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Edito : Thérapie cellulaire : le grand bond en avant

Il y a quelques semaines, deux équipes, l'une dirigée par Shinya Yamanaka, de l'Université de Kyoto (Japon), l'autre dirigée par James Thomson, de l'Université du Wisconsin (USA), obtenaient, à partir de cellules de la peau humaine, des cellules semblables aux cellules souches embryonnaires (CSE). Les cellules obtenues par Yamanaka et ses collègues sont semblables en apparence aux cellules souches embryonnaires et se comportent de la même façon qu'elles en culture : elles sont pluripotentes, c'est-à-dire qu'elles ont la capacité de se transformer en n'importe quel type de tissus. L'équipe de Thomson, a travaillé pour sa part à partir de cellules de peau de foetus et de nouveau-nés.

Cette fois, c'est une nouvelle étape qui vient d'être franchie : des chercheurs américains ont annoncé le 7 décembre qu'ils avaient réussi à reprogrammer des cellules souches cutanées prélevées sur la queue de souris malades puis à utiliser ces cellules pour les guérir d'une maladie génétique rare, la drépanocytose. Leurs travaux, publiés sur le site de la revue "Science", montrent qu'il est possible de transformer des cellules adultes en cellules présentant toutes les caractéristiques de cellules souches embryonnaires, capables de se différencier en toutes sortes de tissus humains composant l'organisme. Leurs travaux ne peuvent toutefois pas encore s'appliquer à l'homme, des obstacles demeurent, notamment le risque de cancer que pourrait provoquer la méthode de reprogrammation.

Mais sans ce nouveau travail sur la souris, les scientifiques ne savaient pas "si cette machinerie allait fonctionner ou pas", explique le premier auteur, Tim Townes, directeur du département de génétique moléculaire à l'Université d'Alabama. "C'est le premier exemple de maîtrise complète du cycle et de guérison."

Tim Townes a créé une lignée de souris possédant les gènes humains de la drépanocytose, une maladie génétique grave dans laquelle les globules rouges déformés ne peuvent plus transformer l'oxygène en quantité suffisante. Pour cette expérience, Townes s'est associé à l'éminent scientifique Rudolph Jaenish de l'Institut Whitehead de Cambridge (Massachusetts). Ensemble, ils ont reprogrammé les cellules cutanées de ces souris en cellules possédant toutes les caractéristiques des cellules souches embryonnaires. Ils ont forcé les cellules nouvellement reprogrammées à se différencier en cellules productrices de sang. Puis ils ont remplacé le gène à l'origine de cette maladie par une version saine. Les souris se sont mises à produire du sang sain et les signes cliniques de drépanocytose ont disparu.

Townes veut à présent tester cette méthode chez l'homme mais avant d'en arriver à ce stade, il faut savoir si les cellules de peau provenant de personnes atteintes de drépanocytose peuvent être reprogrammées de la même manière. Une recherche qui peut prendre plusieurs années avant de pouvoir créer une méthode de reprogrammation sans danger pour être expérimenté chez l'humain.

En Europe, la recherche est également en train de franchir des étapes décisives. Bernd Fleischmann (Université de Bonn, Allemagne) et ses collègues ont en effet greffé à des souris adultes souffrant d'arythmie ventriculaire des cardiomyocytes embryonnaires de souris. Le rythme cardiaque s'est stabilisé grâce à une meilleure activité électrique des cellules.

Une transplantation de cellules de muscle génétiquement modifiées pourrait traiter les irrégularités du rythme cardiaque chez des personnes dont le coeur a été éprouvé par des infarctus, expliquent des chercheurs dans la revue Nature. Ces travaux menés sur les souris, encore préliminaires, ouvrent une nouvelle voie de recherche pour la thérapie cellulaire, qui suscite de grands espoirs en cardiologie. Ces recherches ouvrent la voie vers de futures thérapies réparatrices pour le coeur.

Autre avancée récente : une équipe franco-italienne a montré que des cellules souches musculaires modifiées de patients atteints de dystrophie musculaire pouvaient réduire les symptômes de cette maladie chez des souris. Cette découverte permet d'espérer parvenir un jour à traiter les malades avec leurs propres tissus. Enfin, des chercheurs japonais ont montré que des cellules souches provenant de dents de lait pouvaient être utilisées pour produire des cellules osseuses.

Il est frappant de voir qu'en quelques semaines la recherche mondiale a accompli des pas de géant dans la compréhension des mécanismes les plus intimes de la différenciation cellulaire et a démontré qu'il était possible d'utiliser à des fins thérapeutiques des cellules adultes reprogrammées, contournant ainsi l'obstacle éthique récurrent lié à l'utilisation des cellules souches embryonnaires.

Nul doute, à la lumière de ces remarquables avancées scientifiques que les thérapies cellulaires, combinées au thérapies géniques, vont révolutionner dans les 20 ans qui viennent la médecine mais également la société toute entière car les nouveaux outils thérapeutiques qui vont découler de ces recherches ne seront pas seulement efficaces contre une multitude de maladie, ils permettront également de s'attaquer directement aux effets biologiques et organiques du vieillissement. Souhaitons que la France et L'Europe se donnent les moyens de rester en course dans cette compétition scientifique mondiale aux enjeux décisifs pour notre avenir.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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