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Les zones présumées inutiles de l'ADN conditionneraient certains comportements
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Le point de départ des travaux de Larry Young et Elizabeth Hammock, chercheurs à l'université Emory (Atlanta, Etats-Unis), se résume en une question très simple : quelle est la différence entre le campagnol de prairie et son très proche cousin montagnard ? Le néophyte n'en voit aucune à l'oeil nu. Mais l'éthologue sait que les mâles de ces deux groupes de rongeurs, bien que très semblables, ont des comportements sociaux distincts. Voire opposés. Le premier, expliquent les deux chercheurs, dans la revue américaine Science, lorsqu'il se met en couple, "demeure fidèle à une unique partenaire tout au long de sa vie". Il montre de plus un "haut niveau d'intérêt social" . Le campagnol mâle montagnard, au contraire, ne se met pas durablement en couple, "ne contribue pas à l'attention parentale" portée à la progéniture. Il semble, pour finir, se désintéresser de toute forme d'interaction sociale avec ses congénères.
Selon les travaux des deux chercheurs américains, ces grandes différences comportementales tiennent, partiellement au moins, à des facteurs génétiques. Plus précisément, c'est une part de l'ADN dit "poubelle" dont les biologistes ont longtemps cru qu'il était totalement inutile qui serait impliqué dans les mécanismes physiologiques expliquant une telle variabilité. Or l'"ADN-poubelle" (junk-DNA en anglais), plus justement appelé ADN non codant, ne permet pas la synthèse d'une protéine particulière : les deux biologistes n'ont donc pas identifié un hypothétique "gène de la sociabilité" qui serait présent dans un cas et absent dans l'autre.
En étudiant le patrimoine génétique de chaque groupe de rongeurs, les chercheurs ont détecté des différences au sein du gène V1aR, présent chez les individus des deux groupes. V1aR code pour la synthèse de récepteurs de la vasopressine une hormone connue pour être impliquée dans les comportements sociaux des rongeurs, mais aussi des primates.
D'un groupe à l'autre, les différences au sein de ce même gène sont ténues. Pour comprendre, il faut savoir que, dans une majorité de séquences génétiques, cohabitent des régions codantes les exons et d'autres non codantes les introns. Chez le campagnol de prairie, les introns du gène V1aR sont formés de séquences beaucoup plus longues que chez son cousin vivant sur les reliefs. Les chercheurs ont observé in vivo que ces variations de la longueur des introns influent sur l'expression du gène V1aR dans certaines zones du cerveau.
Comment des séquences non codantes peuvent-elles influencer l'expression de certains gènes ? Le processus mis en cause, explique M. Roubertoux, se nomme "épissage alternatif". "Lors de la transmission de l'information génomique de l'ADN à l'ARN -qui est ensuite directement impliqué dans la synthèse des protéines-, on assiste à un phénomène d'"élimination" des introns, pour ne conserver que les exons, c'est-à-dire les seules régions codantes, ajoute M. Roubertoux. Mais, au cours de ce processus, les introns peuvent entraîner avec eux des séquences codantes." L'épissage alternatif introduit donc une déperdition aléatoire de l'information servant à coder les protéines. Le mécanisme induit une variabilité des molécules synthétisées par un gène. "A partir du gène de la drosophile qui gère la pousse des neurones, on peut, par exemple, obtenir 32 000 protéines différentes", explique M. Roubertoux.
L'implication de l'ADN non codant dans le développement de certaines pathologies neurologiques est soupçonnée depuis plusieurs années. C'est en effet ce même mécanisme d'épissage alternatif qui est généralement invoqué lorsque certaines protéines sont exprimées de manière tronquée.
Les mécanismes mis en lumière par Larry Young et Elizabeth Hammock ne dévoilent pas tous les secrets de ces régions du génome qui forment la plus grande part du patrimoine génétique des mammifères. Alors que des individus amputés d'une proportion importante de cet ADN parviennent à vivre sans dommages apparents, certaines séquences, bien que non codantes, présentent une grande stabilité au fil de l'évolution et se retrouvent chez de nombreuses espèces. Accréditant ainsi, au contraire, l'idée qu'elles sont très utiles...
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- Publié dans : Neurosciences & Sciences cognitives
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