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Vaincre les cellules leucémiques en les privant d’énergie

Les leucémies aiguës myéloïdes, qui affectent les cellules du sang et de la moelle osseuse, font partie des formes de cancer les plus mortelles. Plus de la moitié des malades de moins de 60 ans en meurent. Cette proportion s’élève à 85 % pour les malades de plus de 60 ans. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Inserm1 a identifié un mécanisme énergétique inconnu jusqu’ici qui pourrait permettre la mise au point de nouveaux traitements. L’activation sélective d’AMPK, un enzyme clé de l’équilibre énergétique des cellules tumorales, conduirait à la mort de ces cellules au travers de l’activation d’une réponse de la cellule au stress. Les scientifiques ont ensuite réussi à exploiter cette faille énergétique avec succès dans un modèle animal de la maladie.

Une combinaison de deux médicaments — dont l’un est déjà sur le marché — s’est en effet révélée prometteuse. Cependant, son efficacité doit encore être confirmée sur les cellules souches leucémiques capables d’échapper à de nombreux traitements pour ensuite redémarrer la croissance tumorale. Jérôme Tamburini, professeur associé au Département de médecine et au Centre de recherche translationnel en onco-hématologie (CRTOH) de la Faculté de médecine de l’UNIGE ainsi qu’au Swiss Cancer Center Léman (SCCL) et professeur à Université de Paris, travaille sur les mécanismes énergétiques des cellules tumorales dans les leucémies aiguës myéloïdes. Il s’intéresse particulièrement à une voie de signalisation cellulaire nommée AMPK. « AMPK est le principal détecteur du niveau énergétique des cellules », explique Jérôme Tamburini. « Cette voie s’active en cas de carence en énergie et enclenche alors un processus de dégradation de certains nutriments situés dans les cellules – le catabolisme – afin de produire l’énergie nécessaire ». Sans énergie, aucune cellule ne peut survivre. Serait-il alors possible de manipuler sélectivement ce mécanisme dans les cellules tumorales pour provoquer leur destruction, tout en préservant les cellules saines ?

En 2015, Jérôme Tamburini et ses collègues de l’Inserm à l’Institut Cochin à Paris avaient participé au développement avec le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) d’un composé pharmacologique — GSK621 — qui s’était avéré un excellent activateur d’AMPK in vitro. « Après cette première preuve de principe, il nous fallait décrypter les mécanismes biochimiques à l’œuvre afin de les comprendre en détail, et en particulier quelles étaient les voies cellulaires activées par ce composé dans les cellules leucémiques, premier pas pour espérer ensuite exploiter ce phénomène à des fins thérapeutiques », explique Jérôme Tamburini.

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont d’abord analysé l’expression des gènes de cellules tumorales humaines. Cela a permis d’identifier une enzyme, PERK, qui était particulièrement activée en réponse à la présence de GSK621. Or, PERK est un élément clé de la réponse au stress du réticulum endoplasmique, une structure intracellulaire spécialisée dans le métabolisme des protides et des lipides. « L’activation d’AMPK déclenche ainsi celle de PERK, puis une chaîne de réactions aboutissant à l’apoptose, la mort programmée de la cellule », détaille Jérôme Tamburini. « De plus, l’activation d’AMPK grâce au GSK621 permet d’augmenter le ciblage des cellules leucémiques par un autre composé pharmacologique, le venetoclax, aujourd’hui largement utilisé pour soigner les leucémies aiguës myéloïdes mais avec une efficacité limitée lorsqu’utilisé seul ».

Les scientifiques ont combiné ces deux médicaments chez des souris porteuses de cellules tumorales humaines et observé que la conjonction de ces deux composants permettait de contrôler le développement tumoral de manière bien plus efficace que lorsqu’un seul des deux était utilisé. Si GSK621 n’a pas été conçu pour devenir un médicament, d’autres produits actuellement en phase d’essais cliniques pour lutter contre les maladies métaboliques activent la voie AMPK. « Comprendre le mécanisme impliqué a mis en lumière des cibles thérapeutiques potentielles inconnues jusqu’ici », explique Jérôme Tamburini. « Nous allons maintenant pouvoir passer en revue tous les médicaments connus pour avoir un effet sur ces éléments et déterminer quelles seraient les combinaisons les plus efficaces ».

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

CNRS

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