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Edito : Les nouvelles technologies de l'information vont transformer nos démocraties

L'Estonie, décidemment à la pointe des technologies de l'information, a encore innové au niveau européen en lançant le vote par Internet pour tous, à l'occasion des récentes élections municipales. A l'occasion de ce scrutin local, les électeurs estoniens dans tout le pays ont eu la possibilité de voter avec leur ordinateur de chez eux ou bien de leur bureau. Pour voter, il faut se connecter à un site Internet sécurisé et utiliser sa carte d'identité électronique que l'on introduit dans un lecteur de carte.

Quelque 60 % des 1,33 millions d'Estoniens ont une carte d'identité électronique, munie d'une puce et d'un code secret comme une carte bancaire. L'Estonie est désormais l'un des pays les plus avancés dans l'utilisation au quotidien des hautes technologies dans l'Union européenne. A Tallinn, la majorité des automobilistes n'utilisent plus de pièces pour régler leur stationnement. Ils paient directement par SMS avec leur téléphone mobile. Prochaine étape : la généralisation du vote en ligne pour les prochaines élections législatives prévues en 2007.

Plus près de nous, nos voisins suisses sont aussi des pionniers du vote par Internet dans leurs scrutins locaux. Deux cantons, Genève et Neuchâtel, ont lancé des expériences pilotes pour permettre aux électeurs qui le souhaitent de répondre "oui" ou "non" aux innombrables questions qui leur sont posées par référendum plusieurs fois par an. La petite commune d'Anières, près de Genève, a ouvert la voie en janvier 2003 avec une "votation" sur la nécessité ou non de rénover un bâtiment public : gros succès pour l'Internet qui a alors été choisi par 44 % des électeurs. Depuis, sur les huit scrutins qui ont suivi dans les 14 communes qui ont tenté l'expérience, l'Internet a été choisi par 20 % à 25 % des électeurs", selon un responsable du gouvernement genevois. L'ouverture des scrutins à l'Internet permet de stimuler la participation, si l'on en croit les résultats du référendum du 25 septembre 2005, dans le canton de Neuchâtel. Celui-ci s'est livré à une première expérience de "cybervote" auprès de 1.732 électeurs : 68 % des inscrits ont voté, contre 60 % pour la moyenne cantonale. Cette expérimentation a confirmé que le vote en ligne permettait de soutenir la participation électorale en ranimant l'intérêt des jeunes pour la politique.

Sur le plan pratique, le vote en ligne est simple : l'électeur reçoit par courrier papier un code d'accès qui lui permet de valider son vote à l'aide de son ordinateur. La confidentialité est totale, les données étant cryptées d'un bout à l'autre de la ligne. Dans les communes genevoises ouvertes au vote électronique, le cybervote est le premier choix des moins de 50 ans, devant le vote par correspondance, possible dans les trois semaines qui précèdent le scrutin, et le déplacement aux urnes. Autre constatation remarquable, ceux qui ont essayé une fois le vote par Internet y restent fidèles à plus de 90 % pour les consultations suivantes.

Mais nos voisins helvètes, s'appuyant sur leur pratique multiséculaire de la démocratie directe, ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin et s'apprêtent à tester le vote par SMS en première mondiale. Trois communes de Zurich vont tester le vote par voie de SMS sur téléphone portable lors des votations du 27 novembre 2005. Concrètement, les électeurs concernés reçoivent un code confidentiel par courrier, en même temps que leur carte de légitimation. Un code qu'ils envoient par SMS, à un numéro défini, depuis leur téléphone portable. Puis ils introduisent un chiffre correspondant à leur choix (oui ou non) sur les objets de votations. Une expérience de ce genre a déjà été menée à l'Université de Zurich, et le système a été testé plusieurs fois lors de votations fictives.

Le Conseil fédéral a approuvé en octobre 2005 la série d'essais pilotes de votes électroniques, qui incluent le téléphone portable comme instrument de vote. Les artisans de ces projets perçoivent un véritable avenir pour ce système de vote par Internet et par SMS sur téléphonie mobile : «Plus de 90 % des 15-65 ans ont un téléphone portable en Suisse et plus de 60 % des personnes au-delà de 65 ans. Les autorités suisses sont donc persuadées que le vote par SMS possède un immense potentiel, et pourrait même détrôner à terme le vote par l'Internet en raison de sa facilité et de sa souplesse de mise en oeuvre.

En France, à l'occasion du référendum sur le traité pour une Constitution européenne, le 29 mai dernier, le vote électronique, autorisé depuis juin 2004, a gagné 837 bureaux de votes, sur les 64.700 bureaux de vote français et une soixantaine de villes ont utilisé des machines à voter à l'occasion du référendum, contre 18 en juin 2004. Mais le vote en ligne ou par SMS restent, pour leur part, exceptionnels dans notre pays, car ils se heurtent encore au problème clé de la sécurisation du scrutin. Pourtant, ces deux nouveaux moyens de voter sont les seuls qui permettent aux électeurs de voter sans se déplacer jusqu'au bureau de vote, ce qui constitue une puissante incitation à la participation électorale.

Au regard des expérimentations très concluantes chez nos voisins européens, notre pays devrait se donner les moyens de mettre en oeuvre rapidement, pour l'ensemble des scrutins, le vote en ligne et le vote par SMS afin de ne pas rater le train de la démocratie électronique qui va profondément transformer le fonctionnement et même la nature de nos démocraties en y introduisant une dimension réticulaire et interactive et en offrant de nouveaux modes d'expression démocratique. Souhaitons que notre pays prenne toute la mesure de cette mutation techno-politique historique et en accélère l'avènement afin d'inciter tous nos concitoyens à s'impliquer dans la vie politique et de les réconcilier avec leur démocratie.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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