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Découverte d'anomalies cérébrales associées à la maltraitance infantile

On sait depuis longtemps que la maltraitance infantile a des effets sur le développement psychologique avec notamment un risque accru de dépression et de suicide au cours de la vie. Violences sexuelles, physiques ou encore négligence chronique pendant l’enfance ou l’adolescence sont suspectées d’entraîner des modifications structurelles et fonctionnelles durables sur le cerveau. C’est en effet au cours de ces périodes que les traits de personnalité, les modèles d’attachement, les fonctions cognitives et les réponses émotionnelles sont façonnés par ce que nous vivons, y compris les traumatismes.

Pour mieux comprendre les modifications neurobiologiques associées à la maltraitance infantile, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’Université de Tours, en collaboration avec l’Université McGill University – Douglas Mental Health University Institute, à Montréal au Canada, se sont intéressés au cortex préfrontal ventromédian, une région cérébrale régulant les réponses émotionnelles. Ils ont tout particulièrement étudié les "filets périneuronaux", des structures particulièrement compactes et denses qui encerclent certains neurones, en particulier ceux à parvalbumine, dont l’action inhibitrice participe au contrôle de l’activité de larges ensembles de neurones.

Les filets périneuronaux apparaissent au cours de la petite enfance et se développent jusqu’à la fin de l’adolescence, augmentant en taille et en nombre. Chez l’animal, leur développement est une étape importante de la maturation cérébrale. Leur apparition marque en effet la fermeture de "périodes critiques" de plasticité pendant lesquelles le développement de la circuiterie neuronale peut être facilement modifié par les expériences.

Les chercheurs estiment que ces filets périneuronaux pourraient jouer un rôle en cas de traumatisme pendant l’enfance, en figeant les réseaux neuronaux associés à ces souvenirs, prédisposant à des troubles dépressifs ou comportementaux par la suite.

Pour étudier ces structures, les chercheurs ont analysé des coupes de cerveau post-mortem d’adultes (issus de dons de cerveau avec accord des familles), qui s’étaient suicidés au cours d’un épisode de dépression majeure. Sur les 28 sujets concernés, 12 sujets avaient eu une histoire lourde de maltraitance infantile. Ces coupes ont par ailleurs été comparées avec celles de sujets contrôles, décédés de mort naturelle et sans antécédent de maltraitance ou de maladie psychiatrique. Différents types d’analyses ont abouti à plusieurs observations.

Tout d’abord, chez les sujets maltraités au cours de l’enfance, les filets périneuronaux étaient plus denses et plus nombreux que ceux des autres individus. Ils présentaient en outre des caractéristiques de maturation plus importante, notamment un développement structurel accru autour des neurones à parvalbumine Enfin, les chercheurs ont montré que les cellules qui produisent les principales protéines composant les filets périneuronaux sont les progéniteurs d’oligodendrocytes, des cellules présentes partout dans le cerveau.

« Ces observations renforcent l’hypothèse d’une corrélation entre stress précoce et développement accru des filets périneuronaux. Reste à découvrir s’il existe un lien causal, c’est-à-dire si ces changements contribuent au développement de comportements associés à la maltraitance et de quelle façon. On pourrait peut-être à plus long terme envisager de manipuler les filets périneuronaux pour permettre de restaurer une certaine plasticité et réduire l’impact du traumatisme et le risque psychiatrique par la suite », explique Arnaud Tanti, chercheur Inserm et premier auteur de ces travaux.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Nature

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