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Edito : Vers le bureau de vote en ligne

Les récentes élections aux Etats-Unis ont mis en évidence la nécessité d'accélérer nos réflexions sur le vote en ligne. A l'occasion d'un récent débat sur le vote par Internet, organisé par la société 3Com à Paris, les participants ont fait valoir un certain nombre d'objections fortes à la généralisation rapide du vote en ligne à domicile. Sur le plan technique tout d'abord, les votes en ligne supposent qu'on soit en mesure d'identifier de manière parfaitement sûre le cyberélecteur puis de garantir de manière absolue l'enregistrement et la transmission de son vote sans aucune modification. Les progrès de la biométrie devraient permettre une identification très sûre du cyberélecteur tout en conservant au vote son caractère personnel puisque l'identification reposerait exclusivement sur des caractéristiques physiques propres à l'électeur. En revanche, le problème de la sécurisation du réseau, évidemment essentiel en cas d'élection en ligne, est beaucoup plus difficile à résoudre. En effet, comment être certain que les votes ne peuvent en aucun cas être modifiés ou supprimés au cours de leur transmission par le réseau ? Seule, affirment les spécialistes, la mise au point et l'utilisation d'un mode de cryptage quantique semblent aujourd'hui susceptibles d'apporter une solution à ce problème fondamental de protection des données. Mais même en supposant que ces problèmes techniques soient résolus, et personne ne peut dire dans combien de temps cela sera le cas, il reste à régler un autre problème d'ordre civique celui là : comment maintenir au vote son caractère symbolique de démarche volontaire qui consiste à se déplacer puis à s'isoler avant de voter ? S'il suffit de cocher une case chez soi pour voter, entre la lecture de ses mails et un jeu en ligne, on peut se demander ce qui restera de la nature rituelle et symbolique essentielle qui s'attache à l'acte de voter. On peut aussi craindre que de nombreux électeurs ne fassent pas la différence entre le fait de voter ou de répondre à l'un de ces sondages en ligne de plus en plus nombreux qui nous sont proposés sur le net. Faut-il pour autant renoncer à utiliser l'Internet pour moderniser et améliorer notre procédure électorale et notre vie démocratique ? Certainement pas mais l'introduction de la technologie doit enrichir le débat démocratique et non le dénaturer par une banalisation excessive. Il est tout à fait possible d'imaginer à terme, grâce à l'identification biométrique, un concept de bureau de vote virtuel. Avec ce système, l'électeur serait certes obligé de sortir de chez lui pour aller voter mais au lieu d'être attaché à un bureau de vote unique, il pourrait aller voter dans le bureau de son choix car chaque bureau aurait accès à l'ensemble du fichier biométrique des électeurs inscrits et dès qu'un électeur aurait voté dans un bureau, il lui serait évidemment impossible de revoter ailleurs. Bien entendu, le vote serait électronique, ce qui permettrait d'une part de multiplier le nombre de bureaux de vote de manière à ce que chacun puisse facilement et rapidement voter et, d'autre part, d'obtenir un résultat immédiat du scrutin puisque le comptage informatique des bulletins se ferait en temps réel tout au long du vote. le Brésil vient d' expérimenter avec succès, et à la satisfaction générale, les bureaux de vote électroniques pour ses élections fédérales. Dans ce pays immense où de nombreuses régions restent difficiles d'accès, le recours aux bureaux de vote électronique a permis d'obtenir en quelques heures seulement des résultats électoraux parfaitement fiables. A contrario, un grand pays moderne comme les USA s'est trouvé confronté à une crise politico-juridique sérieuse parce qu'il n'a pas su, au niveau local, moderniser et simplifier les dispositifs matériels et bulletins de vote utilisés lors de l'élection présidentielle. Il se peut qu'un jour tous les obstacles techniques, psychologiques et sociaux qui empêchent le vote en ligne de chez soi soient levés. Mais d'ici là, et de manière plus réaliste, il est tout à fait possible et souhaitable de généraliser le recours au bureau de vote électronique et virtuel qui représenterait déjà un progrès considérable pour l'évolution de nos démocraties. Mais de la même manière que les citoyens d' Athènes se réunissaient sur l'Agora, il y a 25 siècles, il est essentiel que demain, les cybercitoyens restent conscients de l'importance civique et politique de leur vote et participent activement, en hommes libres et éclairés, à la vie publique.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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