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Séisme dans la biologie : il serait possible d'agir sur l'ADN avec l'ARN…

Décidément, en biologie, les dogmes les plus solides et les plus établis se fissurent les uns après les autres : il était admis jusqu’à présent que l’ADN pouvait influer sur l’ARN mais pas l’inverse. Mais voilà que des chercheurs américains de l’Université Thomas Jefferson, à Philadelphie en Pennsylvanie, affirment que les segments d'ARN peuvent être, dans certaines conditions, réécrits dans l'ADN. « Ce travail ouvre la porte à de nombreuses autres études qui nous aideront à comprendre l'importance d'avoir un mécanisme pour convertir les messages d'ARN en ADN dans nos propres cellules », s’est réjoui Richard Pomerantz, professeur agrégé de biochimie et de biologie moléculaire à l'Université Thomas Jefferson et auteur principal de l’étude.

Selon cette étude, qui fait grand bruit au sein de la communauté scientifique, et pourrait bien valoir le Nobel de Médecine à ses auteurs, un tel mécanisme est possible via des polymérases, des enzymes qui permettent de répliquer de l’ADN. Ces dernières créent également des messages d'ARN, qui sont des copies transitoires d’une portion de l’ADN, qui sont transportées pour transmettre l’information codée dans notre génome et permettre la synthèse des protéines nécessaires au fonctionnement de nos cellules.

Mais jusqu'à lors, on pensait que les polymérases ne fonctionnaient que dans un seul sens de l'ADN en ADN ou ARN, empêchant les messages d'ARN d'être réécrits dans l’ADN. C'est justement cette théorie qui est remise en cause par cette nouvelle recherche qui montre, selon les chercheurs, que les segments d'ARN peuvent être réécrits dans l'ADN. « La réalité selon laquelle une polymérase humaine peut le faire avec une grande efficacité soulève de nombreuses questions », estime Richard Pomerantz. Cela peut notamment indiquer que les messages d'ARN peuvent être utilisés comme modèles pour réparer ou réécrire l'ADN génomique.

Pour cette étude, les chercheurs ont étudié une polymérase très inhabituelle, appelée polymérase thêta. Sur les 14 ADN polymérases présentes dans nos cellules, seules trois effectuent l'essentiel du travail de duplication de l'ensemble du génome pour préparer la division cellulaire. Les autres sont principalement impliqués dans la détection et la réparation en cas de rupture ou d'erreur dans les brins d'ADN.

La polymérase thêta est de celles-là mais est particulièrement sujette aux erreurs et provoque notamment de nombreuses erreurs ou mutations. Ces chercheurs ont découvert que la polymérase thêta partage certaines de ses “mauvaises” qualités avec la transcriptase inverse, une enzyme qui est capable de convertir l’ARN en ADN, que l’on peut retrouver notamment dans le VIH. Ces enzymes sont utilisées par les rétrovirus qui contiennent de l'ARN.

Dans une série d’expériences, les chercheurs ont testé la polymérase thêta contre la transcriptase inverse du VIH. Ils ont montré que la polymérase thêta est capable de convertir les messages d'ARN en ADN avec encore plus d’efficacité que lors de la duplication de l'ADN. Cette découverte suggère que cette fonction pourrait être son objectif principal dans la cellule. Pour l’affirmer, les chercheurs ont utilisé la cristallographie aux rayons X et constaté que cette molécule est capable de changer de forme afin de s'adapter à la molécule d'ARN plus volumineuse, ce qui, en cas de confirmation, serait “un exploit unique parmi les polymérases”, notent les chercheurs.

Cette découverte considérable, si elle était confirmée, relancerait notamment la question d'une possible transmission du génome du coronavirus SARS-CoV-2 dans l'ADN par l'intermédiaire des vaccins à ARN messager. Mais une analyse du mécanisme de ces vaccins réalisée en janvier 2021 a apporté une réponse clairement négative : contrairement à celui du VIH, le génome du coronavirus ne contient pas l'information qui lui permettrait d'entrer dans le noyau des cellules et d'intégrer l'ADN cellulaire.

En revanche, cette nouvelle fonction des cellules capables de reconvertir des séquences d'ARN en ADN pourrait peut-être permettre aux scientifiques de révolutionner leur approche théorique du mécanisme de croissance des cellules cancéreuses. « Notre recherche suggère que la fonction principale de la polymérase thêta est d'agir comme une transcriptase inverse », a conclu le Docteur Pomerantz. « Dans les cellules saines, le but de cette molécule peut être la réparation de l'ADN par l'ARN. Dans les cellules malsaines, telles que les cellules cancéreuses, la polymérase thêta est fortement exprimée et favorise la croissance des cellules cancéreuses et la résistance aux médicaments. Il sera passionnant de mieux comprendre comment l'activité de la polymérase thêta sur l'ARN contribue à la réparation de l'ADN et à la prolifération des cellules cancéreuses ».

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Science Advances

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