Edito : Réchauffement climatique : dernier avertissement !
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Trois études scientifiques récentes, publiées au cours de ces dernières semaines par les meilleurs scientifiques mondiaux, sont venues éclairer d’une lumière nouvelle l’ampleur et la gravité du changement climatique en cours et devraient faire réfléchir tous les responsables politiques. Selon une étude récente publiée dans la revue Nature Communications le 4 avril dernier et intitulée « Le climat s’achemine vers un niveau de forçage radiatif sans précédent depuis 420 millions d’années », si l’humanité continue d’exploiter tous les combustibles fossiles disponibles sur la planète, l'humanité pourrait être confrontée vers l’an 2250 à des niveaux de CO2 jamais atteints dans l’atmosphère depuis la période du Trias, il y a un peu plus de 200 millions d’années (Voir Nature).
Cette étude rappelle que l'évolution du climat de la Terre à l’échelle géologique est principalement déterminée par les variations de l'ordre de l’irradiance solaire totale (TSI) et des changements dans la teneur en gaz à effet de serre de l'atmosphère. L’étude précise ensuite que la lente (50 Wm2) augmentation de la TSI au cours des dernières 420 millions d’années (soit une augmentation de 9 Wm2 de forçage radiatif) a été presque complètement annulée par une baisse à long terme dans l’atmosphère de CO², grâce notamment à l'expansion des forêts et de la couverture végétale qui ont assuré l'habitabilité à long terme de la Terre. Mais si nous continuons à consommer au même rythme les combustibles fossiles, nous risquons d’atteindre après 2050 (c'est demain !) des concentrations de CO² jamais vues depuis le début de l’Eocène, il y a 50 millions d’années. Et si nos émissions de CO² continuent d'augmenter jusqu’au début du XXIIIème siècle, le forçage radiatif qui en résulterait pourrait alors atteindre des valeurs sans précédent depuis 420 millions d’années !
Pour évaluer l’évolution de la concentration en CO² dans l’atmosphère dans le temps, cette équipe de chercheurs de l’Université de Southampton, au Royaume-Uni, a compilé environ 1 500 estimations des niveaux de CO2 dans l’atmosphère dans 112 études publiées : « Même si nous ne pouvons pas mesurer directement les concentrations de CO² sur plusieurs millions d’années, nous pouvons à présent indirectement avoir une bonne idée de l’évolution de cette concentration », souligne le géochimiste Gavin Foster, de l’Université de Southampton, principal auteur de cette étude.
Cette vaste étude confirme que, même si les niveaux de CO2 dans l’atmosphère sont plus bas aujourd’hui qu’ils ne le furent pendant les périodes les plus chaudes de l’histoire de la Terre, ils augmentent à un rythme très inquiétant, puisque la concentration de CO² a augmenté de 43 % depuis le début de l’ère industrielle, passant de 280 parties par million (ppm) à 400 ppm en 2016.
Ces recherches soulignent qu’en raison de son cycle thermonucléaire naturel, notre soleil ne cesse d’augmenter lentement la quantité de chaleur et de lumière qu’il rayonne vers la Terre, même si, heureusement pour l’homme, les forêts, la végétation et les océans ont joué, sur le très long terme, un rôle remarquable « d’amortisseur », permettant à la concentration atmosphérique du CO² de ne pas atteindre des valeurs extrêmes.
Le problème est que, depuis deux siècles, la consommation mondiale d’énergies d’origine fossile a littéralement explosé et, qu’au rythme actuel de progression de l’utilisation de ces énergies, nous pourrions dépasser les 2 000 ppm de CO² d’ici à 2250, des niveaux inégalés depuis le Trias (une période géologique particulièrement chaude et sèche qui va de – 252 à – 201 millions d’années et fut marquée par l’apparition des dinosaures et la disparition complète des glaces, y compris aux pôles). Dans cette hypothèse tout à fait sérieuse, l'humanité assisterait, en trois ou quatre siècles tout au plus, à un basculement climatique d’une ampleur considérable - de l’ordre de 5 degrés - sur une période aussi courte à l’échelle géologique…
Le dernier rapport de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), publié le mois dernier, ne fait malheureusement que confirmer l'ampleur et la rapidité de ce changement climatique mondial (Voir WMO) et nous indique que la hausse de la température par rapport à l'époque pré-industrielle atteint, 1,1°C, soit 0,06°C de plus que le record précédent établi en 2015. Cette étude montre par ailleurs qu’aucune région du monde n'est épargnée par ces températures extrêmes : 42,7°C à Pretoria et 38,9°C à Johannesburg en janvier, 44,6°C en Thaïlande, et 51°C ont été atteints à Phalodi, en Inde. Au Moyen-Orient, on a atteint 54°C à Mitribat, au Koweït. Enfin, dans certaines régions de l'Arctique (Russie, Alaska, Canada), la température moyenne annuelle a excédé de plus de 3°C la moyenne des 40 dernières années.
Une des conséquences de l’accélération du réchauffement planétaire est que le niveau de la mer ne cesse d'augmenter : plus 1,5 centimètre de fin 2014 à début 2016. Parallèlement, les travaux de l’OMM montrent que l’eau des océans est de plus en plus chaude, ce qui accélère la destruction des coraux et perturbe l’ensemble de la chaîne alimentaire et les écosystèmes marins.
La banquise, on ne s’en étonnera guère, se cesse également de se réduire comme peau de chagrin : en 2016, le déficit de banquise au niveau mondial a atteint les 4 millions de km², ce qui constitue, selon l’OMM, une situation sans précédent. Les chercheurs de l’OMM soulignent également que, malgré le déclin d’El Niño, phénomène climatique naturel périodique qui provoque un réchauffement des eaux du Pacifique et entraîne des sécheresses et des précipitations supérieures à la normale, les températures moyennes en ce début 2017 sont presque aussi élevées que celles enregistrées en 2016 alors qu'El Nino atteignait son paroxysme. Résultat : 2016 a été confirmée comme l'année la plus chaude enregistrée sur la planète depuis le début des relevés de température en 1880 et notre planète a déjà enregistré depuis le début de ce siècle cinq années de chaleur record en 2005, 2010, 2014, 2015 et 2016. « Même sans un puissant El Nino en 2017, nous voyons des changements remarquables s'opérer partout sur la planète, et qui nous interrogent sur les limites de notre connaissance du système climatique. Nous sommes désormais en territoire inconnu » précise David Carlson, directeur du programme mondial de recherche sur le climat de l'OMM.
Cette situation est d’autant plus inquiétante que plusieurs autres études ont par ailleurs montré que le « puits de carbone » que représentent les océans du globe aurait vu sa capacité de stockage globalement stagner, voire diminuer, au cours des 60 dernières années. Quant au rôle stabilisateur de la végétation, une étude réalisée par la Western Sydney University, associant des chercheurs de l'Inra, vient remettre en cause la capacité généralement admise des arbres à stocker les émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ces travaux ont en effet montré que, dans les forêts tropicales, de nombreuses variétés d’arbres ne sont pas en mesure de stocker autant de carbone qu'on ne l'imaginait jusqu'ici.
Cette étude montre notamment que les forêts d'eucalyptus emblématiques de l'Australie sont susceptibles d'avoir besoin d'éléments nutritifs complémentaires pour assurer leur croissance et profiter du dioxyde de carbone supplémentaire disponible dans l'atmosphère. Ces résultats sont très importants car ils remettent en cause les principaux modèles climatiques actuels qui considèrent que la hausse de la concentration du CO2 dans l'atmosphère favorise la croissance des arbres et permet une plus grande l'absorption de ce dioxyde de carbone.
Et pour ceux qui pensent encore que ce changement climatique majeur n’aura pas d’impact significatif sur les sociétés humaines, l’ONU, s’appuyant notamment sur les travaux du Giec, rappelle que le nombre de réfugiés climatiques pourrait passer, sous l’effet de la recrudescence des catastrophes et événements météorologiques extrêmes, de 80 millions en 2010 à 250 millions en 2050. L’ONU souligne également que ces réfugiés climatiques sont à présent plus nombreux que les réfugiés de guerre et que l’amplification attendue de ces déplacements massifs de populations va exacerber les tensions et les risques de conflits entre états.
Mais ce réchauffement climatique accéléré risque également de remettre en cause la diminution considérable de la sous-alimentation et de la malnutrition observée au niveau mondial depuis 40 ans. Rappelons qu’aujourd’hui il y a environ 795 millions de personnes sous-alimentées dans le monde, selon les derniers chiffres de la FAO. On mesure mieux le chemin parcouru lorsqu’on rappelle que la part de la population mondiale exposée à la sous-alimentation est passée de 30 % en 1980 à moins de 13 % aujourd’hui. Mais l’Onu estime que cette évolution tendancielle très positive est menacée par le changement climatique et que près de 600 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de malnutrition d’ici 2080, à cause du dérèglement du climat.
La Banque mondiale estime pour sa part, dans un rapport publié en novembre 2015, que plus de 100 millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans l’extrême pauvreté si les objectifs de réduction des gaz à effets de serre définis par les accords de Paris, fin 2015, ne sont pas tenus. Cette institution internationale souligne que l’accélération prévisible des événements extrêmes (sécheresses et inondations) va avoir un impact non négligeable sur les rendements et la productivité agricoles dans les pays les plus pauvres, ce qui risque notamment d’entraîner une augmentation du prix des denrées alimentaires qui pourrait aller jusqu’à 70 % à l’horizon 2080.
La Banque mondiale souligne également que le réchauffement climatique risque d’avoir des conséquences médicales et sanitaires considérables d’ici la fin de ce siècle en augmentant l’incidence des maladies sous l’effet de vagues de chaleur et d’inondations. Une élévation de seulement 2° de la température moyenne mondiale se traduirait par exemple par une hausse de 150 millions du nombre de personnes exposées au paludisme. L’Organisation mondiale de la santé confirme pleinement l’impact du changement climatique et estime, pour sa part, que deux milliards de personnes supplémentaires pourraient être exposées au risque de transmission de la dengue d’ici les années 2080. L’OMS rappelle par ailleurs que les maladies diarrhéiques, qui touchent environ 1,7 milliard de personnes chaque année dans le monde et sont l’une des causes principales de mortalité chez les jeunes enfants, pourraient augmenter de 10 % d’ici 2030.
Enfin, plusieurs études scientifiques récentes montrent qu’une espèce animale sur six pourrait disparaître de la surface de la terre si le rythme actuel des émissions de gaz à effets de serre se poursuit. Une étude publiée en mai 2015 dans la revue « Science » estime que 5,2 % des espèces risquent de disparaître si la température moyenne augmente de 2° au cours de ce siècle, mais souligne que ce taux de disparition pourrait atteindre 16 %, dans l’hypothèse nullement improbable d’une augmentation de 4,3 degrés d’ici 2100.
Dans une nouvelle étude publiée le 13 avril dernier dans « Nature Communications », des chercheurs de l’International Institute for Applied Systems Analysis, dont le chercheur français Philippe Ciais, ont employé un modèle mondial du système carbone qui tient compte du relâchement du CO2 et des émissions via les activités naturelles et d’origine humaine.
Cette étude démontre que les systèmes combinés touchant à l’énergie et à l’utilisation des terres devraient mener à des émissions nulles avant 2040 pour s’assurer de la possibilité d’atteindre la cible de 1,5 degré Celsius d’ici 2100 (Voir Nature Communications). Toujours selon ces travaux, il est impératif de réduire à moins d’un quart, contre 95 % aujourd’hui, la part des combustibles fossiles dans le mix énergétique mondial d’ici 2100. Parallèlement, malgré un moins bon rendement de ces actions, cette étude souligne qu’il faut également parvenir à stopper la déforestation. Seules ces actions cumulées permettraient de réduire de 42 % les émissions cumulées de gaz à effet de serre d’ici la fin du siècle, comparativement à un scénario de poursuite des activités humaines sur la pente actuelle…
Ces recherches ont pris en compte quatre scénarios possibles de mutation énergétique mondiale. Dans le scenario reposant largement sur l’énergie verte, la production solaire, éolienne et s’appuyant sur la bioénergie augmenterait d’environ 5 % par année, et les émissions polluantes atteindraient leur pic vers 2022. Mais cette perspective mènerait malgré tout à une hausse mondiale des températures de 2,5 degrés.
Pour les chercheurs de réputation internationale qui ont réalisé cette étude, la réduction drastique des énergies fossiles et le développement massif des énergies renouvelables ne suffiront pas à atteindre les objectifs des accords de Paris et il faudra également que la planète réduise d’au moins 25 % sa consommation globale d’énergie primaire, de façon à ce que la consommation d’énergie par habitant (en tenant compte de l’augmentation prévisible de la population mondiale) passe de 1,7 à moins d’une tonne d’ici 2050.
On peut certes se réjouir de la stagnation des émissions mondiales de CO² depuis 2013 mais cette tendance, qui marque peut-être un tournant historique, est loin d’être suffisante pour atteindre les objectifs indispensables de réduction massive de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. L’humanité a en effet déjà consommé 70 % de son « budget carbone » et sans une rupture économique, sociale et technologique majeure, elle aura épuisé le solde de ce budget avant le milieu de ce siècle, entraînant le climat mondial dans un basculement incontrôlable aux conséquences dévastatrices.
La communauté scientifique dans son ensemble est à présent d’accord pour considérer que, même un développement tout à fait massif des énergies renouvelables au cours des prochaines décennies ne permettra pas de réduire suffisamment les émissions humaines de gaz à effet de serre et de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°. Il faut donc que l’humanité parvienne à diminuer sensiblement « à la source » sa consommation énergétique globale, sans renoncer à l’objectif tout à fait justifié d’une élévation indispensable du niveau de vie et de confort de tous les êtres humains.
Cet objectif ambitieux est à notre portée si nous réorientons nos efforts d’innovation et de recherche de manière à améliorer considérablement l’efficacité énergétique de tous les systèmes qui composent nos sociétés : industrie et transport bien sûr mais également logement, loisirs et agriculture. Mais qu’on s’y trompe pas, la seule innovation technologique ne suffira pas à atteindre ce but essentiel pour la survie de notre espèce et nous devons également innover dans les domaines économiques et sociaux, c’est-à-dire repenser complètement l’organisation de nos sociétés pour parvenir à ce saut planétaire en matière de « sobriété productive ».
Le temps est venu de passer à l’utilisation massive et synergique des technologies numériques, des biotechnologies, des nanotechnologies et de l’intelligence artificielle pour que les immenses quantités d’informations que produit à présent l’humanité soient enfin utilisées à bâtir une civilisation humaine de l’efficience, reposant sur la créativité individuelle et le bien-être collectif.
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
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- Publié dans : Climat
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Lesage
28/04/2017Le constat est élémentaire. Tous les ennuis de la planète sont causés par la surpopulation. Pourtant, personne ne semble vouloir affronter ce problème.
La solution est pourtant simple : diminuer la population. Mais est-ce que vous imaginez un politique dire à ses électeurs : "faites moins d'enfants" ?
Il ne reste plus à la planète qu'à régler elle-même ce problème avec une grosse catastrophe...
La censure sévit-elle encore ?
J.T.
1/05/2017Au delà de l'alerte nécessaire, et des mesures courageuses à prendre de réduction des populations urbaines..., et de fabrications technologiques entraînant plus de CO2..., admettons que la nature a bien plus de souplesse que nous !
- https://agroforesteriejardin.wordpress.com/2017/05/01/limportance-daugme...
Encore faut-il que les gouvernements arrêtent de se regarder le nombril et agissent mondialement sur le terrain, sans prétexter un chômage urbain inévitable en refusant d'aider et d’enseigner correctement les paysans de tous pays pour qu'ils comprennent les réels enjeux d'AGROFORESTERIE RETENUE !§!