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Le cancer protégerait-il du risque de démence ?

On le sait, en biologie et en médecine, il existe d'innombrables et parfois improbables relations de causalité, encore mystérieuses et inexpliquées. C'est ainsi que, selon des chercheurs de l'Inserm et de l'Université de Bordeaux, les maladies tumorales protégeraient du risque de survenue d’une démence.

Cette association était déjà suggérée par différents travaux, mais avec un risque de biais important : les personnes atteintes de cancer peuvent en effet décéder précocement, avant de développer une démence, ou ne pas être dépistées pour ce trouble compte tenu de leur état de santé – deux phénomènes qui pourraient conduire à observer un effet protecteur fallacieux. En outre, les résultats publiés jusqu’à maintenant étaient souvent fondés sur des données relatives à des cas de démence mal caractérisés, en particulier quand elles sont issues de bases telles que celles de l’Assurance maladie.

Pour pallier ces limites et fournir des résultats plus solides, les chercheurs ont cette fois adopté un modèle statistique tenant compte du risque prématuré de décès par cancer et, surtout, ils sont partis des informations de la cohorte nationale Memento qui inclut des patients suivis dans les Centres de mémoire, ressources et recherche (CMRR).

Cette cohorte comprend 2 323 participants qui consultent en CMRR en raison de plaintes ou de troubles cognitifs, mais sans diagnostic de démence au début de l’étude. Âgés de 73 ans en moyenne, ils ont été suivis sur une durée médiane de 5 ans (la moitié des personnes l’a été plus longtemps, l’autre moins), avec de nombreuses données collectées : tests neuropsychologiques, IRM cérébrales, tests sanguins, facteurs sociaux...

Chez les personnes qui ont développé un cancer au cours de l’étude, le risque d’apparition d’une démence était par la suite réduit : par rapport aux patients sans cancer, ce risque diminuait de près de moitié (42 %), avec un effet légèrement plus important sur la maladie d’Alzheimer (45 %), qui représente la majorité des cas de démences.

Ces chiffres confirment l’effet protecteur observé à plusieurs reprises par le passé, mais avec une ampleur supérieure aux résultats précédemment publiés : ils suggéraient une réduction du risque d’environ un tiers. D’après Jonviea Chamberlain, premier auteur de ces nouveaux travaux, cette différence pourrait s’expliquer par un biais temporel : « Il semblerait que l’effet protecteur diminue au cours du temps. Pour ce travail, nous avons uniquement tenu compte des cancers survenus pendant le suivi, pas de ceux apparus avant. Ce suivi, toujours en cours, nous permettra d’établir si la diminution du risque de démence s’estompe effectivement à plus grande distance du diagnostic de cancer », explique-t-elle.

À ce stade, le lien entre cancer et réduction du risque de démence n’est qu’une association : la relation de causalité n’est pas démontrée. Mais plusieurs hypothèses sont déjà posées pour l’expliquer : rôles potentiels des traitements du cancer, de facteurs génétiques, physiologiques, environnementaux...

Quelques travaux apportent même des débuts de réponse. « Une étude ne montre pas d’influence des traitements anti-cancéreux sur les évolutions cognitives. En revanche, une autre indique que des facteurs génétiques qui prédisposent à des cancers réduisent la probabilité de développer une démence », illustre la chercheuse. Autre piste : le cancer, qui provoque un état de stress très important pour l’organisme, pourrait mobiliser des ressources cognitives protectrices à court terme.

Pour tenter d’en savoir plus, Jonviea Chamberlain envisage de poursuivre ses travaux par l’étude des modifications cérébrales potentiellement induites par les cancers (épaisseur du cortex, volume de l’hippocampe...), toujours au sein de la cohorte Memento. L’objectif sera de déterminer si les cancers limitent la neurodégénérescence. « Étant donné la pénurie d’options thérapeutiques pour prévenir et traiter la démence, il est important de comprendre l’origine de cet effet protecteur : il pourrait conduire à de nouvelles stratégies de prévention », conclut-elle.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Inserm

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