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Edito : Face au défi planétaire sans précédent du Sida une nouvelle gouvernance mondiale doit émerger

La XIVe conférence internationale sur le sida qui s'achève à Barcelone, quelques jours après la publication par l'ONUSIDA, le programme commun des Nations Unies contre le sida, a révélé l'ampleur de l'épidémie de Sida dans le monde et le fossé dramatique qui sépare les pays développés des pays pauvres en matière d'accès aux soins. Dans un discours extrêmement ferme, le Dr Peter Piot, directeur d'Onusida, le programme de lutte des Nations Unies contre le sida, s'est adressé aux dirigeants politiques qui "doivent tenir leurs promesses", a-t-il dit. Le Dr Piot, qui s'exprimait à l'occasion de la cérémonie d'ouverture de la conférence, s'est montré très clair : " nous ne sommes pas venus à Barcelone pour renégocier des promesses, nous sommes ici pour veiller à ce qu'elles soient tenues", a-t-il dit. "Nous devons trouver 10 milliards de dollars, et cela n'est pas négociable", a-t-il insisté. Dans un message adressé aux quelque 15.000 experts médicaux, responsables gouvernementaux et militants de la lutte contre le SIDA, qui participent à cette conférence, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a souligné que cette rencontre réunissait ceux qui connaissent le mieux les problèmes de cette épidémie et sont les plus aptes à proposer des moyens efficaces pour lutter contre celle-ci. Le sida tue actuellement une personne toutes les 11 secondes, et une nouvelle contamination intervient toutes les 6 secondes.

Solidays, qui regroupe 57 associations de lutte contre le sida a durement critiqué les gouvernants : dans un manifeste lapidaire elle ne s'en prend qu'aux "bailleurs de fonds" et aux agences internationales. L'industrie du médicament qui a, pendant vingt ans, subi la colère des malades et des activistes a fini -sous la pression- par consentir des baisses de prix de ses traitements pouvant aller jusqu'à 90%. Les copies de ces médicaments, les "génériques", commencent enfin à arriver dans les pays qui les demandent. "Nous rendons responsables les gouvernements des pays riches, les gouvernements des pays en développement, l'ONU et ses agences" d'être restés inactifs et de ne pas avoir tenu leurs promesses, accuse Solidays."Un an après l'annonce à Gênes par les Etats du G8 de la création d'un Fonds Mondial contre le sida, la contribution des pays les plus riches n'a pas atteint le dixième des objectifs fixés", écrit Solidays en demandant avec insistance "où sont les 10 milliards de dollars promis ?". En Afrique du Sud, les médicaments anti-sida de base comme la névirapine - qui permettrait à une grande partie des femmes enceintes séropositives de ne pas contaminer leurs bébés - ne sont toujours pas distribués. Ils font même l'objet d'une âpre bataille juridique : l'Etat conteste un arrêt rendu par la Haute Cour de Prétoria en invoquant des recherches à poursuivre sur l'innocuité du médicament. Les copies bon marché des médicaments anti-sida, les génériques, qui avaient été au coeur du débat à Durban, commencent à arriver en Afrique, mais au compte-gouttes. Et, sur 10 millions d'Africains qui auraient besoin d'une trithérapie, seulement 30.000 en bénéficient, selon l'ONUSIDA. A ce jour, le sida est déjà responsable de la mort de plus de 20 millions de personnes et il pourrait en tuer prématurément 68 millions de plus d'ici 2020. Avec près de 30 millions de personnes touchées par le virus de l'immuno-déficience humaine (VIH) sur un total de plus de 40 millions, le continent noir demeure la principale victime de l'épidémie. Du moins tant que les chiffres exacts de la progression du virus dans les pays les plus peuplés du monde - Chine et Inde - restent "indisponibles". En Afrique australe, - où l'infection par le virus affecte maintenant une personne sur cinq en Zambie, un adulte sur quatre au Zimbabwe, un sur trois au Swaziland - la famine qui se profile et menace 13 millions de personnes risque d'avoir un effet dévastateur sur les populations, la malnutrition s'ajoutant aux déficits immunitaires liés au sida. Cette situation alarmante a été confirmée par une nouvelle étude du Bureau de recensement américain publiée dimanche qui indique que l'espérance de vie est maintenant inférieure à 40 ans dans sept pays d'Afrique subsaharienne, essentiellement à cause du sida. Dans 5 de ces pays -Botswana, Mozambique, Lesotho, Swaziland et Afrique du Sud- la population se réduira d'ici 2010, ce qui signifie qu'il y aura plus de morts que de naissances. Au Zimbabwe et en Namibie, la croissance de la population sera proche de zéro, avertit cette étude. En Inde, où vivent plus d'un milliard d'habitants, de 3,5 millions à 5 millions de personnes sont déjà affectées par le virus. En Chine, où la population est encore plus nombreuse, c'est, selon l'ONUSIDA, "une catastrophe de proportion inimaginable qui est sur le point de se produire". Officiellement, ce pays ne compterait "que" 30.000 porteurs du virus - dont au moins 100.000 contaminés dans des banques de sang - mais des experts chinois parlent déjà de 850.000. Mais l'épidémie n'a pas que des répercussions immédiates : elle menace aussi l'avenir des pays les plus affectés. En tuant leurs élites, leurs cadres et leurs enseignants, elle obère leur avenir. En frappant armées et forces de police - séropositives parfois dans 60% des cas - elle menace la sécurité des biens et des frontières. En anéantissant des villages entiers, elle mine l'agriculture et laisse des millions d'orphelins, désormais quasiment livrés à eux-mêmes. En Afrique seulement, ils sont déjà plus de 14 millions. Face à une telle situation sans précédent dans l'histoire de l'humanité, la communauté internationale se doit de réagir beaucoup plus vigoureusement et de mettre en oeuvre des moyens exceptionnels, à la hauteur du terrible défi médical, sanitaire, économique social et humain que représente le fléau du Sida. Il y a là un enjeu de civilisation majeur, comme l'a rappelé avec force Jacques Chirac dans le message qu'il adressé le 9 juillet à la conférence de Barcelone sur le sida. Dans son message, le Président Chirac a souligné que "refuser aux populations pauvres l'accès aux soins, c'est se rendre coupable de non assistance à populations en danger à l'égard des 70 millions de femmes et d'hommes qui risquent de mourir du sida dans les vingt prochaines années". "Notre époque en porterait la terrible responsabilité devant l'histoire", a ajouté M. Chirac. Face à un tel drame nous ne pouvons plus en effet nous contenter de bonnes intentions et nous devons rappeler aux états et à la communauté internationale, comme vient de le faire avec force le Président de la République qu'ils ont les moyens d'endiguer le fléau par une stratégie solidaire, autour de quatre actions essentielles et interdépendantes: la recherche, la prévention, l'accès aux soins et les ressources. Lors de la clôture de la conférence internationale sur le sida de Barcelone, le 12 juillet, les anciens présidents Nelson Mandela et Bill Clinton se sont également faits les ardents défenseurs d'une mobilisation totale de la communauté internationale contre le Sida. "Après la guerre nucléaire, le sida est le plus grand problème auquel le monde est confronté", a estimé Bill Clinton, qui a appelé les gouvernements occidentaux à financer un nouveau fonds mondial contre cette maladie. "Pour la première fois de son histoire, le monde doit prendre ses responsabilités face à ce qui est une crise mondiale de la santé", a-t-il expliqué. Les gouvernements occidentaux ont concentré sur eux toute la colère des militants associatifs et autres activistes qui ont bruyamment demandé qu'ils consacrent dix milliards de dollars par an au Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Créé en 2001, il a, pour l'instant, recueilli à peine 2,8 milliards de dollars. Sans cet argent, l'objectif de l'Organisation mondiale de la santé de fournir des anti-rétroviraux à trois millions de personnes en 2005 a toutes les chances de ne rester qu'un voeu pieux. Mais face à cette mobilisation sans précédent de l'opinion publique, des associations et des médias il semble cependant que les pays développés prennent enfin conscience de la nécessité de tenir leurs engagements financiers pour venir à bout de ce fléau. C'est ainsi que le Sénat des Etats-Unis a adopté le jour même de la clôture de la conférence de Barcelone, un projet de loi débloquant près de cinq milliards de dollars sur deux ans pour la lutte contre le sida. Dans ce cadre, les Etats-Unis mettraient au point un programme sur cinq ans destiné à lutter contre l'extension de la maladie dans le monde. Des sommes sont particulièrement consacrées aux programmes de prévention de la transmission du virus de la mère à l'enfant, ainsi qu'à la formation des personnels de santé locaux dans les pays en développement. Comme la lutte contre la faim, la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre, ou l'accès à l'éducation pour tous, la victoire mondiale contre le Sida n'est nullement hors de portée de l'humanité s'il existe au niveau des états, comme au niveau international, des volontés politiques fortes portées par des visions globales et à long terme qui dépassent les intérêts nationaux. Il faut souhaiter que dans ce domaine la pression des opinions publiques continue de monter afin que les responsables politiques et économiques consacrent enfin les moyens financiers, matériels et humains qui soient à la hauteur de ce défi planétaire. Face à cette terrible menace du Sida, il apparaît également chaque jour plus nécessaire de mettre en place de nouveaux cadres de gouvernance mondiale qui intègrent la nouvelle dimension planétaire des enjeux de santé d'éducation et d'environnement et puissent véritablement incarner et faire prévaloir l'intérêt général au niveau de l'humanité toute entière.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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  • patrick lossongo

    8/07/2011

    le sida constitue un de grand problèmes politiques internationaux et contemporains, les nations doivent définir les nouvelles pour parvenir à réduire l'ampleur de cette pandémie a ce début
    du xxi siecle.

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