RTFlash

Vivant

Le cortex frontal siège de la pensée comparative

Tout animal doit pour survivre apprendre à distinguer, à reconnaître et à classer les êtres et les objets qui composent son environnement. Cette propriété allège le travail de mémoire du cerveau qui n'a pas à retenir la totalité des expériences passées, mais seulement ce qui est déterminant pour la survie. Le congrès annuel de l'American Association for the Advancement of Science, à Boston a permis de faire le point sur l'état de la recherche neurobiologique dans l'élucidation de cette propriété. Earl Miller (Massachusetts Institute of Technology) a rappelé que notre capacité cérébrale tout entière serait incapable de garder en mémoire chaque moment de notre vie. Nous avons donc appris au cours de l'évolution à « extraire » les points communs des différents épisodes vécus, puis à les classer par catégories en les pondérant en fonction de leur utilité et de leur importance vitales. Notre cerveau applique donc des règles qui nous permettent de faire face à des situations nouvelles. On peut à présent étudier cette propriété sur l'animal vivant, au niveau des cellules cérébrales. En créant avec un programme de « morphing », des images de chats et de chiens, on peut avec l'ordinateur obtenir des centaines de milliers d'hybrides à partir de trois types de chats et trois types de chiens, ayant soit 100 %, soit 80 % ou 60 % des traits de l'une ou l'autre race. Deux singes ont donc pu ainsi être entraînés à reconnaître et à catégoriser les images qu'on leur montre. S'ils jugent que deux échantillons proposés l'un après l'autre appartiennent à la même catégorie « chien », ils doivent relâcher un levier. Si au contraire les échantillons appartiennent à des catégories distinctes, ils continuent d'appuyer. Cette expérience a montré que les singes possédaient la capacité remarquable de distinguer dans 90 % des cas à quelle catégorie appartient l'image, même lorsqu'il s'agit de gros chiens noirs très chats, ou de petites chattes rousses ayant beaucoup de chien . Pour localiser le siège de cette pensée comparative Earl Miller a ensuite enregistré, dans le cortex préfrontal des deux primates, 395 neurones individuels. L'enregistrement électrique de 103 autres neurones du cortex préfrontal dans cette expérience montre qu'un neurone isolé est capable de distinguer les trois nouvelles classes, mais en plus les deux anciennes catégories « chat » ou « chien ». Le neurone a donc été capable de passer à un niveau d'analyse plus complexe, en appliquant des règles plus subtiles. « Non seulement des catégories très proches sont encodées au niveau d'un seul neurone, a expliqué Earl Miller, mais les représentations sont malléables, modulables par l'expérience. » D'autres expériences, au cours desquelles on apprend aux singes deux règles abstraites (ce qui est « pareil », ce qui est « différent »), qu'ils doivent ensuite appliquer à des situations nouvelles jamais vues, confirment l'existence de neurones spécialisés dans l'application de règles. Ces expériences démontrent que chez le singe, comme chez l'être humain, le système cognitif d'analyse comparative peut donc se modifier pour s'adapter au comportement du sujet confronté à un environnement nouveau. Ces avancées expérimentales viennent donc confirmer l'hypothèse théorique défendue par Jean Piaget il y a plus de 25 ans dans un remarquable essai intitulé "le comportement, moteur de l'évolution".

American Association for the Advancement of Science :

http://www.aaas.org/

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top