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Les logiciels font tourner la planche à brevets

Lorsqu'ils ont décidé, à l'automne dernier, d'attaquer en justice leur concurrent le libraire Barnes and Noble, les dirigeants d'Amazon.com, premier groupe mondial de commerce on line, ne se doutaient pas qu'ils allaient déclencher l'une des plus belles polémiques de l'histoire du Web. Que reprochait Amazon à Barnes? De lui «voler» une astuce informatique, fraîchement protégée par un brevet, le one click purchase (l'achat d'un seul clic). A priori, cette technologie-là n'a rien de bien inventif ou sophistiqué. Demander à ses acheteurs de cliquer pour commander un produit, lorsqu'on s'occupe de commerce en ligne, c'est la moindre des choses. En profiter pour transporter quelques informations sur l'identité de l'acheteur relève du B.A.BA... Mais aux Etats-Unis, surtout en matière de logiciels et de l'Internet, tout est brevetable. Très laxiste et fasciné par le dot com business, l'Office des brevets et des marques (PTO) distribue des brevets à tout va. Et ce, pour protéger des techniques vieilles comme le marketing, mais «relookées» aux couleurs du Web. C'est un éditeur de livres sur les technologies, Tim O'Reilly, qui, au début de l'année, a lancé la polémique dans une lettre ouverte au patron d'Amazon, Jeff Bezos, et à ses «gars»: «Vous avez acquis d'énormes avantages compétitifs en utilisant des technologies qui étaient données gratuitement à tous. Si des gens tels que vous réussissent à remplacer cette économie de la gratuité par un monde où les loups se mangent entre eux

Libération :

[http://www.liberation.com/quotidien/semaine/20000908venzd.html">...] vous deviendrez vous-même l'otage d'autres vendeurs. Une fois que les clôtures des brevets couvriront le Web [...], les sources d'innovations s'assécheront. La polémique grossit, Amazon fait l'objet d'un appel au boycott, et Jeff Bezos croit prudent de publier, en mars, un texte pour demander une réforme «importante sinon radicale» du droit des brevets. Il propose de ramener leur durée, actuellement de vingt ans, à moins de cinq ans. Il suggère aussi de renforcer les moyens de l'Office des brevets, afin que celui-ci puisse déterminer si le procédé breveté relève bien de l'innovation ou non (1). L'Office promet en mars d'être un peu plus sérieux à l'avenir. Depuis l'affaire du one click purchase, le débat fait rage. Il faut choisir son camp: pour ou contre les «clôtures». «Les licences nuisent au consommateur, nuisent à l'innovation, entretiennent les incertitudes, multiplient les procès, nuisent à la compétitivité de l'économie... C'est un désastre!», commente James Love, responsable du CP Tech, qui poursuit: «Dans le domaine pharmaceutique, elles se justifient. Sans elles, l'industriel ne prendrait pas le risque de lancer des investissements lourds. Mais dans le e-commerce, elles risquent d'aboutir à l'effet inverse: freiner l'investissement!» Les juristes, en revanche, ont une analyse très différente. Si Ils admettent que le champ couvert par les brevets est trop large aux Etats-Unis, et qu'il y a des abus, ils pensent que les brevets sont nécessaires car sans eux, les plus forts écraseraient les plus faibles. L'argumentaire ne convainc pas James Love: «C'est l'inverse qui se produit: les grands groupes se constituent des portefeuilles de brevets et gèlent tout.» Pendant que les experts débattent, les sociétés, petites ou grosses, se ruent vers l'Office des brevets. Par crainte ou par appât du gain, tout le monde se dépêche de déposer des idées et des procédés plus ou moins originaux. Une licence, sur un procédé technologique ou marketing, coûte facilement 30 000 à 40 000 dollars; un procès perdu, en revanche, peut coûter plusieurs centaines de milliers de dollars... L'Office américain des brevets est submergé, mais il y trouve son compte: non subventionné, il se rémunère par les droits qu'il touche, soit 8 000 dollars pour chaque trouvaille déposée....

Libération :

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