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Edito : La médecine régénérative fait des pas de géants

Une équipe de chercheurs de Genentech, firme de biotechnologies, dont le siège est à San Francisco, a identifié chez les rongeurs un marqueur, dit "CD117, d'une rare population de cellules souches adultes. Ils l'ont utilisé pour isoler des cellules capables de générer une prostate en les transplantant in vivo. La précieuse cellule a été greffée sous le rein de souris de laboratoire (97 transplants ayant permis le développement fonctionnel de 14 organes), d'après leur étude.

Les cellules souches adultes sont déjà plus spécialisées que les cellules souches embryonnaires indifférenciées et susceptibles d'engendrer toutes les cellules de l'organisme. "C'est à notre connaissance, la première publication démontrant que l'on pouvait générer une prostate à partir d'une seule cellule souche adulte", notent les auteurs. Récemment, deux études ont décrit la reconstitution de glande mammaire de souris à partir d'une seule cellule souche. En démontrant qu'un organe fonctionnel pourrait être généré à l'aide d'une seule cellule souche adulte, ces études représentent une avancée remarquable dans le domaine de la recherche sur les cellules souches.

En Espagne, une équipe de chercheurs du Salk Institute dirigée par Juan Carlos Izpisua Belmonte, directeur du Gene Expression Laboratory au Salk Institute et du Centre de Médecine Régénérative de Barcelone a pour sa part réussi à générer des cellules souches pluripotentes induites (iPS) à partir d'un nombre limité de kératinocytes provenant d'un unique cheveu humain.

Les cellules iPS sont des cellules souches pluripotentes artificiellement dérivées le plus souvent de cellules somatiques adultes, grâce à l'expression induite d'un cocktail de gènes impliqués dans la reprogrammation de ces cellules. Les expériences effectuées jusqu'ici font état d'un rendement limité : 1 cellule sur 10.000 seulement étant reprogrammée avec une durée de 3 à 4 semaines nécessaires pour obtenir une colonie. De plus, alors que chez la souris, différents types de cellules ont ainsi pu être reprogrammées avec succès (fibroblastes, cellules du foie et intestinales), les fibroblastes de la peau avaient été jusqu'ici les seules cellules humaines à être testées.

Dans cette étude, les scientifiques ont testé la capacité a être reprogrammées des kératinocytes, cellules constituant 90 % de la couche superficielle de la peau (épiderme) et des phanères (ongles, cheveux, poils, plumes, écailles), à l'aide de vecteurs viraux exprimant les régulateurs Oct4, Sox2, Klf4 et c-Myc. Après seulement 10 jours de culture, une cellule sur 100 donnait naissance à une colonie de cellules présentant tous les marqueurs propres aux cellules souches embryonnaires humaines. Les scientifiques ont ensuite induit la redifférenciation de ces cellules souches dérivées de kératinocytes (K-iPS) en différents types cellulaires du corps humain, notamment en cellules cardiaques et en neurones producteurs de dopamine, neurones qui sont affectés dans la maladie de Parkinson. La surprenante efficacité d'une telle technologie a été confirmée en reprogrammant des kératinocytes cultivés en K-iPS, à partir d'un unique cheveu.

La comparaison du profil d'expression des gènes reliés à l'identité des cellules souches, la croissance et la différenciation, a mis en évidence que les kératinocytes avaient plus de points communs avec les cellules souches embryonnaires et les K-iPS que les fibroblastes, ce qui pourrait expliquer pourquoi les kératinocytes semblent plus faciles à reprogrammer.

Cette approche expérimentale fournit non seulement un modèle d'étude pour la compréhension des mécanismes de la reprogrammation cellulaire mais également une alternative simple, pratique et non invasive pour la génération de cellules souches spécifiques de patients.

En France, une équipe de chercheurs menée par Anselme Perrier de l'Institut des cellules Souches pour le Traitement et l'Etude des maladies Monogéniques (Unité mixte de recherche Inserm/UEVE UMR861, I-STEM, AFM), dirigé par Marc Peschanski, vient de réussir une première greffe de cellules souches embryonnaires humaines chez un animal modèle pour la maladie de Huntington. Les chercheurs ont ainsi développé un protocole permettant de transformer ces cellules en un type de neurones spécifiquement touchés dans la maladie de Huntington. Par la suite ils ont démontré la capacité de progéniteurs neuronaux, issus des cellules souches embryonnaires, à se différencier en neurones dans le cerveau de rats présentant des lésions similaires à celles observées chez l'homme.

Une autre équipe de l'Institut Pasteur et du CNRS vient d'identifier une nouvelle source de production de neurones dans le cerveau adulte. Leurs travaux, publiés dans le Journal of Neuroscience, apportent la preuve des capacités intrinsèques du cerveau à s'auto-réparer. Ils ouvrent ainsi des perspectives inattendues pour le développement de thérapies, notamment pour le traitement des pathologies neurodégénératives, comme la maladie de Parkinson ou la Chorée de Huntington.

En 2003, alors que les neurobiologistes considéraient depuis toujours que le cerveau et la moelle épinière ne pouvaient se réparer, en cas de lésion ou de maladie, la découverte de cellules souches au coeur du cerveau adulte par Pierre-Marie Lledo et son équipe, à l'Institut Pasteur (unité Perception et mémoire (D'une manière générale, la mémoire est le stockage de l'information. C'est aussi le souvenir d'une information.), CNRS URA 2182), avait bouleversé le dogme central en neurobiologie. Les chercheurs avaient en effet montré que certaines cellules non-neuronales, appelées cellules gliales, pouvaient se transformer en neurones, eux-mêmes capables d'intégrer des réseaux cellulaires existants.

Aujourd'hui, Pierre-Marie Lledo et son équipe apportent de nouveaux espoirs pour les stratégies thérapeutiques qui visent à réparer le cerveau. En collaboration avec l'unité de Virologie moléculaire et vectorologie, dirigée à l'Institut Pasteur par Pierre Charneau, les chercheurs prouvent en effet que ces cellules souches de type glial, capables de se transformer en neurones, sont localisées non seulement dans la zone de formation qu'ils ont identifiée en 2003, mais également tout le long d'un tunnel dans lequel migrent les nouveaux neurones, ainsi que dans le bulbe olfactif.

L'équipe a observé que l'absence de stimulation olfactive, à la suite d'une lésion de l'organe sensoriel, intensifiait la transformation des cellules gliales en neurones. Cette formation des néo-neurones démontre que le cerveau possède une capacité d'autoréparation extraordinaire.

Enfin,il y a quelques jours, des chercheurs de l'institut de recherche public nippon Riken sont parvenus à générer des tissus du cortex cérébral à partir de cellules souches prélevées sur un embryon (Voir article dans notre rubrique "Sciences de la Vie).

Ces récentes et remarquables avancées de la recherche montrent que l'on pourra un jour sans doute pas si lointain, grâce à la maîtrise de l'utilisation des cellules souches, régénérer complètement des organes lésés ou détruits et restaurer des fonctions physiques ou cognitives altérées par l'âge ou la maladie. C'est donc bien une nouvelle révolution médicale qui est en train de s'accomplir sous nos yeux.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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