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Edito : Le virtuel et la cécité

Le Salon « Imagina » qui renaît cette année nous montre que les progrès annoncés dans l'image de synthèse sont arrivés. Les mouvements complexes telles que des vagues sur l'eau ou des panaches de fumée sont devenus très réalistes alors qu'il y a deux ans seulement les invraisemblances étaient encore nombreuses. Avec un tel constat, nous comprenons mieux l'importance de l'augmentation de la fréquence avec laquelle bat le coeur de l'ordinateur de Monsieur Toutlemonde. Là où les informaticiens et les ingénieurs ne pouvaient résoudre en 1971 avec le premier microprocesseur qu'une équation par seconde, ils ont maintenant la capacité d'en résoudre quelque 22.000 par seconde avec le dernier Pentium IV cadencé à 2,2 Giga. Mais pendant ce temps-là, que fait notre Société pour se préparer à une telle mutation ? Rien. Comme je l'écrivais dès le 10 novembre 1999 dans ces colonnes (voir mon édito de la lettre 71 http://www.tregouet.org/lettre/1999/Lettre71-Au.html) le plus grand danger qui va hanter l'avenir de nos jeunes et des personnes les plus faibles, ce sont les mondes virtuels. Une personne peu heureuse dans sa vie, comme elle le fait ou du moins le cherche aujourd'hui avec la drogue, se plongera dans ces mondes virtuels où elle se fera Roi ou Reine et son cerveau sera si trompé par le réalisme de ces mondes virtuels qu'il est à craindre qu'elle ne veuille pas en ressortir. De grands acteurs mondiaux du logiciel en tête desquels il faut placer, sans conteste, Microsoft, ont bien compris toute l'importance que vont prendre ces mondes virtuels. Il n'est pas innocent de constater que, pour la première fois de sa déjà longue mais oh ! combien impressionnante histoire, Microsoft décide de sortir de son domaine du signal pour se lancer avec détermination dans le domaine du hard en commercialisant une console de jeux. Après avoir su capter plus de 90 % des utilisateurs de micro-ordinateurs et sachant que ce monde est appelé à disparaître dans les 20 ans qui viennent, Microsoft, avec lucidité et détermination, a décidé, avec méthode, d'accaparer par le virtuel le cerveau de nos enfants. Ce qui est extraordinaire dans nos temps modernes, c'est que nos démocraties souffrent d'une telle cécité et montrent une telle incapacité à imaginer l'avenir qu'elles ne semblent pas prendre conscience des stratégies à long terme qui sont froidement appliquées par ces grands groupes mondiaux qui, eux, accordent toute son importance à la prospective. Ainsi, les Pouvoirs Publics de toutes nos démocraties dites avancées, que ce soit les Etats-Unis ou notre Pays, restent sans réagir quand des sociétés agro-alimentaires mondiales ajoutent du sucre ou (et) du sel dans leurs sodas ou leurs plats pour rendre peu à peu notre organisme, et plus spécifiquement celui de nos enfants, dépendants de ces sucres et de ce sel. Pourquoi diable restons-nous sans réagir alors que nous constatons que plus de la moitié des américains sont obèses et que l'obésité touche dorénavant 17 % des enfants français alors qu'ils n'étaient que 5 % en 1980 ? Il est du devoir des Gouvernements de tout mettre en oeuvre pour comprendre en temps utile les conséquences que pourraient avoir les stratégies mises en place par les grands groupes mondiaux. Ainsi, dans le domaine du virtuel qui, très rapidement, va devenir un sujet majeur, la réplique des Gouvernements ne doit surtout pas s'installer dans l'interdiction ou la répression. Cela rendrait ces mondes virtuels encore plus attractifs pour une jeunesse non encore stabilisée. La réponse ne peut se trouver que dans le domaine de l'éducation. Ainsi, est-il normal, alors que les technologies ont tellement évolué dans ces dernières décennies, que nos enseignants dans les écoles, les collèges et souvent même dans les lycées ne disposent encore que d'un tableau au mur et de leur propre élocution pour faire acquérir des savoirs nouveaux à leurs élèves ? Nombreux sont ceux qui n'ont pas encore compris le rôle qui va être joué par l'image dans notre société de demain. Elle va bouleverser notre vision du monde et changer de grandeur notre capacité d'accéder à de nouveaux savoirs. Or, actuellement, seulement les acteurs privés semblent avoir pris conscience de l'importance que va prendre l'image. Cela ne peut plus continuer ainsi. L'Histoire de notre Pays, car c'est bien là que se situent les enjeux, changera quand le petit gamin de 8 ans, revenant de l'école, dira à sa mère « Tu sais, Maman, c'est super, la grande image dont se sert mon maître à l'école pour m'expliquer le monde est autrement plus belle que celle de ma Xbox, Playstation ou Gameboy ». En effet, pourquoi ne prendrions-nous pas, tous ensemble, la ferme résolution que dorénavant la plus belle image serait à l'école à la disposition des enseignants et de leurs élèves et non plus sur les consoles de jeux de nos enfants. C'est ainsi qu'avance le monde : avec des images simples mais fortes.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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