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Edito : La photonique, enjeu technologique majeur de ce siècle

Avec la spintronique, dont nous avons récemment évoqué l'impact sur l'électronique de demain, la photonique constitue l'un des prochains sauts technologiques qui apportera une rupture majeure tant pour le secteur des télécommunications que celui de l'informatique. Au même titre que le microprocesseur a révolutionné l'électronique à partir de 1971, la transmission d'information fondée sur l'optique est sur le point de devenir le fondement de la prochaine vague d'innovations. La photonique - la génération et la transmission de lumière - a des applications dans presque tous les secteurs industriels : la technologie d'imagerie, les technologies de l'information, le secteur industriel, la santé.

En matière informatique, les chercheurs d'Intel ont récemment annoncé dans la revue Nature avoir développé un modulateur optique à base de silicium, opérant à une fréquence de 1 GHz, 50 fois plus élevée que les précédents records. Il devient donc imaginable d'appliquer la loi de Moore aux modulateurs optiques, c'est-à-dire d'en augmenter la puissance, d'en miniaturiser la taille et la consommation électrique, d'en réduire le coût, et ainsi d'intégrer la fibre optique à tous les niveaux de la chaîne numérique, depuis le coeur d'un ordinateur jusqu'aux communications longue distance. L'optique et le photon, après avoir conquis les télécommunications, vont progressivement envahir nos ordinateurs pour en décupler les performances. La substitution du photon à l'électron dans nos ordinateurs représente toutefois un gigantesque défi technologique car il faut concevoir et réaliser de nouveaux types de transistors, de composants de mémoires, de circuits, capables d'utiliser pleinement toutes les potentialités de cette fascinante particule élémentaire, constituant de base de la lumière, qui se comporte tantôt comme une particule « ponctuelle », tantôt comme un onde diffuse. Parmi les propriétés surprenantes du photon, certaines pourraient s'avérer très utiles en informatique, comme par exemple le fait que plusieurs faisceaux de photons peuvent se croiser sans interférer.

Tout récemment, une nouvelle étape importante dans le domaine de la photonique a été franchie par des chercheurs français. En bombardant des protéines de poulet avec un rayon laser, des chercheurs strasbourgeois ont peut-être mis au point le disque dur de l'avenir : la "mémoire holographique" qui pourra stocker l'équivalent de 27 DVD sur un fin support de la taille d'un CD.

Baptisée "hypermémoire diffractive", cette technique fait appel à des protéines animales qui stockent les données en se déformant sous l'effet d'un rayon laser, lui-même modulé en fonction des données à enregistrer, explique Patrick Meyrueis, le directeur du laboratoire de photonique à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg.

Ainsi déformées, les molécules issues des volailles, déposées sur un support de verre ou de plastique, forment une image holographique qui pourra ensuite être lue au moyen d'un laser. Ces données sont inscrites grâce à la lumière et stockées dans une image holographique qui contient 128 gigaoctets.

Pour l'instant, ce type de mémoire holographique n'est pas réinscriptible mais les chercheurs étudient parallèlement les effets de la lumière sur d'autres protéines, notamment celles contenues dans les algues, pour tenter de mettre au point une mémoire holographique, réinscriptible à volonté. Ils obtiendraient alors des disques durs de très grande capacité, accessibles à très grande vitesse.

Le procédé, dont le fabricant japonais d'électronique Pioneer a déjà acheté le brevet, n'est qu'une facette parmi d'autres des applications de la photonique, science étudiant les potentialités technologiques de la lumière.

Dans les laboratoires strasbourgeois, les chercheurs planchent ainsi sur un microphone "optique" ultrasensible, fonctionnant grâce aux interférences provoquées par le son sur la propagation de la lumière dans les fibres optiques. Sur le même principe, ils mettent au point un sismographe photonique, capable de détecter d'infimes mouvements telluriques en étudiant leur impact sur la propagation d'un rayon lumineux.

D'autres chercheurs en photonique, notamment à Paris, ont mis au point des lentilles extra plates "liquides", constituées d'une goutte d'eau déposée dans de l'huile entre deux lames de verre. Soumise à une impulsion électrique, la goutte d'eau est capable de "faire le point" sur l'objet placé devant elle, ouvrant la voie à l'adjonction de lentilles autofocus extra-plates dans les appareils photo numériques miniaturisés des téléphones portables.

"La photonique sera la science du XXIe siècle, comme l'électronique fut celle du siècle dernier", assure le Professeur Meyrueis. Dans la médecine, l'astronautique, l'informatique ou les technologies du son et de l'image, ses applications sont immenses.

Mais comme pour la spintronique, les applications de la photonique dans notre vie quotidienne seront étroitement liées aux efforts financiers qui seront consentis en matière de recherche théorique et fondamentale. Nous devons donc, au niveau national comme au niveau européen, nous donner les moyens de rester dans cette course technologique capitale qui fera du photon le grand vecteur unificateur des télécommunications, de l'informatique et du multimédia à l'horizon 2030.

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