RTFlash

Edito : la vie, cette inconnue !

A quelques jours d'intervalle, deux découvertes extraordinaires dans le domaine du vivant ont fait grand bruit au sein de la communauté scientifique mondiale.

Tout d'abord, des chercheurs de l'université d'Harvard sont parvenus à inverser le processus de vieillissement de souris. Comme le précise Ronald de Pinho qui a dirigé cette expérience, « Il ne s'agit pas d'un ralentissement de la vieillesse, mais bien d'organes âgés qui se sont régénérés » (Voir article).

En modifiant certains de leurs gènes, les chercheurs sont parvenus à régénérer les organes de ces souris âgées de manière spectaculaire.

Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont élevé un groupe de souris dépourvues d'une enzyme appelée télomérase, enzyme qui permet de conserver la longueur du chromosome en ajoutant une structure spécifique à chaque extrémité : le télomère.

Son amenuisement est lié au processus de vieillissement. Sans cette enzyme, donc, les souris ont vieilli rapidement. Mais lorsqu'elles ont été réactivées sur ces mêmes souris, leurs organes se sont régénérés de façon substantielle.

Bien que l'activation de la télomérase ne soit pas applicable à l'homme pour l'instant, car elle pourrait augmenter les risques de cancers, cette expérience remarquable montre bien que les maladies liées à l'âge sont réversibles, ainsi que le souligne Ronald de Pinho, l'auteur principal de l'étude.

L'équipe de scientifiques veut maintenant savoir si la durée de vie de ces souris va augmenter ou bien si elles vivront simplement en bien meilleure santé.

La deuxième découverte concerne l'identification d'une nouvelle forme de vie fondée sur l'arsenic. (Voir articles de la NASA et de Science).

Après la découverte, il y trente trois ans, d'une nouvelle et surprenante forme de vie sous-marine constituée par de longs vers tubulaires capables d'utiliser l'hydrogène sulfuré pour se nourrir, des chercheurs américains ont découvert au fond d'un lac de Californie, un nouveau type de bactérie qui est capable de se développer à partir de l'arsenic.

Cette bactérie est non seulement capable de survivre à ce violent poison naturel, mais elle en incorpore également des éléments dans son propre ADN. Cette découverte bouleverse le dogme scientifique concernant les éléments de base nécessaires au développement de la vie : le carbone, l'hydrogène, l'azote, l'oxygène, le phosphore et le soufre.

Felisa Wolfe-Simon, chercheuse en astrobiologie à l'Institut de géophysique américain et Ariel Anbar, de l'Université de l'Arizona et Paul Davies, un autre scientifique, avaient déjà publié en 2009 des travaux émettant l'hypothèse que l'arsenic puisse se substituer au phosphore dans des formes précoces de vie sur Terre. Felisa Wolfe-Simon a donc voulu expérimenter cette théorie au Lac Mono (Californie), qui présente des taux élevés d'arsenic. La chercheuse a donc prélevé des sédiments, pour ensuite les mettre dans une bouteille contenant essentiellement de l'arsenic et très peu de phosphore.

La bactérie, appelée GFAJ-1, a survécu. Ariel Anbar a expliqué que cette bactérie était déjà connue. Cependant personne ne soupçonnait qu'elle était capable de se comporter de cette manière.

Cette découverte majeure éclaire d'un jour tout à fait nouveau notre conception de la vie et de son éventuelle propagation dans l'univers. En effet, tous les organismes vivants sont essentiellement composés de six éléments chimiques : le carbone, l'hydrogène, l'azote, l'oxygène, le soufre et le phosphore. Ces éléments forment les acides nucléiques (porteurs de l'information génétique), les protéines, les glucides et les lipides.

Mais Felisa Wolfe-Simon et ses collègues ont montré que cette bactérie de la famille des Halomonadaceae, est capable de vivre en substituant le phosphore par de l'arsenic. Les biologistes l'ont isolée à partir d'un milieu de culture enrichi en arsenate. Ce micro-organisme se multiplie davantage quand il utilise le phosphate, mais il croît en effet bien en présence d'arsenate (alors qu'il ne se développe pas en l'absence de l'une de ces molécules).

En outre, ces chercheurs ont montré que l'arsenic remplace le phosphore dans les macromolécules de la bactérie, en particulier les acides nucléiques. Et ces molécules à l'arsenic ne se dégradent pas dans la bactérie, peut-être parce qu'elles sont fabriquées dans un environnement cellulaire faiblement aqueux, où les complexes de l'arsenic seraient plus stables.

Il reste à présent à trouver comment fait cette bactérie pour modifier ainsi la composition élémentaire de ses molécules en fonction de son environnement et cette question fascinante sera l'un des grands défis scientifiques de ces prochaines années.

Enfin, cette extraordinaire bactérie relance les spéculations et les hypothèses sur la possible présence de multiples et surprenantes formes de vie dans l'univers, y compris dans des milieux « extrêmes » et a priori hostiles à l'apparition de la vie telle que nous la connaissons principalement, c'est-à-dire basée sur la chimie du carbone (Voir à ce sujet mon éditorial de janvier 2002 [« Existe-t-il d'autres formes de vie dans l'Univers ? )

Ces deux découvertes tout à fait passionnantes nous montrent que les mécanismes fondamentaux du vivant sont loin d'avoir livré tous leurs secrets et commencent à peine à être dévoilés. Elles nous montrent également combien les frontières entre champs de connaissance se brouillent et à quel point les grandes avancées scientifiques sont à présent le fruit de coopération et d'approches transdisciplinaires. Au-delà de la seule biologie, c'est bien à une réorganisation globale de l'arbre du savoir scientifique que vont conduire de telles découvertes.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Noter cet article :

 

Recommander cet article :

back-to-top