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Edito : La télévision interactive, futur moteur de l'internet haut débit ?

La télévision sur les réseaux téléphoniques à haut débit DSL (Digital Subscriber Line) peut concurrencer le câble et le satellite comme la future diffusion numérique terrestre, selon Lucent Technologies. Le fabricant américain de matériel de télécommunications, qui a présenté ses solutions techniques, assure que contrairement aux modes de télédiffusion concurrents, le DSL, qui ne nécessite qu'un décodeur branché sur une prise téléphonique, autorise une interactivité totale. "La télévision sur DSL est une technologie mature. La qualité de diffusion est la même. Le grand avantage du DSL, c'est la voie de retour qui permet une véritable interactivité, ce qui n'est pas le cas avec la diffusion par câble ou par satellite. En outre alors que la TNT est encore dans les limbes, le réseau DSL existe et fonctionne et les premières offres pilotes seront déployées cette année avec un lancement commercial dans le courant de l'année prochaine. Grâce à cette technologie, également développée par Alcatel et Thomson Multimedia, un foyer peut se contenter d'un décodeur branché sur la prise téléphonique pour recevoir le téléphone, l'internet rapide et la télévision, plusieurs chaînes pouvant être diffusées sur divers écrans. L'intérêt pour l'opérateur est double : d'une part la formule coûte moins cher que l'ensemble câble + téléphone + internet. En outre, l'opérateur peut faire des économies sur la facturation. La télévision sur DSL pourrait donc favoriser le développement de l'internet rapide. La France ne compte que 600.000 abonnés DSL et 10% seulement des internautes sont prêts à payer 45 euros par mois pour avoir le haut débit. Cette situation serait due essentiellement à la différence entre le prix élevé de l'abonnement et l'usage réel de l'internet rapide, les utilisateurs se contentant en général de la messagerie électronique, de la navigation web et de quelques téléchargements de fichiers musicaux ou vidéo. Pour sortir de cette situation, les opérateurs ont deux solutions : une segmentation vers le bas avec une offre qui se rapproche du haut débit (750 Kbits/seconde) pour un montant raisonnable de l'ordre de 15 euros par mois et l'adjonction de services multimédias à leur offre d'internet haut débit. Lucent est persuadé que l'usage généralisé du haut débit doit se développer par l'outil qu'est la télévision et notamment par le service de vidéo à la demande dans le cadre d'un bouquet de services proposé par des fournisseurs de services internet. Lucent, très optimiste assure qu'en misant sur la télévision interactive les opérateurs des services internet peuvent porter le revenu par abonné à 90 ou 100 euros par mois mais pour l'instant aucun groupe de télécommunications ou de médias n'a encore annoncé le lancement commercial de la télévision sur DSL en France. En outre si l'idée de faire de la télévision interactive sur DSL le moteur de l'internet haut débit dans les foyers peut sembler séduisante il ne faut pas oublier qu'elle heurte de front les intérêts et les projets similaires des câblo-opérateurs qui cherchent à tout prix à rentabiliser des investissements colossaux qui n'ont jamais porté leurs fruits. En effet il faut rappeler que seul un foyer français sur trois est connectable au câble, ce qui a empêché les opérateurs d'amortir leur infrastructure analogique avant de passer au numérique. Déjà endettés, les câblo-opérateurs ont dû consentir de lourds investissements supplémentaires, environ 300 euros par prise, pour les services numériques permettant d'offrir plus de chaînes, et de fournir un accès à internet. Au total, la facture pour un opérateur câble se situe déjà à 850 euros, par prise raccordable même si le foyer relié ne s'abonne pas ! S'il s'abonne, il faut rajouter 150 euros pour le décodeur et 150 euros pour l'installation. Montant total du ticket d'entrée : 1150 euros par prise. Un investissement difficile à rentabiliser puisqu'il représente prés de deux ans et demi de dépenses d'un abonné, qui dépense environ 40 euros en moyenne par mois. Pour augmenter leurs revenus, les câblo-opérateurs préparent eux aussi des offres de télévision numérique interactive. Il s'agit pour eux de rentabiliser de lourds investissements mais aussi de contrer de nouveaux concurrents : la télévision numérique terrestre (TNT) côté télé, et l'ADSL (haut débit par la ligne téléphonique) côté internet. Mais les exemples anglais et hollandais de télévision interactive et la vidéo à la demande (VOD) sur le câble montrent que ce pari de la TV interactive via le câble n'est pas gagné car ces services sont techniquement complexes et très coûteux et pour l'instant ils ne rapportent rien. La VOD proposée par UPC aux Pays-Bas, permet le chargement des films pendant la nuit, mais elle nécessite des décodeurs très chers, environ 300 euros. Dans ce contexte pour le moins morose et incertain, l'arrivée prochaine de la TNT en France, ne va rien arranger et risque fort de constituer un nouvel obstacle au démarrage et à l'essor de la télévision numérique interactive sur le câble et le DSL, via le téléphone. Si tel était le cas, la TNT supprimerait par la même occasion l'un des principaux moteurs qui pourrait inciter les foyers français à passer au haut débit, sur câble ou sur DSL, pour disposer dans un même "tuyau", à un prix enfin raisonnable, de l'internet rapide, du multimédia, avec la TV interactive, et des télécoms. Une telle perspective serait très grave car elle accentuerait encore le double retard de notre pays, en matière de foyers reliés au Net (30% contre 40% en moyenne pour l'UE) mais aussi en matière d'accès des français à l'internet haut débit, clé du développement des téléservices, du télétravail et de la compétitivité numérique de demain. Dans ce contexte le choix de la TNT, qui rappelons le, ne permet pas une réelle interactivité, apparaît plus que jamais comme dépassé, incohérent et néfaste à terme pour la France. Au lieu de persister dans ce choix démagogique à courte vue, l'Etat, comme vient de le proposer avec sagesse l'ART, doit bien réfléchir aux conséquences de la mise en oeuvre de la TNT et, parallèlement, prendre des mesures qui pourraient permettre le développement rapide, à un prix attractif, de la télévision interactive sur le câble et le DSL et inciter ainsi nos concitoyens à s'abonner rapidement à l'internet haut débit.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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