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Alzheimer, maladie infectieuse ?

La maladie d'Alzheimer pourrait-elle se transmettre comme une pathologie infectieuse ? C'est la nouvelle hypothèse que soulèvent des travaux expérimentaux chez la souris menés par une équipe européenne. L'injection de tissu cérébral contenant la forme anormale d'une protéine humaine, typique de la maladie d'Alzheimer, dans le cerveau de souris saines entraîne la prolifération de lésions caractéristiques. Un phénomène qui rappelle le cas du prion pathologique, responsable de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Principale cause de démence chez les sujets âgés, la maladie d'Alzheimer résulte d'une dégénérescence des neurones cérébraux, qui provoque la perte progressive et définitive des fonctions mentales, à commencer par la mémoire. Le cerveau atteint est caractérisé par la présence de deux types de lésions. L'une est le développement, entre les neurones, de plaques constituées de peptides bêta-amyloïdes ; l'autre est la formation, à l'intérieur des neurones, d'un écheveau de filaments entremêlés résultant de l'agrégation de protéines dites "tau".

Dans la maladie d'Alzheimer, "l'accumulation de protéines tau pathologiques commence autour d'une zone essentielle à la mémoire à court terme (moins d'une semaine), l'hippocampe. Puis, contrairement au simple vieillissement où le phénomène reste localisé, les protéines pathologiques se propagent, envahissent le lobe temporal du cerveau où s'intègrent les diverses informations qui aboutissent à un message compréhensible, puis les autres lobes et le reste du cortex cérébral. C'est toujours le même cheminement", décrit Luc Buée.

L'équipe européenne est partie du constat que lorsqu'un neurone atteint meurt, la protéine tau pathologique passe dans l'espace extracellulaire et les neurones voisins captent la protéine pathologique. "Cette protéine porte une signature particulière qui transmet la conformation anormale aux protéines tau normales. Cette réaction en chaîne propagerait ainsi la pathologie", indique Luc Buée.

Afin de tester cette hypothèse, Markus Tolnay et ses collègues ont utilisé deux types de souris transgéniques, ayant la capacité d'exprimer la protéine tau humaine. Mais, pour l'une, il s'agit d'une forme anormale, plus courte, alors qu'elle est normale dans le cas de la seconde. Les souris exprimant la forme anormale développent une neurodégénérescence et des filaments de protéine tau hyperphosphorylée, tandis que celles chez lesquelles la protéine tau est normale ne présentent pas ces anomalies.

L'injection de tissu cérébral contenant la protéine anormale dans le cerveau des souris exprimant la protéine normale entraîne la formation locale de filaments, typiques de la maladie d'Alzheimer, et la dissémination de cette anomalie dans les régions avoisinantes du cerveau. C'est ainsi qu'avait pu être démontrée la responsabilité d'une forme pathologique du prion dans la maladie de Creutzfeldt-Jakob, chez l'homme, ou dans la maladie de la vache folle, l'encéphalopathie bovine spongiforme. La révélation qu'une particule protéique, dépourvue de matériel génétique, pouvait constituer un agent infectieux avait bousculé le dogme qui limitait aux bactéries, aux virus et aux parasites la possibilité de remplir ce rôle.

Pour Luc Buée, cette "hypothèse séduisante" pourrait aussi signifier que "la composante liée à la protéine tau occupe une part plus importante qu'on le croyait dans la maladie d'Alzheimer et que la protéine tau anormale a des effets plus graves lorsqu'elle sort du neurone. Cela implique aussi que le suivi de la protéine tau dans le liquide céphalo-rachidien (dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière) pourrait aider au diagnostic de la maladie. Les espèces toxiques de la protéine pourraient également constituer des cibles thérapeutiques pour une immunothérapie", estime le spécialiste lillois.

LM

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