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Edito : Diabète, un fléau sanitaire mondial en passe d'être vaincu ?
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Connu et décrit depuis l'Antiquité, le diabète est une maladie métabolique qui se caractérise par un taux de glucose dans le sang (glycémie) qui devient en permanence trop élevé. Les glucides apportés par les aliments sont transformés essentiellement en glucose. Le pancréas détecte l’augmentation de la glycémie. Les cellules bêta du pancréas, regroupées en amas appelés îlots de Langerhans, sécrètent de l’insuline, une hormone qui permet au glucose de pénétrer dans les cellules de l’organisme : dans les muscles, dans les tissus adipeux et dans le foie où il va pouvoir être transformé et stocké. Une autre hormone, le glucagon, permet de libérer le glucose stocké dans le foie, en dehors des repas. C’est le mécanisme de régulation et d’équilibre de ces hormones qui permet d'assurer la stabilité du niveau de glycémie stable dans le corps. Mais, en cas de diabète, ce système de régulation cesse de fonctionner correctement.
On distingue deux types principaux de diabète : le diabète de type 1 qui touche environ 6 % des diabétiques et le diabète de type 2 qui en touche 92 %. Le diabète de type 1 est provoqué par une absence ou une insuffisance de sécrétion d'insuline par le pancréas ; le diabète de type 2 résulte d'une mauvaise utilisation de l'insuline par les cellules de l'organisme. Le diabète de type 1, appelé autrefois diabète insulinodépendant (DID), est habituellement découvert chez les personnes jeunes : enfants, adolescents ou jeunes adultes. Cette forme de diabète résulte de la disparition des cellules bêta du pancréas, entraînant une carence totale en insuline. L’organisme ne reconnaît plus ces cellules bêta et le système immunitaire les détruit. Le diabète de type 1 est donc considéré une maladie auto-immune. Comme le glucose ne peut plus être assimilé par les cellules, il retourne dans le sang, ce qui entraîne un taux anormalement élevé de glucose. Le diabète de type 2 apparaît généralement chez les personnes âgées de plus de 40 ans, présentant un surpoids, ayant une alimentation déséquilibrée et faisant peu d'exercices physiques. Ce diabète de type 2 se développe lentement et à bas bruit et il faut souvent une dizaine d'années entre l’apparition des premières hyperglycémies et le diagnostic final.
Il y a un siècle, en 1921, la découverte de l'insuline par Fredrick G. Banting, John J.R. MacLeod, Charles H. Best et James B. Collip, révolutionnait le traitement du diabète. Cependant, qu'il s'agisse du type 1 lié à une carence absolue en insuline, touchant principalement les jeunes, ou du type 2, lié essentiellement à un surpoids et une résistance à l'insuline chez les personnes d'âge mûr, la persistance d'un taux élevé de glucose dans le sang provoque des complications qui peuvent être potentiellement mortelles et touchent le cœur, les vaisseaux, le système nerveux, les yeux, les reins. Le diabète augmente par ailleurs sensiblement les risques d'infections, ce qui explique que la vulnérabilité des malades s'est particulièrement révélée au grand public durant la pandémie de COVID-19.
Avec le vieillissement de la population mondiale (dont l'espérance de vie moyenne à la naissance dépasse à présent les 72 ans), le diabète est en train de devenir un véritable fléau sanitaire mondial. Une étude publiée dans le Lancet en juin 2023 estime que, d’ici à 2050, plus de 1,3 milliard d’individus devraient souffrir de cette maladie invalidante qui est devenue la première cause d'amputation et de cécité chez l'adulte et une cause majeure d'insuffisance rénale. Mais ces effets délétères directs et indirects du diabète semblent encore avoir été sous-estimés, comme le montre une étude chinoise de 2019 qui révèle, à partir des données provenant de 410 000 patients atteints de diabète de type 2, que cette maladie augmente sensiblement les risques de développer plusieurs cancers (Voir Wiley).
La progression du diabète ne cesse de s’accélèrer au niveau mondial, puisque le nombre de malades a été multiplié par cinq en 40 ans, passant de 108 millions en 1980 à 529 millions de personnes en en 2021, selon l'OMS. La prévalence de cette pathologie (la part de malades dans une population donnée) est passée de 3,2 % en 1990 à 6,1 % en 2021 et devrait atteindre 9,8 % en 2050. Quant au nombre total de décès provoqués par cette maladie au niveau mondial, il serait d'au moins deux millions par an, en incluant les pathologies rénales qui y sont associées. Face à ce constat, l'étude du Lancet souligne avec force que « Le monde n’a pas pris la mesure des ravages sociaux du diabète et a sous-estimé son échelle véritable et la menace qu’il pose en terme de santé mondiale » (Voir The Lancet).
En France, on estime que 4,1 millions de personnes étaient atteintes de diabète en 2021, dont 850 000 traités à l'insuline. La prévalence de cette maladie chronique n’a cessé d’augmenter, passant de 5,6 % en 2015 à 6 % en 2021. Selon les données de l’Assurance maladie, 520 000 personnes supplémentaires pourraient être atteintes par le diabète en 2027 par rapport à 2021, dont 500 000 par un diabète de type 2 et 20 000 par un diabète de type 1. Cette situation est aggravée par le caractère silencieux du diabète qui se développe de manière sournoise pendant une dizaine d'années avant de se manifester. Plus d’un Français sur deux n'a jamais effectué de dépistage du diabète, ce qui est d'autant plus inquiétant que cette maladie a provoqué plus de 85 000 décès en France en 2021, soit deux fois plus qu'au début de ce siècle...
Dans ce contexte sanitaire mondial et national, on comprend tout l'intérêt des dernières et impressionnantes avancées réalisées dans le domaine des nouveaux traitements contre les principales formes de diabète. Il y a quelques semaines, des scientifiques de City of Hope (Californie) et du Mont Sinaï (New York) sont les premiers à démontrer qu'un traitement combiné, -qui comprend un agoniste du GLP- peut augmenter les cellules productrices d'insuline humaine in vivo et à ouvrir ainsi un immense espoir pour les patients diabétiques contraints à des injections quotidiennes. Il s'agit d'une avancée spectaculaire vers les thérapies visant à régénérer les cellules bêta productrices d'insuline humaine (Voir Science Translational Medicine). L'étude souligne que « cultiver ou produire de nouvelles cellules bêta serait une option thérapeutique de choix pour les 10 % de la population adulte mondiale qui souffrent de diabète car aucun des nombreux traitements contre le diabète, couramment utilisés, n’est capable d’augmenter le nombre de cellules bêta humaines et donc d’inverser complètement le diabète ». Cette percée repose sur le fait que la plupart des patients diabétiques possèdent des cellules bêta résiduelles qui peuvent être exploitées. Cette étude est la première à démontrer la possibilité d’augmenter le nombre de cellules bêta humaines in vivo. De manière remarquable, chez ces souris traitées avec la thérapie combinée, le diabète a été rapidement inversé ; par ailleurs, le nombre de cellules bêta humaines a augmenté de 700 % en trois mois. Ces travaux ouvrent une voie vers des thérapies régénératives permettant de traiter à la source de la maladie des centaines de millions de personnes diabétiques.
Toujours il y a quelques semaines, des chercheurs américains ont également présenté, à l'occasion du congrès de l’Amas (Association Américaine pour l'Avancement de la Science) une nouvelle approche qui pourrait, à terme, remplacer les injections quotidiennes d'insuline en cultivant des cellules productrices d'insuline en laboratoire et en les transplantant sous la peau du bras (Voir Type 1 Diabetes Grand Challenge). Un essai clinique est actuellement en cours pour évaluer l'efficacité de cette technique novatrice. Cette étude utilise des cellules d'îlots de Langerhans provenant de donneurs humains. Développée par la société de biotech Minutia, en collaboration avec plusieurs universités américaines, cette technique repose sur l'utilisation de cellules-souches pour créer des îlots producteurs d'insuline. Mais il y a plus : un dispositif de “nanocapteur” intégré dans les cellules transplantées est en mesure de surveiller les réactions de rejet de la greffe par le corps du receveur. Le Docteur Matthias Hebrok, chercheur mondialement reconnu dans le domaine du diabète, a exprimé sa conviction dans le potentiel révolutionnaire de cette approche. « Nos résultats démontrent pour la première fois que les cellules de la peau adulte humaine peuvent être utilisées pour générer efficacement et rapidement de grandes quantités les cellules pancréatiques fonctionnelles », a souligné cet éminent scientifique.
Un autre traitement commercialisé aux Etats-Unis sous le nom de Mounjaro, depuis juin 2022, permet des résultats impressionnants sur le diabète de type 2 et l'obésité. Il est injecté une fois par semaine grâce à un stylo prérempli avec 5, 10 et 15 mg. Ce traitement mime l'action de deux hormones intestinales : le GLP-1 (glucagon-like peptide-1) et le GIP (glucose-dependent insulinotropic polypeptide), qui stimulent la sécrétion d'insuline, nécessaire pour réguler la glycémie. Plusieurs études ont confirmé que ce traitement est extrêmement efficace pour contrôler la glycémie et obtenir des pertes de poids de l'ordre de 10 kg sur une année. A l'instar du Trulicity ou de l'Ozempic, il peut être injecté une fois par semaine, ce qui est plus confortable pour les patients que des injections quotidiennes d'insuline. Ce traitement pourrait changer la vie des malades en situation d'obésité, qui représentent 40 % des diabétiques.
En France, depuis un an et demi, l'Assurance-maladie prend en charge une nouvelle thérapie révolutionnaire contre le diabète de type 1, mise au point après 30 ans de recherches par l'équipe renommée du Professeur Pattou de Lille : la greffe d’îlots pancréatiques. Cette intervention chirurgicale permet en effet aux patients d’éviter les injections d’insuline. « Depuis plus de dix ans, une soixantaine de personnes ont bénéficié de cette greffe à Lille, et ça marche », explique François Pattou, qui précise que plus des trois quarts des patients présentent un greffon viable, dix ans après la greffe. Grâce à cette greffe, les patients n’ont plus besoin d’effectuer des injections d'insuline. « Désormais, nous pouvons espérer réaliser entre 100 et 200 greffes par an », précise François Pattou.
La Professeure Lucienne Chatenoud, à la tête du service d'Immunologie biologique de l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP, Paris) est, pour sa part, à l'origine de la découverte du mécanisme immunologique qui a conduit à la création du médicament téplizumab, un anticorps monoclonal susceptible de prévenir le diabète de type 1. « Cette toute première immunothérapie au monde dans le diabète de type 1 est en mesure d'éviter ainsi l’autodestruction des cellules productrices d’insuline », souligne la Professeure Chatenoud. Ce traitement a une double action. D'une part, il cible les lymphocytes T. D'autre part, le téplizumab active les lymphocytes T protecteurs. Des recherches récentes ont montré qu'un traitement unique de 14 jours à base de téplizumab retarde l'apparition de la maladie jusqu'à 4 ans avant que l’insuline ne soit nécessaire. Certains patients peuvent même se passer de l’insuline pendant 8 ans. Cet anticorps monoclonal téplizumab a récemment obtenu l'approbation pour son utilisation dans la prévention du diabète de type 1 chez les enfants de plus de 8 ans aux États-Unis et devrait prochainement être autorisé par l'Agence Européenne du Médicament.
Enfin, il y a quelques jours, la presse chinoise a fait état d'une nouvelle thérapie cellulaire mise au point par des chercheurs de Shangai. Ce traitement a permis de guérir un homme de 59 ans qui souffrait de diabète de type 2 et n’a plus eu besoin de prendre de médicaments depuis (Voir SCMP). Des scientifiques de Shanghai, en Chine, ont utilisé les cellules sanguines du patient pour créer des cellules souches, qui ont ensuite été converties en cellules produisant de l'insuline, ce qui permet de restaurer le contrôle de la glycémie. Ces cellules ont été transplantées chez le patient en juillet 2021 et, au bout de trois mois, il n’avait plus besoin d’injections d’insuline. Il a progressivement commencé à réduire ses médicaments pour contrôler sa glycémie et a finalement arrêté de prendre tous ses médicaments au bout d'un an. « Les examens que nous avons effectués après l'intervention ont montré que la fonction pancréatique du patient a été efficacement restaurée et que sa fonction rénale est revenue à la normale », a déclaré Hao Yin, de l'hôpital Changzheng de Shanghai, qui souligne que ce traitement innovant permet également de prévenir les diverses complications qui accompagnent le diabète. C'est la première fois que la thérapie par cellules souches est utilisée pour traiter le diabète de type 2.
Si la recherche progresse de manière décisive en matière de nouveaux traitements plus efficaces contre le diabète, elle a également réalisé, au cours de ces derniers mois, des avancées importantes en identifiant de nouveaux facteurs qui sont impliqués dans cette maladie et en découvrant de nouveaux marqueurs qui vont permettre de mieux prévenir les risques cardiovasculaires chez certains patients. Il y a quelques semaines, des chercheurs de l'Institut Cochin ont révélé que le diabète de type 1 était associé au virus Coxsackie B, largement répandu dans la population (Voir hInstitut Cochin et Science Advances). Ces recherches ont montré une corrélation entre l'infection par certains sérotypes de CVB et la formation d'auto-anticorps dirigés contre les cellules bêta du pancréas ou l'apparition du diabète de type 1, chez des enfants à risque génétique. S'appuyant sur cette découverte importante, ces chercheurs travaillent sur un vaccin contre le CVB qui viendrait renforcer la réponse immunitaire contre ce virus et pourrait, in fine, réduire sensiblement les risques d'apparition du diabète de type 1.
Autre avancée majeure, en début d'année, des scientifiques de l’Inserm, de l’Université Paris Cité et du CNRS à l’Institut Necker Enfants malades à Paris ont identifié un nouveau marqueur pronostic de risque cardiovasculaire chez les personnes atteintes de diabète de type 2 (DT2). Ces recherches ont montré que la quantité de globules blancs circulant dans le sang est associée au risque d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus du myocarde à dix ans. Cette découverte pourrait permettre de dépister les individus atteints de DT2 les plus à risque pour leur proposer une prévention personnalisée. On comprend mieux l'intérêt de cette découverte quand on sait que les personnes atteintes de diabète de type 2 ont environ deux fois plus de risque de faire un accident cardiovasculaire associé à l’athérosclérose au cours de leur vie, comme un infarctus du myocarde ou un AVC. Ces chercheurs travaillent à présent à l’élaboration d’un capteur électronique visant à doser et classer des monocytes circulants à partir du prélèvement d’une goutte de sang. Ce nouvel outil devrait permettre d'identifier les patients diabétiques de type 2 les plus à risque et améliorer la prévention (Voir AHA/ASA Journals).
On ne peut que se réjouir de l'ensemble de ces avancées récentes qui sont en train de révolutionner la prise en charge thérapeutique des différentes formes de diabète ainsi que leur prévention. Toutefois, il est capital de rappeler que la maîtrise de cette pathologie, malheureusement en plein essor au niveau mondial, dans sa forme la plus répandue, passera, quels que soient les progrès scientifiques et médicaux, par des changements profonds et durables dans nos modes de vie, qui doivent réintégrer de toute urgence, comme composantes essentielles, des exercices physiques quotidien variés et une alimentation plus frugale et plus équilibrée...
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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- Publié dans : Médecine
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