuan), et plusieurs partenaires britanniques, a démontré qu’il est possible de restaurer cette barrière chez la souris grâce à des nanoparticules conçues pour relancer l’évacuation des déchets toxiques. Les résultats obtenus ouvrent un nouveau front dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer, en s’attaquant à un maillon clé longtemps sous-estimé. Longtemps, la recherche sur Alzheimer s’est focalisée sur les neurones, en particulier sur les dépôts de protéines amyloïdes-β (Aβ) dans le tissu cérébral. Mais cette approche a souvent échoué à inverser les symptômes. Une équipe internationale propose un changement de paradigme : cibler la barrière hémato-encéphalique (BHE), un filtre cellulaire essentiel qui contrôle les échanges entre le sang et le cerveau.

La BHE constitue une structure très dense et sélective, formée principalement de cellules endothéliales. Elle empêche les toxines et agents pathogènes d’atteindre le cerveau, tout en laissant passer les nutriments nécessaires. Dans la maladie d’Alzheimer, cette barrière devient dysfonctionnelle. Sa perméabilité augmente, et surtout, sa capacité à évacuer les déchets produits par l’activité cérébrale diminue. Les chercheurs ont montré que cette défaillance est en partie liée à une altération du transporteur LRP1. Il s’agit d’une protéine chargée d’exporter l’Aβ vers la circulation sanguine. Chez les patients et les modèles murins d’Alzheimer, LRP1 reste souvent mal localisée ou dégradée, empêchant l’élimination de l’Aβ et contribuant à son accumulation toxique dans le cerveau.

Dans ce contexte, le rôle de la BHE n’est plus passif, mais actif dans la progression de la maladie. C’est ce mécanisme que l’équipe a choisi de cibler. Non pas contourner la barrière, mais la réparer et restaurer sa capacité à éliminer les protéines pathogènes. Au lieu de servir uniquement à transporter un médicament, les nanoparticules utilisées dans cette étude agissent directement comme un traitement. Elles sont conçues pour cibler une protéine précise, appelée LRP1, située sur les cellules qui forment la barrière entre le cerveau et le sang, la barrière hémato-encéphalique (BHE). Cette protéine joue un rôle clé dans l’élimination des déchets toxiques produits par le cerveau, comme la protéine amyloïde-β (Aβ), impliquée dans la maladie d’Alzheimer.

Mais pour que le système fonctionne, il faut que le lien entre les nanoparticules et LRP1 soit bien dosé. Ni trop fort, pour éviter de bloquer le transport, ni trop faible, pour ne pas être inefficace. Les chercheurs ont donc créé des nanoparticules portant exactement 40 copies d’un petit élément appelé angiopep-2, capable de se fixer à LRP1. Ce dosage précis leur permet d’activer une voie naturelle de nettoyage sans détruire les composants impliqués. Injectées dans le sang de souris atteintes d’un équivalent d’Alzheimer, ces nanoparticules entraînent une baisse de 50 % des protéines toxiques dans le cerveau en seulement deux heures. En parallèle, la quantité de ces déchets augmente fortement dans le sang, ce qui montre qu’ils ont bien été évacués.

Des examens par imagerie et des analyses sur le cerveau après traitement confirment que les plaques amyloïdes ont fortement diminué. La barrière cérébrale retrouve aussi son fonctionnement normal. Ces résultats montrent que la nanomédecine peut jouer un rôle actif en réparant les mécanismes naturels de protection du cerveau, et non plus seulement en livrant un médicament. Au-delà des effets biologiques mesurables, les chercheurs ont voulu évaluer les conséquences fonctionnelles du traitement sur les capacités cognitives des animaux. Les souris traitées, âgées de 12 mois (équivalent d’un humain de 60 ans), ont été soumises à une série de tests comportementaux sur une période de six mois. Dans le test du labyrinthe aquatique de Morris, qui évalue la mémoire spatiale, les animaux ayant reçu trois injections d’A40-POs retrouvent des performances comparables à celles de souris saines. Ils localisent plus rapidement la plate-forme immergée et montrent une meilleure orientation spatiale. Ils passent davantage de temps dans la zone cible lors des épreuves de mémoire.

Ces améliorations persistent. Six mois après le traitement, les souris traitées présentent toujours des scores supérieurs à ceux des souris non traitées, ce qui confirme une stabilisation des fonctions cognitives. Par ailleurs, leur comportement quotidien s’améliore. Elles construisent des nids de meilleure qualité, un indicateur fiable de bien-être et de coordination motrice. Et elles présentent une préférence accrue pour les solutions sucrées, signe d’un état émotionnel positif. Les analyses cérébrales post-mortem montrent une réduction durable de la charge amyloïde, une régulation des protéines de transport (LRP1 en hausse, Rab5 en baisse), et une restauration de la morphologie vasculaire. Cette cohérence entre les données biologiques et comportementales confirme que le traitement ne se limite pas à des effets transitoires. Il entraîne une récupération globale et prolongée. Lorena Ruiz Pérez (IBEC), co-auteure, insiste dans un communiqué : « Ce n’est pas seulement une réduction de la plaque, mais une récupération fonctionnelle du cerveau qui permet aux animaux de retrouver une vie normale ». Les chercheurs ont ainsi ouvert la voie à une nouvelle approche thérapeutique d’Alzheimer centrée sur la réparation des fonctions vasculaires du cerveau. Cette stratégie s’éloigne radicalement des traitements actuels, souvent limités à des anticorps neutralisant l’Aβ ou à des molécules symptomatiques.

Nature : https://www.nature.com/articles/s41392-025-02426-1

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