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Edito : La valeur ajoutée numérique se déplace des ordinateurs vers les réseaux

En 1978, Intel lançait le premier microprocesseur 16 bits, le 8086, cadencé à 4,77 MHz. En 2003, les processeurs Intel Pentium IV présents dans nos machines tournent à 3 GHz, c'est à dire 630 fois plus rapidement qu'en 1978. A la même époque les disques durs de nos ordinateurs avaient une capacité de seulement 26 Mo. Aujourd'hui on trouve dans le commerce des machines avec des disques durs de 200 Go. La capacité des disques durs a donc été multipliée par 769 en 25 ans. On peut donc observer que les microprocesseurs et les mémoires informatiques de masse ont progressé selon le même ordre de grandeur en terme de puissance et de capacité. Mais lorsque l'on regarde à présent l'augmentation du débit en matière de transmission de données numériques sur les réseaux grand public, on constate qu'entre le minitel, lancé en 1978 avec un débit de 12,75 Kbits en voie "descendante" et l'internet haut débit de base en 2003 (1024 Kbits/ seconde) le débit n'a été multiplié que par 80 en 25 ans. Il y a presque un ordre de grandeur d'écart entre cette augmentation du débit des réseaux numériques et la progression des performances de nos ordinateurs. Le particulier se retrouve donc en France dans une situation paradoxale : il peut disposer pour moins de 1000 euros d'un PC surpuissant (équipé d'un énorme disque dur) mais il doit se contenter (hors offres de TV sur ADSL), pour échanger ses données numériques par le Net, d'un débit d'un mégabit/seconde (dans le meilleur des cas). Pourtant au Japon l'ADSL de base pour le particulier propose déjà 12 Mb/s (et dans certains cas 24 Mbits) pour seulement 30 euros par mois! Il repose sur la technologie ADSL Plus Q (pour quad-spectrum, qui quadruple la bande de fréquence utilisée pour le service à 12 Mb/s). L'opérateur télécom et FAI japonais KDDI a, lui, lancé une nouvelle gamme de services internet, utilisant la connexion à très haut débit en fibre optique (FTTH, Fiber to the home). Dénommée KDDI Hikari Plus (Hikari signifie lumière en japonais), elle est destinée aux immeubles d'habitations et propose trois services pour un prix très attractif : connexion à très haut débit (100 Mb/s), téléphonie IP et télévision numérique. L'abonnement aux trois services ne coûtera que 53,82 euros par mois, location du routeur compris. Il est frappant de constater que dés aujourd'hui le foyer japonais moyen peut, dans la plupart des cas disposer de l'internet à un débit 24 fois supérieur à celui du haut débit proposé à la plupart des foyers français desservis (1 Mb/s) et cela pour le même prix (environ 30 euros par mois). Avec de tels débits, l'internet nippon est en mesure de véhiculer sans problèmes plusieurs programmes de télévision en haute définition et ouvre la voie vers la télévision à la carte. En France, nous sommes encore loin de pouvoir proposer de tels débits aux particuliers mais cela n'a pas empêché la télévision par ADSL de faire ses premiers pas, il y a quelques jours, dans quelques grandes villes avec les offres de Free et France Télécom. France Télécom propose MaLigne TV pour 16 euros par mois. Ce prix comprend le décodeur des programmes TV et le modem mais pas l'accès aux programmes. TPS L, qui fournit six chaînes cinéma et les chaînes nationales, est proposé à 21 euros. Enfin, MaLigne TV est complétée par une série de programmes à la carte (cinéma et autre) facturés entre 0,5 et 7 euros l'émission. En dédiant un canal propre au flux audiovisuel, France Télécom entend assurer la qualité de la diffusion tout en sécurisant les contenus sur trois niveau : le cryptage des programmes avec le système Viaccess, identification du décodeur et, enfin, identification de la ligne téléphonique. Un niveau de sécurité qui a fini par convaincre les majors du cinéma américain comme Warner, MGM, ou Disney. D'autre part, MaLigne TV propose de la vidéo à la demande. Principal point fort de ma "MaLigne TV", elle est totalement indépendante de l'accès Internet. Beaucoup plus économique, l'offre de Free n'est pas comparable à celle de France Télécom. D'abord, le "freenaute" doit passer par Internet (et donc posséder un ordinateur) pour effectuer sa sélection de chaînes payantes. L'offre de TV sur ADSL de Free est incluse (pour la vingtaine de chaînes gratuites) dans le forfait ADSL de 29,99 euros par mois. A ce tarif, et à condition de bénéficier d'une freebox (réservée aux abonnés situés sur le réseau dégroupé du FAI), on regarde la télévision (une centaine de chaînes prévues à terme), on navigue sur Internet (à 2 Mbits/s, voire 5,5 Mbits/s dans les faits) et on téléphone gratuitement en France (vers les numéro fixes). On est donc loin des 16 euros d'accès à MaLigne TV, plus 21 euros pour les programmes TPS L, soit 37 euros auxquels il faut ajouter l'abonnement Internet pour ceux qui souhaitent profiter du Réseau mondial. Mais en distribuant le signal audiovisuel sur le canal "Internet", Free ne peut garantir la même qualité de service que France Télécom avec "MaLigne TV". Et pourtant, Free table sur un objectif d'un million d'abonnés fin 2005. Après le service de Free lancé le 1er décembre, celui de France Télécom aujourd'hui et bientôt ceux de LDCom et Cegetel, l'année 2004 marquera bien le véritable départ de la télévision sur l'ADSL. Impensable il y a encore quelques années, ce service innovant pourrait réussir là où le câble peine à s'imposer. Notamment dans l'offre de la télévision à la demande qui n'est rien d'autre qu'une forme de vidéo club à domicile. En cas de succès, l'arrivée de la télévision sur la ligne téléphonique pourrait bien porter le coup de grâce aux câblo-opérateurs si ceux-ci ne réagissent pas comme le font ceux du Japon actuellement en proposant des débits bien plus élevés que l'ADSL, et pour le même prix ! Personne ne peut dire aujourd'hui quel sera le succès auprès du grand public des différentes offres de TV par ADSL. Cela dépendra de la richesse des programmes proposés, de la fiabilité technique des services offerts et des modes accès alternatifs pour les foyers qui ne disposent pas d'un ordinateur. Mais le véritable défi de la décennie à venir va consister à multiplier par 100 le débit accès à l'internet pour les foyers. Seuls des débits de l'ordre de 100 Mbits/seconde pourront en effet permettre d'exploiter pleinement toute la puissance et la capacité de stockage (100 GHz et 1000 Go dans 10 ans, soit l'équivalent de 200 DVD) de nos ordinateurs domestiques en 2010, notamment pour les applications vidéo (jeux en ligne, simulation en réalité virtuelle et vidéo haute définition à la demande). Quelles que soient les améliorations techniques, on imagine mal l'ADSL sur paire de cuivre véhiculer de tels débits. L'internet très haut débit à plus de 100 Mbits/ seconde devra donc utiliser massivement la fibre optique combinée au Wi Fi large bande. Dans une telle perspective, on voit bien que la valeur ajoutée de l'économie numérique va se déplacer des ordinateurs, consoles et terminaux multimédia vers les applications, programmes et services personnalisés "à la carte" qui seront proposés et véhiculés par l'internet de prochaine génération.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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