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Edito : Les animaux peuvent aussi nous soigner !

Cette semaine, nous allons voir comment les animaux participent de manière essentielle, et par de nombreuses voies, parfois surprenantes, à notre santé et notre bien-être. De nombreux animaux sont une source précieuse de molécules et de médicaments contre une multitude de maladies, y compris le cancer.

Des chercheurs de l’Institut Karolinska en Suède viennent de montrer qu’il était possible d’utiliser de la soie d’araignée pour augmenter les effets de la protéine anticancéreuse p53 (Voir Science Direct). Cette protéine est dite "suppresseur de tumeur", car elle joue un rôle clé dans le processus de division cellulaire, en empêchant celle-ci de devenir incontrôlable. Lorsque cette protéine identifie des altérations de l’ADN, elle déclenche des mécanismes de réparation, soit en activant une voie génétique, soit en provoquant la destruction de la cellule altérée par apoptose.

On sait à présent que des mutations de la protéine p53 sont impliquées dans environ la moitié de tous les cancers. Mais cette protéine a tendance à être instable et sa durée de vie est courte, de l’ordre de quelques minutes. C’est pourquoi, depuis des années, les scientifiques cherchent des moyens de la stabiliser pour qu’elle puisse garder son activité anti-cancéreuse plus longtemps dans les cellules. Dans cette étude, les scientifiques ont confirmé que la soie d’araignée est constituée de longues chaînes de protéines très stables et fait partie des polymères naturels les plus solides. Ils ont ensuite montré qu’il était possible de stabiliser la protéine p53, à l’aide de cette protéine stable, en fusionnant les deux protéines. Le produit de cette fusion est en effet une nouvelle protéine active beaucoup plus stable que p53. Reste à présent à tester dans des essais cliniques l’efficacité thérapeutique de cette nouvelle protéine améliorée, pour évaluer sa capacité à prévenir la formation des tumeurs.

En 2018, des chercheurs toulousains (Université Paul Sabatier/CNRS) ont réussi à modifier la longue chaîne de carbone d’une molécule (un lipide alkynylcarbinol), en s’inspirant de certaines éponges de mer vivant dans les Caraïbes, pour la rendre 700 fois plus efficace contre les cellules cancéreuses. Cette équipe toulousaine a ainsi réussi à obtenir la molécule anti cancéreuse la plus active de la famille des lipides d'origine marine (Voir ChemPubSoc Europe).

En 2019, c’est une équipe d’Harvard qui est parvenue à synthétiser en laboratoire l’halichondrine B, une molécule très complexe, produite naturellement par certaines éponges de mer et qui possède une puissance anticancéreuse exceptionnelle. Enfin, l’année dernière, une autre équipe germano-russe a testé une molécule marine appelée l'alcaloïde marine 3,10-dibromofascaplysine sur diverses cellules cancéreuses de la prostate, réfractaires à la chimiothérapie. Les chercheurs ont découvert que le principe actif issu de cette éponge marine fascaplysinopsis reticulata commandait aux cellules tumorales le "suicide", par apoptose (Voir MDPI).

Mais si les animaux sont une source précieuse et inépuisable de molécules thérapeutiques, on sait moins qu’ils peuvent aussi soigner directement les êtres humains, soit en détectant certaines maladies, soit même par leur seule présence et leur empathie à notre égard.

Depuis 2016, l’institut Curie, dans le cadre de l’étude KDOG, des chiens sont entraînés à déceler le cancer du sein. Et les résultats sont étonnants. En février 2020, les résultats de la première phase de cette étude KDOG ont été présentés. Ils confirment, à partir d’essais réalisés sur 31 échantillons de sueur de 130 femmes volontaires, que les tumeurs cancéreuses du sein, aussi incroyable que cela puisse paraître, possèdent une signature chimique spécifique, bien qu’extrêmement ténue. Mais ces tests confirment également que certains chiens, après un apprentissage particulier, sont capables de détecter, grâce à leur sensibilité olfactive phénoménale, les composés organiques volatils (COV) émis par ces tumeurs malignes, avec un taux de réussite proche des 100 %. Comme le souligne Isabelle Fromentin, à l’origine du projet KDOG, « Il est vraiment remarquable de nos chiens parviennent à identifier si rapidement ces signatures chimiques du cancer du sein, surtout quand on sait que les seuils présents sur nos prélèvements sont à des niveaux si bas que même nos gros appareils de chimie analytique ne parviennent pas à le repérer ».

Encouragés par ces excellents résultats, les chercheurs de Curie ont décidé d’étendre l’étude KDOG à 450 femmes et de tester plusieurs races de chien dans la détection du cancer du sein. « Nous ne sommes toujours pas parvenus à établir de manière précise la signature chimique spécifique du cancer du sein, mais nos chiens, eux, parviennent à la trouver dans la transpiration et à la différencier de l’odeur spécifique de la personne », précise Pierre Bauër, le responsable de ce projet.

En 2014, une autre équipe conduite par le Professeur Olivier Cussenot, (professeur d'urologie oncologique à l'hôpital Tenon à Paris) avait eu l’idée de recourir à ce flair canon exceptionnel pour dépister l'existence d'un cancer de la prostate chez 908 patients. Deux chiens bergers malinois achetés par l'Institut Curie ont été dressés de manière à détecter les COV spécifiques du cancer de la prostate. Au terme de cet apprentissage, les chiens sont parvenus à repérer rapidement la présence de cancer, à partir d’échantillon d’urine, dans 98 % des cas…

Mais l’utilisation de chiens pour le dépistage de certains cancers, bien que très efficace, nécessite un entraînement long – entre six mois et un an par chien – et coûteux. Pour tenter de surmonter cet obstacle, un éthologue de l'Université Sorbonne Paris Nord a eu l’idée, a priori plutôt saugrenue, d’essayer de "dresser" des fourmis, réputées pour leur odorat très performant, à repérer l’odeur particulière émise par les cancers du sein. L’équipe de recherche, associant des scientifiques du CNRS, de l'Institut Curie et de l'Inserm, a choisi l'espèce la plus commune, Formica fusca, pour mener à bien cette tâche de dépistage. (Voir iScience). Ces insectes ont eu droit à une courte période d'apprentissage, qui consiste à associer une odeur à une récompense, dans le cas présent, une goutte d'eau sucrée, dont ces fourmis raffolent. De manière remarquable, il n’a fallu aux fourmis que trois entraînements d’une heure pour qu’elles sachent repérer de manière précise les signatures chimiques de différents types de cancers. Ces chercheurs vont à présent essayer d’évaluer l'efficacité de cette méthode sur un organisme humain complet, en utilisant de l'urine de souris atteintes de cancers.

Sources de médicaments novateurs, ou véritables détecteurs sur pattes de maladies graves, les animaux peuvent également avoir des effets très bénéfiques pour des personnes souffrant de graves troubles psychiques, comme l’a montré Gretchen Carlisle, Professeure de psychologie à l’Université de Missouri. Cette chercheuse a d’abord constaté les effets apaisants du contact avec certains animaux de compagnie, chez les élèves souffrant de troubles et de handicaps mentaux. Elle a récemment dirigé la première étude en double aveugle concernant les effets, sur des enfants autiste, liés à la présence d’un animal de compagnie (Voir University of Missouri).

Dans cette étude, les familles d'enfants souffrant d’autisme ont été divisées en deux groupes. Le premier a accepté d’adopter un chat et d’être suivi pendant quatre mois. Le second a également été suivi pendant ce laps de temps, avant de lui-même accueillir un chat pour une période de quatre mois. A l’issue de l’étude, ces scientifiques ont constaté que la présence d’un chat pouvait améliorer sensiblement les capacités sociales des enfants autistes, et réduire parallèlement leurs symptômes caractérisés par des angoisses de séparation. S’appuyant sur ces résultats, Gretchen Carlisle propose que l'adoption d'un chat soit intégrée dans les interventions proposées aux familles d'enfants avec autisme.

Un autre animal, le cheval, lui aussi domestiqué par l’homme depuis fort longtemps, s’avère un auxiliaire précieux dans le traitement de l’autisme. Une méta-analyse regroupant 25 études scientifiques, réalisées entre 2009 et 2016, toutes publiées dans des revues scientifiques réputées, a montré que les thérapies associant le cheval et les soins psycho-éducatifs classiques permettaient de réduire sensiblement les symptômes de ces enfants autistiques. Parmi les études passées en revue, l’une d’elles a été réalisée par le Centre Universitaire de Pédopsychiatrie du CHU de Tours, sur six enfants présentant des troubles du spectre autistique, âgés de 5 à 7 ans, ayant bénéficié de 19 séances de thérapie avec le cheval. Les conclusions de cette étude ont permis de confirmer, par comparaison entre les enfants du groupe témoin et les enfants ayant bénéficié de cette équithérapie, les bénéfices de cette approche en matière d’amélioration de la communication, du langage et de la sociabilité de ces enfants.

Une autre étude réalisée en 2013 par le collège de médecine de Houston, et dirigée par Glenn Levine, a montré que les personnes ayant un chien diminuent leurs risques de problèmes cardiaques (Voir Science World Report). L'étude montre que les propriétaires de chiens sont plus actifs que la moyenne de la population à pratiquer un exercice physique régulier. Ce travail confirme par ailleurs que la compagnie d'un chien réduit sensiblement le stress et diminue la tension artérielle et le taux de cholestérol. D’autres études récentes ont montré que les personnes vivant seules et ayant un chien réduisent d’un tiers, en moyenne, les risques de décès par infarctus, par rapport à celles dans la même situation qui n’ont pas de chien (Voir Science Daily). De manière encore plus étonnante, des chercheurs de l'Université de Saint Andrews ont aussi découvert en 2014 que les sexagénaires possédant un chien ont une forme physique équivalente à celle d'une personne de 10 ans plus jeune, grâce à l’exercice quotidien qu'ils font en allant promener leur chien (Voir Health Medicine Network ).

Une vaste étude réalisée en 2017 par l’Université d’Uppsala (Suède), sur 34 202 participants, suivis pendant douze ans, a confirmé le fait que de posséder un animal de compagnie permet de réduire jusqu’à 36 % les risques de mortalité cardio-vasculaire, et réduit également les risques globaux de mortalité, en particulier chez les personnes vivant seules (Voir Nature). Les animaux de compagnie ont également des effets très bénéfiques en matière de maintien cognitif et de prévention des démences. Des chercheurs de l'académie américaine de neurologie ont montré, à partir de l’analyse de vie de 1400 Américains âgés de plus de 50 ans (dont 53 % avaient un animal de compagnie), que la présence d’un animal participait au maintien de la bonne santé cognitive et que, plus la présence d’un animal de compagnie était ancienne, plus cet effet protecteur était fort. « Le stress peut avoir un effet négatif sur la fonction cognitive, et les effets anti-stress d'un animal de compagnie doivent probablement participer à diminuer la neuro-inflammation et le déclin cérébral », souligne Tiffany Braley, qui a dirigé ce travail.

Signalons également que la présence d’animaux domestiques dans le foyer semble également permettre de renforcer le système immunitaire des enfants. En 2018, une étude portant sur 377 enfants vivant à Copenhague a montré que l’exposition à un chat ou un chien dès la naissance est associée à une prévalence inférieure d’asthme chez les enfants qui possèdent un gène de prédisposition à l’asthme et ont donc plus de risques de développer cette pathologie respiratoire invalidante. Ces recherches ont montré que cet effet protecteur était encore plus important avec les chats, et que les taux d’allergènes de chat étaient associés de manière inverse au développement de l’asthme chez ces enfants (Voir The Journal of Allergy and Clinical Immunology).

A l’école aussi, la présence d’animaux de compagnie, à condition qu’elle soit bien préparée et encadrée sur le plan pédagogique, s’avère très positive, comme le montrent les expérimentations conduites au Québec par la chercheuse et enseignante Maryse Proulx. Celle-ci a montré que les élèves qui interagissent avec des animaux développent progressivement des comportements plus responsables, plus attentifs aux besoins et plus empathiques.

Enfin, il semblerait que, même au travail, la présence d’un animal de compagnie puisse être bénéfique. C’est en tout cas la conclusion de plusieurs études, dont celle réalisée en 2017 par des chercheurs de l’Université du Michigan (Voir Taylor & Francis Online). Ce travail a montré que la présence d’un chien dans un groupe de travail collaboratif en entreprise permet d’améliorer la qualité de la coopération, de l’écoute et de l’attention des participants. Une autre étude réalisée en 2012 par des chercheurs de l’Université Purdue (Indiana) a montré que la présence de chiens et de chats sur les lieux de travail permettait de faire baisser de manière significative le niveau de stress des travailleurs (Voir emerald insight).

Il est dommage que, par rapport à l’Amérique du Nord et à certains pays scandinaves, notre pays n’ait pas encore pris pleinement conscience du grand potentiel préventif et thérapeutique que pouvait apporter l’utilisation de certains animaux dans la prise en charge de nombreuse pathologies ou troubles physiques et psychiques. Ce domaine encore peu exploré mérite pourtant de faire l’objet de recherches approfondies et de nombreux animaux (pas seulement les animaux de compagnie), ont encore beaucoup à nous apprendre et à nous apporter et nous rappellent que notre espèce, qui n’est pas séparée de la nature, doit coopérer, avec respect et intelligence, avec les autres êtres vivants qui peuplent notre Terre…

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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