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Edito : EMEUTES de RUE : SACHONS REGARDER L'AVENIR EN FACE...

Dans une Démocratie, il n'est pas longtemps tolérable de voir un Etat rester impuissant devant quelques centaines d'individus qui se servent des caméras de télévision pour faire briller aux yeux du monde les centaines et les centaines de véhicules qu'ils incendient, chaque nuit.

Les outils dont dispose un Etat de Droit pour faire cesser de tels agissements sont peu nombreux et surtout d'un maniement difficile. Il suffirait d'un accident et même d'un incident pour que l'opinion publique, maîtresse du jeu, sans qu'elle en ait conscience, se retourne.

L'utilisation de la force serait contre-productive et très risquée. Seuls, l'intelligence et le bon sens pourront permettre de trouver une issue mais il faut que nous ayons bien conscience que cela ne sera que partie remise.

Aussi, toutes les Démocraties vont devoir réfléchir, comme a déjà commencé à le faire la Grande-Bretagne après les attentats de l'été dernier, aux moyens à mettre en oeuvre pour prévenir et empêcher toute atteinte au Droit dans les espaces publics.

La conscience, la responsabilité, la solidarité, le devoir, la morale étant devenus des concepts inconnus d'une partie grandissante de nos contemporains, seules, malheureusement, les technologies nouvelles aideront les Pouvoirs Publics à faire respecter l'ordre public... mais avec quels dangers pour nos Démocraties !

Il serait irresponsable d'ignorer ces nouvelles technologies qui marqueront chaque être humain et nos objets (en particulier les voitures) dans ces toutes prochaines décennies. Pour défendre nos Démocraties, les hommes politiques devraient, avec sérénité, examiner, sans retard, ce qui se développe actuellement dans les laboratoires dans de nombreuses parties du Monde, au lieu de clamer, par démagogie, que jamais ils n'utiliseront de tels moyens.

Regardons déjà ce qui se passe avec la vidéosurveillance. Il suffit de faire un tout petit bond en arrière de quelques années pour se remémorer comment les « bonnes âmes » rejetaient ces moyens de « flicage ». Là aussi, comme dans bien d'autres domaines, l'opinion publique a fait un vrai virage sur l'aile en constatant combien les dizaines de milliers de caméras installées dans tous les lieux publics de Londres avaient été efficaces pour retrouver les va et vient des terroristes dans les jours précédant les attentats. Mais, malheureusement, ces sinistres circonstances ont permis de constater que les caméras permettaient d'expliquer, a posteriori, mais non de prévenir.

Aussi, les responsables mondiaux des polices urbaines sont entrés dans une réflexion nouvelle qui ne s'arrêtera que lorsqu'elle sera arrivée à son terme : comment les nouvelles technologies vont-elles pouvoir, avec rigueur et efficacité, prévenir tous les dysfonctionnements, de l'attentat terroriste jusqu'au vol à la tire, sur la voie et dans les espaces publics ?

Les réponses sont déjà nombreuses et vont apparaître, maintenant dans de courts délais, bien d'autres propositions que nous n'imaginons pas encore.

La reconnaissance automatique d'images de personnes surveillées sur des milliards d'images saisies chaque jour dans les réseaux serrés de vidéosurveillance qui sont ou qui se mettent en place dans toutes les villes, le positionnement satellitaire qui atteindra une précision centimétrique avec des bornes de référence calées au sol, les puces radio (RFID) moins grosses qu'un grain de riz qui, dès ces prochains mois, vont commencer à se glisser dans tous les objets dont nous nous servons chaque jour et qui, dans des délais qui sont maintenant courts, commenceront à être implantées sous la peau des êtres humains...

Il serait vain de croire que cela n'arrivera pas. Cela va arriver et même peut-être beaucoup plus vite que nous ne l'imaginons aujourd'hui.

Aussi, tous les responsables politiques qui ont en charge la protection de nos libertés doivent, sans tarder, imaginer ce futur, dorénavant très proche, pour faire en sorte que l'aspiration profonde au respect de la vie privée soit fondamentalement respectée dans nos Démocraties. Il en va de l'avenir des Droits de l'Homme.

Je défends depuis de très nombreuses années dans ces colonnes l'idée que chaque être humain devra disposer d'une identité privée, inviolable et disposant des protections les plus élevées, pour sa vie privée (famille, profession, amis, vacances, etc...) et d'une identité publique où il ne serait qu'un nombre à 64, 128 ou 256 chiffres (changeant en permanence) dès qu'il serait sur la voie publique. Le rapprochement entre l'identité privée, qui serait un vrai sanctuaire pour le citoyen respectueux des lois et l'identité publique qui, elle, sur tout territoire public, serait spontanément accessible à tout agent de l'ordre public (grâce aux puces RFID), ne pourrait être fait que sous l'autorité de l'Etat. Cette mission deviendrait une mission régalienne et tous les dispositifs de sécurité devraient être mis en place pour acquérir la certitude qu'aucune organisation et aucun individu ne pourraient s'emparer de ces clés de transformation de l'identité publique en identité privée.

Je sais que vous allez être très nombreux à réagir face à ces propositions. Mais n'oublions pas que l'une des spécificités de l'homme par rapport à tous les autres systèmes organisés, ce qui lui octroie non seulement une force mais aussi une supériorité naturelle, est de pouvoir prévoir et ainsi d'anticiper toute évolution, du moins tant que celle-ci est prévisible.

Or, l'augmentation très grande du nombre d'êtres humains vivants, la spontanéité de l'information, la facilité des déplacements, la globalisation des échanges, mais aussi la perte des repères, font que la vie de la cité, telle qu'elle avait été imaginée à Athènes, il y a 4000 ans, n'est plus applicable à la situation réelle de ce début de 21ème siècle. Il faut savoir anticiper sur ces évolutions profondes de nos sociétés.

Certains ont imaginé dans ces deux dernières décennies, avec la montée en puissance des réseaux et l'émergence de la Toile, que l'avenir se trouvait dans des communautés et que des systèmes informatiques trop curieux nous rendraient heureux, malgré nous, en répondant à chacune de nos aspirations, croyant bien connaître nos profils.

Mais il n'en est rien. Chaque être humain voudrait (quel rêve !) pouvoir disposer d'un jardin secret dans lequel il pourrait se réfugier quand il est assailli par les soucis générés par nos sociétés dites « modernes ». Violer ce jardin secret serait la pire entreprise de déshumanisation. L'homme, malgré les difficultés grandissantes de la vie en société, ne veut pas se transformer en abeille. Ce n'est pas l'ensemble de la société qui doit devenir l'individu mais notre aspiration profonde est de tout faire pour que chacun de nous détienne, dans la mesure du possible, la détermination de son destin.

Aussi, avec réalisme, sachons nous préparer à accepter de nouvelles règles dans notre vie en commun, dans les espaces publics, afin de protéger avec la dernière des énergies notre vie privée.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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