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Un nouveau régime pour freiner la maladie d’Alzheimer ?

Des scientifiques français ont découvert un déficit métabolique qui serait à la base des troubles cognitifs liés à Alzheimer. De quoi espérer à plus long terme une possible approche thérapeutique visant à retarder l'apparition des symptômes de la maladie grâce à une supplémentation alimentaire.

Faute d’avoir vraiment compris les mécanismes de cette pathologie neurodégénérative, la recherche d’un traitement capable d’enrayer la maladie d'Alzheimer est jusqu'ici restée dans l'impasse. Un échec en partie lié au fait que les solutions thérapeutiques envisagées s'adressent avant tout aux patients dont les lésions cérébrales et les symptômes cognitifs sont déjà très avancés. Ne serait-il pas plus efficace de s’y attaquer dès l’installation des premiers troubles ?

Remarquant que plusieurs études d’imagerie mettaient en évidence une diminution de la consommation de glucose dans le cerveau à un stade très précoce de la maladie, « nous avons cherché à déterminer si cette altération du métabolisme du glucose, qui constitue la principale source d'énergie des neurones, était bien à l'origine de troubles cognitifs pour, le cas échéant, tenter d’identifier les mécanismes moléculaires qui entrent en jeu », explique Gilles Bonvento, directeur-adjoint du Laboratoire des maladies neurodégénératives de Fontenay-aux-Roses.

Pour ce faire, son équipe a donc initié une collaboration avec des chercheurs du Neurocentre Magendie de Bordeaux afin d’étudier le rôle des astrocytes, des cellules cérébrales, dites gliales, que l’on a longtemps cantonnées au rôle de support des neurones, mais dont on sait maintenant qu’elles assurent toute une palette de fonctions clés régulant la transmission de l'information dans le cerveau.

« Par l'intermédiaire des vaisseaux sanguins avec lesquels ils sont connectés, les astrocytes captent le glucose avant de le transformer en différents métabolites dont l'acide aminé L-Sérine, précurseur de la D-sérine », détaille Aude Panatier, neurobiologiste travaillant dans l’équipe de Stéphane Oliet au Neurocentre Magendie. « Cette D-Sérine joue ensuite le rôle de gliotransmetteur dans l’hippocampe où, une fois libérée au niveau des synapses, elle vient se fixer sur les récepteurs neuronaux NMDA qui jouent un rôle essentiel dans l'apprentissage et la mémorisation ».

Dans leur étude, Aude Panatier et Gilles Bonvento ont cherché à savoir si un manque de D-Sérine pouvait être responsable des symptômes apparaissant dans les premiers stades de la maladie d'Alzheimer. Chez un groupe de jeunes souris génétiquement modifiées pour disposer d’un modèle animal de la maladie, les chercheurs ont commencé par déterminer la consommation de glucose dans plusieurs régions du cerveau dont l'hippocampe, siège de la mémoire spatiale. Ils ont par ailleurs quantifié la dégradation du glucose dans les astrocytes tout en mesurant la production de D-Sérine et de L-Sérine.

Les résultats de ces analyses ont montré que « les animaux modèles de la maladie d’Alzheimer présentaient une diminution de l'absorption du glucose dans les zones cérébrales étudiées ainsi qu'une plus faible production de L-sérine et de D-sérine », précise Gilles Bonvento.

Tandis que le nombre de synapses mobilisées était équivalent chez les deux groupes de rongeurs, une diminution de l’activité des récepteurs NMDA était néanmoins observée chez les souris transgéniques. « Cette première série de résultats tendait à montrer que la perte de plasticité synaptique était provoquée par une diminution de la disponibilité en D-Sérine au niveau de la synapse, réduisant à son tour le nombre de récepteurs NMDA disponibles pour l'activation », analyse Aude Panatier.

Pour confirmer cette hypothèse, les chercheurs ont ensuite alimenté les souris transgéniques avec une nourriture enrichie en L-Sérine -cette molécule n'étant pas toxique pour les reins contrairement à la D-Sérine- dans le but de restaurer l’activité des récepteurs NMDA ainsi que la plasticité et la mémoire associées. Résultat : après seulement deux mois d'un tel régime, les rongeurs passent avec succès le test de la mémoire spatiale auquel ils échouaient en absence de traitement.

Le même complément de L-Sérine a également été proposé à un groupe de souris transgéniques incapables de synthétiser cet acide aminé. « Nous voulions nous assurer que les déficits observés étaient uniquement associés à la diminution de la synthèse de cet acide aminé et qu’ils pouvaient être rétablis par l’alimentation enrichie en L-sérine » explique Gilles Bonvento.

Confronté à leur tour au test de la mémoire spatiale, les animaux relevèrent ce défi sans encombre, confirmant que la L-Sérine apportée par l'alimentation avait bien servi à maintenir la mémoire synaptique de ces animaux. « L'ensemble de nos travaux témoignent pour la première fois de l’existence d'un lien étroit entre le métabolisme du glucose cérébral et la libération d’un gliotransmetteur jouant un rôle capital dans la communication neuronale et la mémoire », résume Aude Panatier.

L'étude révèle en outre que l'altération de la plasticité synaptique et de la mémoire, qui sont aussi les premiers symptômes de la maladie d'Alzheimer chez l'homme, peuvent toutes deux être restaurées par l'ingestion de L-sérine. De quoi susciter de réels espoirs quant au développement d'une nouvelle approche, complémentaire des autres stratégies thérapeutiques, capable de retarder l'installation des troubles cognitifs liés à cette maladie neurodégénérative.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash 

CNRS

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