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Edito : L'internet ultra-rapide va révolutionner l'économie des flux numériques

Télécharger un film en 5 secondes sur Internet ne relèvera bientôt plus du rêve ou des films de science-fiction. Une équipe du California Institute of Technology a mis au point un système baptisé Fast TCP dont les premiers tests ont permis de multiplier par trois la vitesse de transmission de données. Les chercheurs ont même réussi à envoyer des données 6.000 fois plus rapidement qu'avec les outils actuels (voir article du New Scientist http://www.newscientist.com/news/news/jsp?id=ns99993799). Le trafic sur Internet utilise le système Transmission Control Protocol (TCP), lequel consiste à envoyer un fichier par petits "paquets" d'environ 1.500 bits. L'ordinateur qui envoie ces paquets attend que le premier soit arrivé sans encombre avant d'en adresser un autre. Si un problème se produit, le paquet est à nouveau envoyé mais à une vitesse plus lente. Le Fast TCP utilise le même procédé mais il évite ces lenteurs en calculant le temps nécessaire pour transmettre le paquet et pour recevoir l'information annonçant qu'il est bien arrivé. Il est donc capable de gérer au mieux les capacités de transmission du réseau. Le système élaboré à Caltech a été testé en novembre 2002 lors de l'envoi de données entre la Californie et la Suisse. Sur cette "route" de 10.000 km, le Fast TCP a permis une vitesse d'envoi de 925 mégabits par seconde, contre 266 mégabits par seconde avec le système "classique". En reliant 10 Fast TCP ensemble, les chercheurs sont même parvenus à obtenir un débit phénoménal de 8,6 gigabits par seconde, 6000 fois plus rapide qu'une liaison haut débit conventionnelle ! Le nouveau réseau "Internet 2", destiné aux échanges de données scientifiques entre universités et centres de recherche, repose toujours sur le TCP conventionnel qui lui permet tout de même un débit maximum de 350 mégabits/ seconde. Mais il serait tout à fait possible de lui substituer ce TCP rapide sans modifications techniques majeures. On imagine alors les immenses potentialités de calcul qu'aurait ce réseau scientifique mondial, notamment dans les domaines qui requièrent des puissances de traitement toujours plus grandes : physique des particules, physique des matériaux, pharmacogénomique, chimie des protéines etc... Il est intéressant de noter que le Japon travaille lui aussi activement dans ce domaine stratégique des technologies de transmission ultra-rapides. NTT a ainsi annoncé, la semaine dernière (voir article dans @RTFlash 247) avoir développé une technologie qui permettra aux internautes de télécharger un film de deux heures en une trentaine de secondes. Cette nouvelle technologie de fibre optique offrira une vitesse de communication de un gigaoctet par seconde, contre les 100 mégaoctets "seulement" actuellement proposés au Japon pour les connexions à domicile ou au bureau (à comparer à nos pauvres liaisons domestiques ADSL en France qui culminent péniblement à 2 mégabits/seconde !). On ne s'étonnera pas d'apprendre que des firmes comme Microsoft, AOL ou Disney suivent avec le plus grand intérêt l'évolution des ces nouvelles technologies de transmission ultra-rapides. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Microsoft a présenté le 9 juin un nouvel ensemble de logiciels, baptisé Microsoft TV Foundation, qui permet aux abonnés au câble d'accéder plus facilement à la vidéo à la demande. On peut également penser qu'un des objectifs de l'accord juridique, technologique et commercial au sommet, intervenu le 30 mai entre AOL Time Warner et Microsoft (voir mon édito @RTFlash 246 du 6-05-2003) est de préparer dans les meilleurs conditions l'arrivée dans les foyers de l'Internet ultra-rapide intégrant les télécommunications, la télévision à la carte et les services numériques personnalisés "à la demande". Il faut bien comprendre en effet que la perspective de pouvoir offrir aux foyers, et aux entreprises, sans modifications majeures de l'infrastructure Web actuelle, des liaisons Internet à un gigabit/seconde, va changer la nature même de notre utilisation des flux numériques. Pourquoi posséder chez soi une encyclopédie, une discothèque et une vidéothèque sur des supports matériels, même réinscriptibles, quand il deviendra possible de télécharger à la demande, et en une minute, la dernière version de l'Encyclopedia Universalis, toute la musique symphonique de Mozart ou tous les films de Stanley Kubrick ? Par ailleurs, qui peut le plus peut le moins. Pourquoi posséder un magnétoscope ou un magnétophone, fut-il numérique, lorsqu'il sera possible, et bien plus simple, de commander et de télécharger en quelques minutes, via son PC et l'Internet ultra-rapide, n'importe quelle émission ou document sonore ou vidéo ? En outre, avec la généralisation dans nos foyers, bien plus tôt qu'on ne pouvait l'imaginer, de telles connexions à l'Internet ultra-rapide, la fameuse télévision interactive "à la carte", qu'on nous annonce régulièrement depuis plus de 10 ans mais qui n'a jamais véritablement décollée, deviendra une évidence incontournable. Ce n'est plus le consommateur "spectateur" qui s'adaptera aux émissions et films proposés, mais l'ensemble des flux numériques, musique, livres électroniques, images, films, documents vidéos de toute nature, actualités etc. qui seront à tout moment à la disposition du consommateur et dans des versions qui pourront être modifiées et enrichies à l'infini, en fonction de la spécificité de chaque demande ! Mais la généralisation de cet Internet ultra-rapide aura aussi des conséquences économiques et sociales majeures dans bien d'autres secteurs que ceux du divertissement. On imagine en effet les immenses possibilités qui vont être offertes par ce type de connexion en matière de télémédecine et d'assistance médicale à domicile, un domaine qui devrait littéralement exploser, compte tenu du vieillissement accéléré de notre population. Cet Internet ultra-rapide devrait également faciliter et développer de manière considérable le télétravail et l'enseignement à distance et pourrait ainsi contribuer de manière puissante à réduire nos déplacements quotidiens domicile-bureau. Dans un tel scénario tout à fait réaliste, c'est donc bien une nouvelle économie numérique, centrée sur les besoins personnels de l'utilisateur, qui se met en place. Cette accélération technologique rend encore plus vital l'effort d'adaptation politique, sociale, économique et culturelle que doit mener à bien notre pays pour tirer pleinement parti des immenses potentialités de créativité d'innovation et de développement que va permettre d'ici seulement une décennie cette économie d'abondance numérique.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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