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Edito : La presse en ligne va t-elle devenir payante?

Dans le contexte actuel de crise économique et financière, la presse et l'information en ligne vont-elles devenir payantes ? La question est sérieusement posée et partout des journaux et revues expérimentent de nouveaux modèles économiques qui visent à faire payer, au moins en partie, l'accès à leur contenu en ligne par les lecteurs.

Après avoir affirmé que la formule de la presse en ligne gratuite financée par la publicité était nettement plus rentable que le modèle payant, Rupert Murdoch a changé d'avis et vient d'annoncer la fin de la gratuité du Wall Street Journal en ligne d'ici à l'automne prochain. Le célèbre New York Times est également à la recherche d'un nouveau modèle économique pour équilibre ses comptes dans le rouge et valoriser son contenu en ligne.

L'idée retenue pour l'instant consiste à permettre au lecteur d'accéder à un nombre prédéterminé de contenus gratuits avant de basculer en mode payant. La difficulté principale de ce modèle vient de l'équilibre à trouver entre le nombre de contenus gratuits et le nombre de payants. Un accès gratuit trop limité pourrait faire fuir les lecteurs.

Mais il reste à trouver un équilibre entre des portails gratuits très réactifs grâce au contenu enrichi par les internautes et une presse payante qui doit offrir une véritable valeur ajoutée. En Italie, plusieurs journaux ont pris avec succès le virage de l'édition en ligne payante : le quotidien romain La Repubblica qui vend son édition en ligne depuis 2002 et propose une autre version payante disponible sur les téléphones portables depuis quelques mois.

Les médias devront nécessairement miser non plus sur « la vitesse » de la nouvelle mais plutôt, sur la façon de la donner » expliquait récemment le journaliste Stefano Carli dans une analyse publiée sur le quotidien La Repubblica.

En d'autres termes, les portails gratuits, comme Twitter et Facebook, seront toujours les premiers dans la course à l'information grâce aux contributions des internautes. En revanche, seuls les journaux seront en mesure de fournir des articles de fond, des analyses structurées ou encore le dessous des cartes.

C'est sur cette conviction que repose la future formule payante du Wall Street Journal qui prévoit l'introduction sur le site, de contenus dits « premium » comme pour la télévision numérique. En outre, il est bien plus intéressant pour le lecteur de souscrire un abonnement annuel d'une centaine de dollars lui donnant accès à l'intégralité du contenu d'un journal plutôt que d'utiliser les « micro paiements » pour l'achat d'articles à l'unité.

En fait, trois modèles sont en train d'être expérimentés et vont sans doute coexister et se combiner dans l'avenir. Le premier est celui du livre électronique connecté à un réseau sans fil qui autorisera une dématérialisation complète des publications et des systèmes transactionnels.

Avec l'arrivée du géant Google sur ce secteur (Voir article dans notre rubrique « Informations »), le prix des livres électroniques va rapidement rejoindre le coût de recrutement d'un abonné à un quotidien ou un hebdomadaire, et il deviendra rentable pour les éditeurs de les donner en échange d'un engagement sur deux ans par exemple. C'est exactement ce qui s'est passé avec les téléphones portables aujourd'hui largement subventionnés par les opérateurs.

Le deuxième modèle est celui du micropaiement de type « iTunes » reposant sur le système du kiosque multi-éditeurs, combiné à un système de paiement agrégé qui rend viable des petites transactions. Le New York Times est tenté par un tel système mais ce modèle doit faire la preuve de sa viabilité.

Le troisième modèle repose sur un système hybride : une partie du contenu accessible gratuitement et une autre, plus spécifique, payante.

En France, l'échec de la version électronique du journal "Les Echos" montre que la presse dématérialisée cherche encore sa voie et que l'avenir n'appartient pas aux terminaux numériques dédiés mais à la lecture multi-support : demain le lecteur voudra pouvoir lire son journal préféré sur son ordinateur portable puis poursuivre sa lecture sur son PDA ou son smartphone et, arrivant dans sa voiture, terminer en version « audio » la consultation d'un article.

Quant au montant du paiement que le lecteur sera disposé à consentir, il sera fonction de la valeur ajoutée cognitive qui accompagnera les informations en ligne. Et cette valeur ajoutée devra être personnalisée en fonction des besoins précis du lecteur à un instant donné. C'est précisément cette mutation d'une économie de l'information vers une économie de la connaissance qui, 20 ans après la naissance du Web, se déroule sous nos yeux.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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