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Edito : les vaccins contre le cancer portent enfin leurs fruits

La lutte contre le cancer vient d'entrer dans une nouvelle ère : il y a quelques jours, un vaccin qui protège de l'infection virale responsable du cancer du col de l'utérus a été mis sur le marché en France. Ce vaccin, baptisé Gardasil (Voir article), protège les femmes contre le papillomavirus qui provoque des lésions du col de l'utérus pouvant dégénérer en cancer. Cette vaccination préventive, et non pas thérapeutique, a été mise au point par les laboratoires pharmaceutiques GlaxoSmithKline, Merck et Sanofi Pasteur MSD.

Ce vaccin permet de prévenir l'apparition de la plupart des cancers du col de l'utérus en protégeant les femmes des papillomavirus humains de types 6, 11, 16 et 18. Pour évaluer l'efficacité de ce vaccin, une vaste étude a été réalisée sur plus de 12 000 femmes âgées de 16 à 26 ans (vivant dans 13 pays différents) qui n'étaient pas infectées par le virus. La moitié a reçu trois doses de ce vaccin et l'autre moitié un placebo (médicament inactif). Après 17 mois de suivi, le premier groupe ne présentait aucune lésion pré-cancéreuse alors qu'on en dénombrait 21 dans le second groupe. Le cancer du col de l'utérus provoque 258 000 décès dans le monde, dont 1 000 en France.

Mais parallèlement aux vaccins préventifs, comme ce vaccin contre le cancer du col de l'utérus, les vaccins thérapeutiques (vaccins conçus pour être utilisés pour combattre les cancers déjà déclarés), après des décennies de recherche, commencent enfin à porter leurs fruits contre le cancer. Aux Etats-Unis, le vaccin Uvidem, à base de cellules dendritiques prélevées chez les patients, a permis de stabiliser la progression tumorale chez dix patients atteints de mélanome. Ce vaccin fait à présent l'objet d'essais cliniques de Phase II sur 50 patients atteints de mélanomes. (Voir article)

De son côté, le Dr Arkadiusz Dudek, de l'Université du Minnesota, a développé avec son équipe un nouveau type de vaccin contre le cancer du rein métastasé reposant sur nouvel Immunogène multivalent large (LMI). Ce vaccin thérapeutique a été mis à l'essai auprès de 61 patients ayant un cancer du rein ou un mélanome malin, offrant des résultats positifs. Chez les patients atteints d'un cancer du rein, le vaccin LMI a pu prolonger le temps avant la progression de la maladie jusqu'à 12,2 mois. Ce chiffre constitue un progrès remarquable comparé à la thérapie standard du cancer du rein (dose élevée d'interleukine-2) qui offre une survie médiane sans progression de 3,1 mois. (Voir article)

Le premier vaccin « ALVAC-CEA/B7.1 » contre le cancer colorectal vient également de donner des résultats prometteurs et devrait bientôt entrer en essai de phase 3. Toujours aux Etat-Unis, un vaccin expérimental contre le cancer du sein a donné des résultats encourageants. Ce vaccin utilise des fragments d'anticorps humains capables de mimer l'antigène associé aux tumeurs HER-2/neu (qui représentent environ la moitié des cancers du sein) pour provoquer une réponse immunitaire puissante qui va éliminer ou stopper la progression de la tumeur. (Voir article)

Les participantes à cet essai ont reçu quatre vaccinations hebdomadaires et elles ont bien répondu à la vaccination. 11 patientes sur 12 ont montré une réaction immunitaire spécifique (attestée par la présence des cellules T spécifiques anti-HER-2/neu), et plusieurs patientes ont développé des anticorps pour combattre les cellules de HER-2/neu. « Ces résultats démontrent pour la première fois que cette vaccination peut avoir une réelle efficacité contre certains types de cancer du sein, » souligne l'auteur de l'étude, Brian J. Czerniecki, de l'université de la Pennsylvanie, qui ajoute « Nous sommes convaincus qu'à terme, ce vaccin pourra non seulement combattre le cancer du sein mais également le prévenir ».

L'enjeu en matière de santé publique est considérable quant on sait qu'aux USA, une femme sur huit aura un cancer du sein au cours de sa vie et que 200.000 nouveaux cas de cancers du sein sont diagnostiqués chaque année. Heureusement, grâce aux progrès thérapeutiques, le taux de mortalité pour ce cancer est tombé en 2006, à 20 % (40.000 patientes).

Enfin, un vaccin expérimental contre le redoutable cancer du pancréas semble améliorer la survie de certains patients. L'équipe du Professeur Laheru a injecté aux patients un vaccin fabriqué à partir de cellules tumorales d'une lignée humaine. Les cellules modifiées portent des protéines caractéristiques du cancer du pancréas, ainsi qu'une protéine destinée à attirer les cellules du système immunitaire sur le site de la vaccination. Un essai clinique impliquant 60 patients a montré que 76 % d'entre eux étaient encore en vie deux ans après la vaccination. Ce taux de survie est presque deux fois plus important que celui qui est généralement observé dans d'autres études. (Voir article).)

Après des décennies de recherche, de nombreux tâtonnements et beaucoup de déceptions, l'obstination des chercheurs commence enfin à payer et l'idée, très ancienne, de vaccins contre le cancer, qui consiste, par différentes méthodes, à stimuler de manière puissante le système immunitaire des malades pour que celui-ci se débarrasse des cellules cancéreuses ou empêchent leur dissémination, montre aujourd'hui sa pertinence.

A côté de la chimiothérapie, de la chirurgie et de la radiothérapie, qui ont, elles- aussi, fait des pas de géants en quelques années, l'immunothérapie est donc en train de devenir un voie très prometteuse pour mieux combattre cette maladie qui reste la plus redoutée des Français. Demain, la combinaison toujours plus précoce et efficace de ces différents moyens thérapeutiques, et leur ajustement au profil génétique des patients, permettront, sinon de vaincre totalement le cancer, du moins d'en faire une maladie chronique qui ne sera plus mortelle.

Mais au-delà de ces extraordinaires progrès thérapeutiques, on ne dira jamais assez que la victoire contre le cancer passera aussi par une prévention généralisée et active dès le plus jeune âge puisqu'on sait à présent qu'au moins deux cancers sur trois, ce qui est considérable, sont provoqués par nos modes de vie : alimentation déséquilibrée, pollution, sédentarité, consommation d'alcool et de tabac. Il est en tout cas certain que la lutte contre le cancer vient de franchir un nouveau cap décisif et que nous devons rester mobilisés pour que, d'ici une génération, on ne meure plus du cancer dans notre pays.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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