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Edito : Les nouvelles frontières de la vie

Depuis toujours, l'homme s'est posé la double question de l'origine et de la nature de la vie. Les extraordinaires progrès intervenus dans les sciences du vivant depuis 50 ans viennent éclairer cette question essentielle et fascinante d'une lumière nouvelle. On se souvient des célèbres expériences de Miller à Chicago, dans les années 50, qui avait réussi à recréer en laboratoire les conditions de la "soupe primitive", qui existait sur Terre au moment de l'apparition de la vie, et qui avait montré que ces conditions étaient propices à la formation des acides aminés qui constituent les "briques" de base du vivant. Depuis 50 ans, la plupart des grands scientifiques se sont interrogés, dans des livres souvent devenus très célèbres, sur cette question de l'origine et de la nature du vivant. On pense bien sûr à Schrödinger et son fameux essai "Qu'est ce que la vie" publié en 1945, mais aussi à Monod avec "Le hasard et la nécessité" en 1970 ou encore à la "Logique du vivant" de François Jacob. Aux Etats-Unis vient de paraître un ouvrage, "Terre unique", co-signé du paléontologue Peter Ward et de l'astronome Donald Brownlee, qui rouvre la question de l'origine de la vie et du caractère unique ou non de cette vie dans l'univers. Ces deux scientifiques estiment en effet que l'émergence d'une forme de vie évoluée comme la nôtre est un formidable concours de circonstances, résultat d'un hasard particulièrement heureux. Ward et Browlee insistent bien sur le fait que leur thèse n'est pas que la vie est un phénomène exceptionnel, au niveau cosmique, mais qu'il a fallu des circonstances exceptionnelles pour que la vie, telle qu'on la connaît, apparaisse et se développe sur terre : une distance par rapport au Soleil assurant une eau liquide, une masse suffisante pour retenir l'atmosphère et les océans, une tectonique des plaques pour développer une diversité biotique, un satellite pour stabiliser les oscillations et ainsi limiter de trop grands écarts de température, une orbite stable et enfin une quantité suffisante de carbone. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'il existe des êtres humains ailleurs que sur notre Terre. Pourtant, même en se bornant à l'étude de la seule forme de vie que l'on connaisse, celle reposant sur la chimie du carbone, deux découvertes récentes montrent que le débat est loin d'être clos. Il s'agit tout d'abord de la découverte, par des chercheurs australiens, dans le grès du fond des océans, d'organismes vivants d'une taille extraordinairement petite, comprise entre 20 et 150 nanomètres(voir article de la lettre 82, rubrique biologie “ Y a t-il une vie dans le nanomonde ? ” http://www.tregouet.org/lettre/index.html).Cette découverte étonnante est à mettre en relation avec l'observation de ce qui pourrait être de minuscules traces de vie fossilisées, observées il y a quatre ans sur une météorite provenant de Mars. L'autre découverte tout à fait troublante est due à l'astronome Sun Kwok, de l'Université de Calgary, au Canada (voir article de la lettre 80, rubrique biologie “la chimie au coeur des étoiles” http://www.tregouet.org/lettre/index.html ).Celui-ci, en mesurant le spectre de diverses étoiles à des stades de développement avancés, mais très voisins, a constaté que celles-ci synthétisent de grandes quantités de molécules organiques en quelques milliers d'années seulement. Ces molécules organiques qui constituent la base des sucres et des acides aminés pourraient être expulsées vers l'espace interstellaire. Elles entreraient donc un jour ou l'autre dans la fabrication de nouvelles planètes et l'on peut penser que si elles s'y trouvent en quantités importantes, cela ne peut que favoriser l'apparition de la vie. Que nous disent ces découvertes ? Que la vie telle qu'on la connaît est capable d'apparaître, de se développer et de perdurer dans des conditions extrêmes tout à fait extraordinaires. Il se pourrait donc que l'apparition de la vie, telle que nous la connaissons, soit en réalité un phénomène infiniment moins rare, au niveau cosmique, que nous l'imaginons. Bien entendu, comme le soutiennent Ward et Browlee, il est très peu probable que la vie ayant pu apparaître sur d'autres planètes ait suivi le même chemin évolutif jusqu'à l'homme car les conditions de son développement auront été différentes. Mais cela n'exclut nullement, sous la pression sélective, l'apparition de formes de conscience et d'intelligence supérieures. Enfin pourquoi exclure, si l'on considère les propriétés étonnantes d'auto-organisation de la matière, le développement de formes de vie et d'intelligence ne reposant pas sur la chimie du carbone ? En tout état de cause les récentes avancées de la science nous amènent à revoir notre conception du vivant et à intégrer sa double dimension nanoscopique et cosmique.

René TREGOUET

Sénateur du Rhône

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