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Edito : Les robots vont changer la vie des personnes âgées !

La durée de vie moyenne dans le monde a augmenté de plus de 20 ans au cours du dernier demi-siècle, ce qui est sans précédent dans l’histoire de l’Humanité. Actuellement, l’espérance de vie à la naissance a atteint 71,5 ans en 2013 et pourrait dépasser les 80 ans vers 2050. L’une des conséquences de cette évolution démographique est qu’en 2040, la part des plus de 60 ans dans la population mondiale, actuellement de 10 %, devrait grimper à 21 %. Les plus de 80 ans sont le groupe d'âge qui progresse le plus rapidement : il représente aujourd'hui un dixième de l'effectif total des personnes âgées, et ce sera un cinquième d'ici 2050.

Cette proportion de personnes âgées de 80 ans ou plus aura été multipliée par quatre entre 2000 et 2050, pour atteindre les 400 millions à cette échéance. Pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, une majorité d’adultes d’âge mûr auront, au milieu de ce siècle, leurs parents toujours en vie. Quant aux dépenses de prise en charge de la dépendance dans les pays de l’OCDE, elles pourraient être multipliées par 2,5 d’ici 2050, pour atteindre 5 % du PIB en moyenne.

Tous nos pays développés vont donc être confrontés à un défi redoutable : prendre en charge une proportion de personnes âgées et dépendantes qui aura considérablement augmenté à un coût économique et social devant rester supportable pour la collectivité et avec un nombre d’actifs s’occupant des personnes âgées qui sera sans doute deux fois moins important qu’actuellement.

Pour résoudre cette quadrature du cercle, les sociétés développées misent évidemment sur les progrès de la science et de la médecine qui pourront prévenir et retarder les effets du vieillissement. La télémédecine devrait notamment permettre une prise en charge médico-sociale des personnes âgées à la fois beaucoup plus personnalisée et bien plus efficaces qu’aujourd’hui. Mais c’est, sans aucun doute, l’arrivée massive de robots de plus en plus intelligents et polyvalents qui va le plus transformer, pour ne pas dire bouleverser, la vie des personnes âgées.

Grâce aux progrès combinés de l’électronique, de l’informatique et de la mécanique, une nouvelle génération de robots est aujourd’hui en train de s’imposer dans les établissements accueillant les personnes âgées et il ne faut pas en douter : ces robots seront également présents au domicile d’un grand nombre de personnes âgées dans moins de 10 ans.

Le gouvernement de Singapour, qui doit faire face à une population vieillissante, a ainsi commencé à installer des robots dans certaines maisons de retraite. On y trouve notamment Xuan, un «  Robocoach » qui permet aux seniors de faire leurs exercices quotidiens correctement grâce à des capteurs de mouvements. 

Le Japon, pays où la population âgée est la plus nombreuse, mise résolument sur la robotique d’assistance et de confort pour faire face au vieillissement accéléré de ses habitants. En septembre 2014, Honda a ainsi présenté sa dernière version du robot Asimo, un androïde de 130 cm de haut aux capacités véritablement extraordinaires. Ce robot peut non seulement sauter, courir et enjamber les obstacles mais il est également muni de multiples capteurs qui lui confèrent des sens proches de ceux de l'Homme (vision, audition, toucher). Asimo peut ainsi reconnaître des personnes non seulement grâce à leur visage mais aussi au son de leur voix. Cet androïde est également capable de saisir et de manipuler avec une remarquable dextérité une multitude d’objets. Il peut par exemple ouvrir une bouteille en la tenant d'une main et en dévissant le bouchon de l'autre, et verser le contenu dans un gobelet qu'il saisit sur une table.

Début 2015, les chercheurs du laboratoire japonais Riken ont également présenté un autre robot tout à fait étonnant, baptisé Robear. Cette machine, qui ressemble à un ours bienveillant, est capable de prendre délicatement dans ses bras une personne allongée sur son lit ou sur le sol et de la déposer dans un fauteuil roulant.

Robear devrait dans un premier temps aider le personnel soignant dans les hôpitaux et maisons de retraite. Mais, à plus long terme, ce type de robot pourrait devenir un outil irremplaçable permettant le maintien à domicile des personnes âgées dans des conditions optimales de confort et de sécurité.

Aux Etats-Unis, l'Université de Cincinnati a lancé un projet de recherche visant à installer des robots de télésanté et de télé présence dans les maisons de retraite (Voir WCPO). D’ici quelques semaines, chercheurs, médecins et personnel soignant vont travailler ensemble pour introduire une nouvelle génération de ce type de robot dans une résidence pour personnes âgées de l’Ohio. Équipés d’un écran et d’une caméra, ces robots permettent à la fois aux patients de communiquer avec un médecin et à ce dernier de surveiller à distance ses patients. Ce nouveau type de robot pourrait améliorer considérablement la prise en charge des maladies chroniques dont souffrent les personnes âgées, telles que l’insuffisance cardiaque ou  le diabète.

En France, depuis quelques semaines, le petit robot humanoïde intelligent NAO, muni du logiciel Zora (Acronyme flamand de « Zorg Ouderen Revalidatie en Animatie », c’est-à-dire « Soins, revalidation et animation pour les personnes âgées ») circule parmi les résidents et le personnel de l’EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) Lasserre à Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-de-Seine, après avoir réussi une phase de test de 15 jours fin mars.

Entièrement programmable, ce petit robot de 58 centimètres de haut et de 5,4 kg peut se déplacer de manière autonome et est équipé de capteurs qui lui permettent de voir et d’entendre. Zora a été spécialement programmé de manière à pouvoir diriger des exercices thérapeutiques pour stimuler la mémoire, animer des cours de sport ou fournir les principales informations du moment, comme la météo ou le repas du jour. Entièrement autonome, doté de capteurs, il voit, entend et se déplace librement. Ce robot qui a été très rapidement adopté par les résidents s’inscrit dans un projet médical précis visant à stimuler et à préserver des facultés cognitives des personnes âgées. Il peut également accomplir de manière ludique et conviviale toute une gamme de tâches répétitives, allant de la lecture du journal à celle du menu du déjeuner en passant par le programme des activités du jour. Actuellement, 80 de ces robots ont déjà fait leur apparition dans des maisons de retraite aux Pays-Bas et en Belgique et 450 devraient être en service en Europe à la fin de cette année.

Autre expérimentation intéressante : Paro, un robot-phoque qui réagit à la voix et aux caresses, bouge la tête, cligne des yeux, remue la queue ou les nageoires et émet de petits cris quand on lui parle gentiment. Cette machine sophistiquée est actuellement testée par deux établissements pour personnes âgées et dépendantes de Colombes, en région parisienne. Inventé au Japon en 1993 par le Professeur Takanori, Paro est un « robot thérapeutique », conçu pour aider les personnes qui souffrent de troubles du comportement ou de démences. L'idée est de faciliter la communication avec leur entourage. Utilisé dans plusieurs pays européens et notamment au Danemark où il est présent dans de nombreux établissements, il est encore peu répandu en France. Le docteur Alain Seznaki, qui dirige cette expérimentation précise "Cette étude doit porter sur le bénéfice que peut apporter l'intelligence artificielle de ce robot par rapport à une peluche simple, sans intelligence artificielle."

Un autre robot, MILO, développé par la société roboCARE, vient de faire son entrée test dans deux EHPAD de Midi-Pyrénées, à Villeneuve-Tolosane et à la Houlette à Pibrac. Équipé d’une caméra et d’un écran, ce robot est destiné à permettre de rendre visite virtuellement aux personnes âgées. Les familles pourront piloter ces robots à distance pour dialoguer avec leurs proches. En 2016, Milo devrait faire son entrée dans 18 résidences médicalisées pour personnes âgées. Dans chacun de ces établissements, Milo sera pris en main par un animateur qui le pilotera grâce à une tablette et une connexion Wi-Fi. MILO a été programmé pour réaliser des jeux cérébraux, des exercices d’entraînement et des chants. Mais il peut également raconter des histoires, lire les journaux et comprendre certains mots-clés.

Autre exemple de robot de compagnie, Buddy ("copain" en anglais) qui a été présenté à l’occasion du Salon des seniors, en avril 2015. Conçu par la société Blue Frog Robotics, Buddy, qui mesure 50 cm de haut devrait être proposé à un prix n’excédant pas les 1000 €. Pour parvenir à concevoir une machine performante à un coût aussi bas, Buddy a été simplifié au maximum et conçu à partir des usages. Il peut néanmoins s’avérer très utile auprès de différents types d’utilisateurs : la famille (surveiller la maison, détecter des fuites d’eau, de gaz, envoyer des messages à ses propriétaires en cas de problème, cuisiner, réveiller la famille…), les enfants (avec des jeux et des applications éducatives…), les personnes âgées (prévenir les chutes et la perte d’autonomie, rappeler les prises de médicaments). Conçu de façon particulièrement ingénieuse, Buddy est évolutif et modulaire, tant sur le plan matériel que logiciel. Il est notamment possible de compléter et de spécialiser son utilisation en y ajoutant des accessoires. Mais le créateur de Buddy, Rodolphe Hasselvander, a un objectif bien plus ambitieux : permettre à terme de prendre le contrôle de ce robot par la pensée grâce à un casque de télé commande transformant les ondes cérébrales en signaux électriques.

Si ces robots sont appelés à se généraliser dans nos établissements pour personnes âgées ainsi que dans les maisons de retraite, ce n’est pas simplement en raison de la multitude de services qu’ils peuvent rendre mais également parce que notre Pays va lui aussi devoir faire face à un inexorable vieillissement de sa population, ce qui se traduira par une augmentation très forte des besoins en personnel. « Dans notre pays, le XXIème siècle sera le siècle du vieillissement », note le conseiller général du Val d'Oise Luc Broussy dans son  rapport intitulé "l'adaptation de la société au vieillissement de sa population : année zéro !". Il est vrai que, le nombre de personnes âgées de 75 ans ou plus passera de 5,2 millions en 2007 à 11,9 millions en 2060 ; celui des 85 ans et plus de 1,3 à 5,4 millions. Selon les projections de l’Insee, dès 2050, 22,3 millions de personnes seront âgées de 60 ans ou plus, contre 13 millions aujourd’hui, soit une hausse de 80 % en quarante-cinq ans. Quant aux plus de 60 ans, ils représenteront 30,6 % de la population en 2035, contre 22 % aujourd’hui. 

Le problème est que, parallèlement, la part des jeunes de moins de 20 ans diminue : de 24,9 % en 2005, elle passera à 21,9 % en 2050. La population active devrait pour sa part, continuer dans un premier temps à augmenter, passant de 29,4 millions à 31,4 millions de 2010 à 2030. Mais à plus long terme, cette population active devrait se stabiliser, avant de commencer à décroître, pour retrouver son niveau de 2010 et atteindre environ 28,5 millions de personnes à l’horizon 2050, 

On voir donc bien que notre Pays va être confronté à un défi redoutable puisqu’il va devoir prendre en charge un nombre croissant de personnes âgées et très âgées mais que les actifs disponibles seront eux, de moins en moins nombreux à longue échéance. Bien sûr, dans un premier temps, le secteur de l'aide aux personnes âgées devrait créer des centaines de milliers d’emplois en France mais à terme une pénurie de main d’œuvre risque fort d’advenir dans ce domaine. C’est là que les robots sont appelés à jouer un rôle tout à fait majeur, non seulement sur le plan économique, mais également sur le plan social et humain.

Reste cependant une inconnue de taille : celle des conséquences psychologiques, relationnelles et affectives sur les personnes âgées de l’arrivée inévitable de robots humanoïdes intelligents capables de mimer de manière très convaincante des sentiments humains. Les premiers retours d’expérience montrent en effet que, même avec des robots relativement rudimentaires, des liens forts d’attachement peuvent se développer assez rapidement entre ces machines et les personnes âgées qui les côtoient et les utilisent. Dès lors, qu’en sera-t-il dans quelques années lorsque les personnes âgées pourront disposer chez elles en permanence d’androïdes très sophistiqués et programmés pour susciter l’affection et l’empathie ? Cette question est loin d’être anodine et mérite une réflexion collective approfondie.

Si nous parvenons toutefois à mettre en place des garde-fous psychologiques mais également éthiques qui permettent une cohabitation harmonieuse entre les personnes âgées et leurs robots de compagnie et d’assistance, nous assisterons alors à une amélioration sans précédent de la qualité de vie de nos aînés qui pourront conserver jusqu’au terme de leur longue vie une véritable autonomie ainsi qu’une capacité d’action et de création qui transformera en profondeur nos sociétés.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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