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Edito : mieux manger pour mieux veillir

Des chercheurs de l'Ecole de Médecine de l'Université Washington, à St Louis (Missouri), viennent de montrer qu'un régime hypocalorique équilibré abaisse de manière sensible la concentration d'une hormone thyroïdienne appelée le triiodothyronine (T3), qui régule le bilan énergétique du corps et le métabolisme cellulaire. Ils ont également découvert que la restriction calorique diminuait le niveau de concentration d'une molécule inflammatoire puissante appelée facteur alpha de nécrose tumorale (TNF). Selon eux, l'association d'un bas niveau de TNF et de T3 peut ralentir le processus de vieillissement en réduisant le fonctionnement métabolique de l'organisme ainsi que les dommages provoqués par le stress oxydatif au niveau cellulaire. (Voir article " La restriction calorique jouerait un rôle majeur dans la prévention du vieillissement" )dans notre lettre 388.

De précédentes recherches sur des souris et des rats avaient déjà révélé que la restriction calorique associée à l'exercice d'endurance avaient un effet préventif puissant contre certaines maladies comme l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. En octobre 2002, une équipe américaine dirigée par Thomas Prolla (Université du Wisconsin) avait notamment montré, pour la première fois, qu'un régime hypocalorique permettait de modifier ce profil d'expression dans le sens d'un vieillissement moins marqué du coeur. Cette étude avait en outre permis de constater que les effets positifs de cette restriction calorique étaient aussi visibles lorsque la modification du régime alimentaire était débutée à un âge moyen, et pas seulement dès le plus jeune âge.

Mais ces nouvelles recherches ont révélé que la restriction calorique, à elle seule, pouvait augmenter de plus de 50 % la durée de vie maximale des animaux observés. Ces études tendent donc à montrer que la restriction calorique est un facteur intrinsèquement plus puissant que l'exercice physique pour prévenir les effets du vieillissement.

Ces résultats suggèrent que l'exercice physique régulier prévient de manière efficace l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires et certains cancers mais que seul un régime hypocalorique semble en mesure de ralentir les mécanismes fondamentaux du vieillissement et d'augmenter la durée maximale de vie génétiquement programmée pour un individu. Cette étude confirme donc pleinement une autre étude réalisée sur des rats en 1997 par John O. Holloszy et qui montrait déjà que le groupe de rats soumis à un régime hypocalorique (mais ne faisant aucun exercice) vivait bien plus longtemps que le groupe de rats faisant de l'exercice mais mangeant normalement.

John O. Holloszy souligne qu'une réduction calorique durable de 25 % a des effets bénéfiques majeurs sur la plupart des pathologies associées au vieillissement. En matière cardio-vasculaire par exemple, il affirme que ce régime hypocalorique permet de ramener la tension artérielle des seniors à un niveau de 10/6, comparable à celui d'un enfant et que le coeur des sujets pratiquant ce régime fonctionne aussi bien que celui d'un adolescent. Par ailleurs, ce régime prévient de manière remarquable le diabète de type I ou II et réduit de manière considérable les processus inflammatoires liés au vieillissement, comme le montre le très faible niveau de protéine C "réactive" relevé chez les sujets suivant ce régime.

Par ailleurs, une autre étude décrite dans notre rubrique "Médecine" de cette semaine montre que la consommation régulière et abondante de légumes pourrait permettre de prévenir l'apparition de l'athérosclérose et empêcher ainsi l'obstruction des artères et ses conséquences dramatiques.

Une autre étude américaine récente par ailleurs vient de montrer, pour la première fois, qu'un régime hypocalorique basé sur une diminution de la consommation d'hydrates de carbone peut avoir chez la souris un effet protecteur puissant contre la maladie d'Alzheimer. (Voir article). Les hydrates de carbone sont des glucides que l'on trouve dans les céréales sous forme d'amidon, certains légumes, les fruits et les « sucres » habituels : sucre blanc ou sucre de canne.

"Toutes les recherches cliniques et épidémiologiques récentes nous confirment que l'adoption de nouvelles habitudes alimentaires peut avoir un effet très bénéfique pour nous protéger des maladies neurodégénératives et notamment de la maladie d'Alzheimer", souligne le docteur Giulio Maria Pasinetti, directeur du centre de recherches neurologiques de l'école de médecine du Mont Sinai. "Cette recherche, cependant, est la première à démontrer l'existence d'un lien biochimique puissant entre la nutrition et la maladie d'Alzheimer", ajoute-t-il.

Enfin, une dernière étude américaine réalisée par l'Université de St Louis (Voir article par le Docteur Sasan A Farr vient de montrer que le bas de niveau de leptine (une hormone qui régule l'appétit) souvent observé chez les personnes obèses finit par affecter les performances cognitives de notre cerveau et notamment la mémoire à long terme. Par ailleurs, le Docteur Farr souligne le lien qui semble exister chez la souris entre le niveau de leptine et la présence anormalement élevée dans le cerveau de la protéine bêta-amyloïde qui est symptomatique de la maladie d'Alzheimer. Toutes ces passionnantes recherches nous montrent, qu'en matière de pathologies liées au vieillissement, nous devons accorder une place beaucoup plus grande à la prévention et notamment favoriser l'adoption de nouvelles habitudes alimentaires par les personnes âgées. Il est également capital de favoriser un exercice physique modéré mais régulier chez les seniors.

Alors que le nombre de personnes âgées va doubler au cours des 30 prochaines années en France, ces études prennent une résonance particulière. A présent, nous savons qu'il est possible de prévenir de manière très efficace la plupart des pathologies associées au vieillissement en adoptant de nouvelles habitudes alimentaires et, d'une manière plus générale, une bonne hygiène de vie incluant la pratique d'une activité physique régulière. Cette mise en place d'une politique très ambitieuse de prévention active des maladies liées à l'âge est devenu un véritable enjeu de société car nous ne pourrons pas nous contenter d'avoir uniquement recours à une consommation accrue de médicaments de plus en plus coûteux pour traiter ces maladies liées au vieillissement.

Avec la généralisation des puces à ADN, cette prévention active par l'alimentation et l'exercice physique pourra en outre être complétée, dans une seconde phase, par une chimioprévention personnalisée en fonction du profil génétique de chacun et des risques individuels de développer telle ou telle pathologie. Cette prévention active et personnalisée va notamment s'appuyer sur la pharmacogénomique, qui permet de choisir les molécules qui seront les plus efficaces en fonction du profil génétique de chacun. En matière alimentaire, la nutrigénomique étudie pour sa part l'influence des pratiques alimentaires sur la variabilité des réponses du génome en fonction de facteurs environnementaux. En effet, les aliments participent de façon active aux processus biologiques et sont capables d'entraîner des mutations de gènes qui ne modifient pas la séquence du gène mais qui peuvent modifier son comportement.

Depuis l'Antiquité, la médecine combat la maladie en s'attaquant à ses effets mais à présent, grâce à une connaissance de plus en plus fine des mécanismes génétiques et cellulaires du vivant nous commençons, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, à pouvoir agir sur notre organisme avant même que la maladie ne survienne. Nous pouvons également prévoir avec de plus en plus de précision quelle personne va développer telle ou telle pathologie à tel ou tel moment de sa vie et agir en amont pour empêcher la maladie d'apparaître.

La médecine de demain va donc changer de nature et consistera d'abord à permettre à chacun de rester en bonne santé en agissant de manière préventive, sélective et active à tous les âges de la vie pour empêcher la maladie de naître ou du moins en retarder considérablement l'apparition et la gravité. Cette médecine prévisionnelle va profondément transformer le rôle du médecin et notre conception de la médecine mais va également placer chacun face à ses responsabilités car nous participerons de manière active et déterminante, par nos choix alimentaires et notre mode de vie, à la préservation de notre santé et de nos capacités intellectuelles et cognitives.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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