Homme
- Anthropologie et Sciences de l'Homme
- Sciences sociales
Edito : LE VIEILLISSEMENT : le nouveau défi mondial !
- Tweeter
-
-
2 avis :
Si l’on considère l’évolution de la population mondiale depuis l’apparition de notre espèce, on observe cinq grands «moments» démographiques.
Le premier est de loin le plus long et dure plus de 40 000 ans. Au cours de cette période qui va des premiers Homo sapiens à l’Antiquité, le nombre d’êtres humains sur Terre évolue extrêmement lentement. Il passe de quelques milliers d’individus à probablement moins de 100 millions au début de l’ère chrétienne.
Il faudra ensuite encore 18 siècles pour que la population mondiale atteigne le milliard d’habitants vers 1800.
Au cours du XIXe siècle, la démographie mondiale commence à s’accélérer mais en 1900, il n’y a encore qu’1,7 milliard d’habitants sur terre.
Entre 1900 et 1960, la population mondiale va pratiquement doubler pour atteindre les 3 milliards d’habitants. Mais c’est surtout au cours du cinquième « temps » démographique qu’on assiste à une augmentation sans précédent du nombre d’humains sur Terre qui va progresser de 4 milliards d’habitants en à peine un demi-siècle pour atteindre les 7 milliards en 2011.
Face à cette évolution assez vertigineuse, un nouveau concept commence à se répandre et à s’imposer dans les esprits à partir des années 1960, celui de « surpopulation ».
En 1968, le livre de Paul R. Ehrlich, « la bombe P », fait sensation et il est de bon ton, dans les cercles intellectuels, d’évoquer la menace liée à « l’explosion démographique » qui menacerait à court terme notre planète, incapable de nourrir sa population grandissante et de lui fournir les services essentiels, santé, éducation et travail…
Ces prévisions catastrophistes franchirent un nouveau cap en 1970 avec le fameux rapport du Club de Rome qui évoquait le spectre d’un futur apocalyptique marqué par un épuisement des ressources alimentaires et énergétiques à l’échelle mondiale.
Parallèlement à cette envolée démographique mondiale, deux autres phénomènes eurent lieu. Le premier fut une accélération sans précédent de l’urbanisation : un terrien sur 10 vivait dans les villes en 1900 et en 2007 la moitié de la population mondiale habitait en zone urbaine.
L’autre phénomène, que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises dans nos éditoriaux, concerne l’augmentation sans précédent de l’espérance de vie moyenne à la naissance au niveau mondial.
Au cours du seul dernier demi-siècle, comme le montrent toutes les études démographiques, et notamment celles de l’ONU et de l’OMS, l’espérance de vie à la naissance au niveau mondial a connu un bond spectaculaire, passant de 46 ans à 68 ans aujourd’hui (soit + 22 ans d’espérance de vie en 50 ans !)
Contrairement à de nombreuses idées reçues, l’espérance de vie a progressé dans toutes les régions du monde (à l’exception des zones de guerre), y compris dans les pays en voie de développement où elle a également augmenté d’une vingtaine d’années, passant de 36 à 56 ans.
Quant aux famines mondiales catastrophiques qui devaient décimer l’espèce humaine et à l’effondrement économique planétaire qui devait être la conséquence de cette évolution démographique, elles n’ont heureusement pas eu lieu, démentant une fois de plus les prévisions alarmistes et confirmant que la prospective est un art bien difficile !
Au contraire, grâce aux progrès techniques dans tous les domaines et notamment en agriculture et en agronomie, la ration alimentaire moyenne dans le monde a augmenté de plus de 30 % depuis 50 ans pour atteindre les 2 500 calories au début du 21e siècle.
Un seul exemple mais de taille illustre ces progrès incontestables, bien que souvent décriés, dus à la révolution verte. En 50 ans, l’Inde a multiplié sa productivité agricole par 3,5 et sa production de blé par 3 et cet immense pays, qui ne parvenait pas à être autosuffisant en céréales dans les années 60, est devenu exportateur de blé aujourd’hui, alors qu’au cours de cette période, sa population a triplé !
S’agissant de la malnutrition au niveau mondial, il faut également battre en brèche certaines idées reçues et rappeler, comme l’a fait la FAO en octobre 2012, que le nombre total de personnes sous-alimentées dans le monde a diminué de 132 millions entre 1990 et 2010, passant en pourcentage de 18,5 à 12,5 % au cours de cette période.
On voit donc que, non seulement les prévisions catastrophistes des années 60 et 70 ne se sont pas vérifiées, mais que le prétendu lien entre « surpopulation » et malnutrition n’existe pas, puisque le pourcentage de la population mondiale souffrant de malnutrition a été divisé par trois en 50 ans alors que dans le même temps la population mondiale a doublé !
Il reste que la question de l’évolution démographique mondiale est évidemment capitale, compte tenu de l’impact de cette évolution sur le plan économique, social et politique.
Dans sa dernière hypothèse « médiane », l’ONU table à présent sur une population mondiale de 9,3 milliards de personnes en 2050 et 10,1 milliards en 2100. Selon ces dernières prévisions de l’ONU, la croissance démographique mondiale va non seulement poursuivre sa décélération mais atteindre son maximum dans la fin de ce siècle, après quoi la population mondiale commencera lentement à décliner.
Il est vrai que depuis 40 ans, le taux de fécondité mondial a été divisé par deux, passant de 5 à 2,5 enfants par femme.
On estime qu’à présent plus de la moitié des pays du monde ont un taux de fécondité inférieur ou égal au seuil de remplacement des générations (environ 2,1 enfants par femme). C’est le cas en Europe mais également, de manière plus surprenante, au Brésil, en Chine, au Bangladesh et dans la plupart des pays d’Afrique du Nord.
Les travaux de l’ONU montrent bien que le rythme d’augmentation de la population mondiale ne cesse de diminuer depuis un demi-siècle : il est passé de 2 % par an dans les années 60 à un peu plus de 1 % aujourd’hui et devrait continuer à baisser au cours de ce siècle.
On le voit, nous sommes très loin des sombres prévisions que faisaient certains démographes ou économistes il y a encore quelques années. Le vrai défi n’est donc plus de faire face à une prétendue « explosion démographique » mais d’affronter un problème autrement plus redoutable et réel, le vieillissement inéluctable et accéléré de la population mondiale.
En effet, selon les dernières prévisions de l’ONU, l’espérance de vie devrait continuer à augmenter au niveau mondial et passer de 68 ans en 2010 à 81 ans à la fin de ce siècle (sans doute près de 90 ans dans les pays développés, compte tenu des progrès médicaux prévisibles), ce qui se traduira par un vieillissement considérable de la population mondiale, tant en valeur relative qu'en valeur absolue.
Les personnes de plus de 60 ans qui ne représentaient que 8 % de la population mondiale en 1955 en représentent 12 % aujourd’hui et en représenteront 20 % en 2050, soit près de 2 milliards de personnes !
Quant aux personnes de plus de 80 ans, elles seront au moins 400 millions en 2050, c’est-à-dire presque quatre fois plus qu’aujourd’hui et 25 fois plus qu’en 1950.
L’âge médian de la population mondiale devrait, pour sa part, gagner 10 ans d’ici le milieu de ce siècle pour arriver à 36 ans.
Les conséquences de ce vieillissement démographique mondial vont être incalculables. En premier lieu, comme l’ont calculé certains économistes, l’expérience humaine accumulée (qui prend en compte le nombre d’habitants de la planète ayant plus de 40 ans d’expérience professionnelle) va doubler au cours de ce siècle, passant de 200 à 420 milliards d’années.
Pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, quatre générations vont coexister durablement, dont trois dans la sphère économique et professionnelle. L’espèce humaine va donc disposer d’un capital vivant de savoir et d’expérience d’une richesse extraordinaire.
Mais cela suffira-t-il à compenser l’impact du vieillissement mondial sur les économies et les sociétés ? Personne ne peut le dire aujourd’hui. Les fameux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui représentent déjà un quart de l’économie mondiale et en représenteront la moitié à l’horizon 2050, risquent en effet d’être confrontés à des problèmes gigantesques pour « absorber » ce choc démographique sans précédent et, comme le soulignent, non sans cynisme, certains économistes, ils risquent, d’ici deux générations, de « devenir vieux avant d’être riches ».
Dans ces régions du monde en plein développement économique, la priorité est en effet à la croissance et il n’existe pour l’instant aucun système global de protection sociale et de retraite qui puisse assurer une vie décente aux personnes âgées dont le nombre va pourtant exploser au cours des 50 prochaines années.
Mais d’une manière plus générale encore, personne ne sait aujourd’hui comment le monde, y compris les pays les plus développés comme le nôtre, va prendre en charge sur le plan économique, social et médical les 400 ou 500 millions de personnes de plus de 80 ans qui vivront sur Terre au cours de la deuxième moitié de ce siècle.
Cette question constitue sans doute, avec la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique, le plus grand défi de civilisation que nous allons devoir relever.
Il s’agit d’un problème d’autant plus redoutable que, si le rythme de progression de l’espérance de vie se maintient depuis des décennies et devait, selon toute probabilité, se poursuivre dans les années à venir, il ne semble pas en aller de même en ce qui concerne la progression de l’espérance de vie sans incapacité, indicateur qui mesure combien d’années de vie autonome en moyenne peut espérer disposer une personne de plus de 60 ans.
Selon de récentes études, cette espérance de vie sans incapacité, après avoir constamment augmenté depuis des décennies, connaîtrait une légère diminution dans certains pays, dont la France, sans que l'on puisse savoir si cette diminution est « accidentelle » ou exprime une tendance plus fondamentale.
Face à cette situation pour le moins préoccupante, nous devons d’abord accentuer notre effort de recherche au niveau national et européen, afin de trouver de nouvelles solutions thérapeutiques aux grandes pathologies liées à l’âge (en particulier, le cancer, les démences liées aux maladies neurodégénératives et les maladies cardio-vasculaires), grâce aux thérapies cellulaires et géniques.
Mais cela ne suffira pas et nous devons également généraliser le plus rapidement possible toute une panoplie de « Gérontechnologies » sans lesquelles il ne sera pas possible pour nos sociétés de prendre en charge à un coût supportable l’indispensable accompagnement médico-social de nos aînés.
Deux axes technologiques vont devoir être développés avec force pour permettre aux personnes très âgées de conserver leur autonomie et une bonne qualité de vie jusqu’au terme de leur vie. En premier lieu, il va falloir utiliser toutes les ressources de la télémédecine, bio-implants, télésurveillance médicale, systèmes domotiques spécialement conçus pour aider les seniors.
Mais il faudra également, de manière complémentaire, généraliser la robotique d’assistance personnelle qui deviendra un outil irremplaçable d’accompagnement et d’assistance pour les personnes très âgées. A cet égard, le Japon, très en avance sur le reste du monde, constitue un exemple dont nous ferions bien de nous inspirer davantage.
Malheureusement, nous n’avons pas encore pris toute la mesure de ce défi du vieillissement mondial. Nous devons comprendre que nous ne pourrons pas le surmonter en y appliquant les solutions d’aujourd’hui mais qu’il nous faudra innover radicalement dans tous les domaines, pour que la vieillesse ne soit plus seulement synonyme de déclin et de charges supplémentaires pour la collectivité mais devienne pour tous une période de plénitude existentielle, d’épanouissement et de créativité.
René TRÉGOUËT
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
Noter cet article :
Vous serez certainement intéressé par ces articles :
Edito : Démographie mondiale : le scenario de la « planète vide », se confirme...
CAMPAGNE de DONS Total des dons reçus depuis le début de la campagne : 4.047,50 € = 107,...
Recommander cet article :
- Nombre de consultations : 527
- Publié dans : Sciences sociales
- Partager :
J.T.
12/04/2013Deux à trois facteurs pourraient contredire cette inquiétude sur le vieillissement grandissant (ou un optimisme démesuré sur la longévité) des populations futures :
- l'aggravation des maladies cardiovasculaires des obèses - votre article http://www.rtflash.fr/generations-adultes-d-aujourd-hui-sont-en-moins-bo...
- le manque d'emploi des jeunes, ce qui les poussent à boire, se droguer et à se nourrir mal;
- l'augmentation énorme du stress (donc de la cigarette crue "calmante"), qui chez les femmes enceintes est très dommageable pour la santé du fœtus...
Pour autant, il n' y a surtout pas à penser : "Vive les crises !", car tout peut finalement se juguler avec un tout petit peu plus de bonne volonté de tous..., y compris des pouvoirs sur la juste répartition économique et financière qui satisfasse tout le monde..., comme en Suède !
coco1945
24/04/2013Et, pour faire plaisir à R.T. question survie, "l'avancée" tech-no-logique ne consistera-t-elle pas à greffer les cerveaux... de "vieux en trop", à gestes saccadés et tremblants..., à des robots qui n'auront aucun besoin de retraite fixe..., sinon d'un peu d'huile de coude ("Haies-lasses...sans parachute dors-haies !" dirait le gorille, de jungle si encore présente, qui les dépassera tous)...