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Edito : L'exploration de Mars entre dans une phase décisive

La Nasa a donné le coup d'envoi mardi dernier de la plus complexe de ses missions vers Mars, avec le lancement, le 10 juin, de la première de deux sondes contenant un robot géant qui devra explorer la planète rouge et établir si l'eau et la vie ont pu y exister."Ce ne sera pas comme une balade à la plage un dimanche après-midi", a averti Ed Weiler, directeur adjoint de la Nasa pour la science spatiale, lors d'une conférence de presse au centre spatial Kennedy près de Cap Canaveral (Floride, sud-est), à l'occasion du départ prévu de la première des deux sondes de la mission Mars Exploration Rover (MER). "Si nous avons un quelconque espoir de répondre à la question de savoir s'il y a de la vie sur Mars ou s'il y en a eu, nous devons non seulement montrer que l'eau (dont la présence passée a été révélée par de précédentes missions) a existé sur Mars mais qu'elle y est restée pendant très, très longtemps", explique Ed Weiler, responsable des programmes scientifiques de l'agence aérospatiale américaine."Partout où il y a la vie sur Terre, il y a de l'eau, et partout où il y a de l'eau, il y a la vie. Sur Mars, il y eu de l'eau il y a des milliards d'années, et peut-être aussi il y quelques heures", a poursuivi M. Weiler pour résumer les objectifs de la mission. Au terme d'un périple de 500 millions de Km et d'un voyage de 7 mois, le premier robot doit atterrir le 4 janvier 2004 dans le cratère Gusev, par 15 degrés sud de l'équateur de Mars. Le cratère Gusev aurait jadis abrité un lac. La vallée repérée au milieu du cratère a peut-être été creusée par l'eau. Cela pourra être prouvé par la découverte de sédiments ou de roches déplacées par le ruissellement. Le responsable de la Nasa n'a pas exclu les problèmes durant cette mission, notamment durant l'arrivée des robots sur Mars en janvier 2004. Il est vrai que l'exploration de la planète rouge reste un exploit technologique et n'a rien d'une sinécure : sur 30 missions vers Mars tentées, seulement 12 ont réussi au cours des 40 dernières années. Cette mission américaine talonne la première expédition européenne débutée le 2 juin avec la sonde Mars Express, actuellement en route vers la planète rouge. La seconde sonde (MER-B), dont le lancement est prévu le 25 juin, visera le Meridiani Planum, une zone d'accumulation d'hématite grise (une forme d'oxyde de fer associé à de l'eau), située par deux degrés sud de l'équateur. Son arrivée est prévue le 25 janvier 2004, après un voyage de 491 millions de km. La Nasa a mobilisé de gros moyens, environ 800 millions de dollars, pour envoyer ses deux monstres robotisés à six roues aux antipodes l'un de l'autre, sur des sites au potentiel géologique important. Echaudée par l'échec du Polar Lander en 1999, qui s'était écrasé sur Mars après une défaillance de son système de descente motorisé, la Nasa a repris le système du Pathfinder : une descente ralentie par parachute, puis une chute amortie par un système d'airbags. Chaque engin doit rebondir une dizaine de fois sur le sol gelé de Mars avant de s'immobiliser. Une fois les airbags dégonflés, la coquille s'ouvrira comme une corolle, révélant le Rover qui sera immédiatement opérationnel, déployant son bras télescopique surmonté d'un appareil photo, pour prendre une vue panoramique à 360 degrés, en couleur, du site martien. Il pourra alors quitter son enveloppe protectrice pour débuter l'analyse du sol et des roches, grâce à cinq instruments d'étude géologique et à un outil spécial lui permettant de creuser ou de gratter. Qualifiés de "premiers robots géologues interplanétaires" par Joy Crisp, responsable scientifique de la mission, les Rovers alimentés par l'énergie solaire peuvent bouger de 40 mètres par journée martienne, soit davantage que la distance parcourue pendant toute la mission américaine Pathfinder, dont le mini-robot Sojourner de 10 kilos avait été le premier à se déplacer sur Mars en 1997. Les deux sondes, qui mesurent environ 1,45m, effectueront des prélèvements géologiques sur deux côtés opposés de la planète, précise Cathy Weitz, qui travaille sur ce programme. Se déplaçant sur six roues supportant une plate-forme de panneaux solaires, ces sondes sont munies à l'avant d'un bras équipé d'un microscope, de spectromètres pour identifier les minéraux, et d'un outil permettant de gratter la roche pour en analyser la composition. Sur le mât se dressant entre les panneaux solaires, une caméra panoramique aidera les scientifiques à déterminer les zones à explorer. "Quand vous regardez Mars aujourd'hui, c'est froid, sec, nu. Ce n'est pas le genre d'endroit convenant à la vie", estime Steve Squyres, directeur scientifique de la mission, "mais quand vous regardez d'en haut, vous voyez des preuves indubitables de ce que les conditions ont un jour été différentes". Si la planète rouge connaît une telle affluence, c'est parce que la configuration est très favorable en ce moment, Mars se trouvant particulièrement près de la Terre. Cette relative "proximité" de Mars par rapport à la Terre ramène la durée du voyage à sept mois contre neuf ou 10 habituellement. Le 2 juin, l'Agence spatiale européenne (ESA) a lancé sa première mission vers l'astre avec la sonde "Mars Express", partie de Baïkonour (Kazakhstan), pour rechercher elle aussi des traces de vie, grâce à sa mise en orbite pendant au moins deux ans et au robot de conception britannique "Beagle 2", qui doit se poser le 25 décembre dans une région équatoriale appelée Isidis Planitia (voir @RTFlash 246 rubrique espace). Quant à la sonde japonaise "Nozomi", bien que lancée en 1998, elle devrait arriver sur Mars au même moment que Mars Express et les MER: fin 2003. Quelques jours avant le lancement de la première sonde de la mission Mars Exploration Rover étaient publiées les premières données infrarouges collectées pendant un an par l'un des instruments de la sonde américaine Mars Odyssey en orbite autour de la planète rouge (voir article complet dans la rubrique espace de ce numéro). Ces données précieuses, d'une précision sans précédent, montrent des signes d'érosion et prouvent que d'importantes modifications de l'environnement se sont déroulées récemment sur Mars. Loin d'être une planète morte et figée, comme on l'a longtemps imaginé, Mars révèle, grâce à ces images extraordinaires, un nouveau et passionnant visage : celui d'une planète active qui continue à évoluer de manière complexe. Il apparaît donc de plus en plus que l'observation et l'exploration toujours plus poussée de Mars présente bien un immense intérêt scientifique et permet notamment de mieux comprendre comment s'est formée notre terre et son climat et comment la vie a pu y apparaître et s'y développer. C'est pourquoi après avoir épuisé toutes les ressources des missions robotisées programmées pour les 20 ans à venir, l'homme doit aller sur Mars pour franchir une nouvelle étape dans la connaissance de son environnement et dans la compréhension des origines de la vie. Mais au-delà de cette exaltante aventure scientifique, la conquête de Mars marque également un nouveau pas dans l'accomplissement du destin de l'Humanité, qui consiste à toujours reculer les frontières de son Univers pour aller, comme l'a si bien écrit Rimbaud, "au bout de l'inconnu y chercher du nouveau".

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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