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Un rêve : mettre la lumière au service de l'informatique

Les électrons ont fait de notre époque celle de l'information. Aujourd'hui, pour augmenter les débits et répondre aux besoins croissants de cette société, ils se sont alliés aux grains de lumière, les photons, pour transmettre les données. Mais ce mariage forcé qui a donné naissance à un nouveau secteur d'activité, l'électronique optique - ou optoélectronique -, n'est pas sans nuages. Le silicium, superstar de la technologie de l'information, est en effet impuissant à produire de la lumière. Dans ces conditions, construire une optronique miniaturisée à partir de puces de silicium paraît relever de la gageure. Pourtant, certains travaux récents laissent à penser que quelques-uns de ces systèmes pourraient voir le jour d'ici à la fin de la décennie. Tant mieux car, aujourd'hui, la lumière est déjà partout. Les fibres optiques transmettent en un instant, et à des milliers de kilomètres, les impulsions de faisceaux laser chargés d'information avec des débits plus importants que ceux offerts par de modestes fils de cuivre. C'est encore la lumière de lasers miniaturisés, obtenus à partir de matériaux semi-conducteurs, qui décryptent le son des disques compacts et qui inscrivent les données sur les disques magnéto-optiques de certains systèmes de stockage dont les capacités sont supérieures à celles des disques durs magnétiques de nos ordinateurs. Mais ce n'est pas suffisant. Aujourd'hui, l'information d'un e-mail envoyé au bout du monde est au départ convertie sous une forme électronique, puis traduite en photons de lumière quand elle est injectée dans les fibres optiques des câbles de télécommunications intercontinentaux, et reconvertie enfin sous une forme électronique à l'arrivée. Les spécialistes des télécommunications et les chercheurs en électronique aimeraient bien s'affranchir de toutes ces ruptures de charge et n'avoir à traiter que des photons, que des signaux de lumière, reléguant ainsi l'électronique à une technique du passé. Mais ce rêve est encore lointain. L'hybride actuel qu'est le mariage entre électronique et optique paraît donc devoir nous accompagner encore longtemps. Un mariage dans lequel aucun des deux conjoints ne paraît très heureux. Le traitement et la transmission d'informations par la lumière nécessitent l'usage du laser ainsi que d'autres sources lumineuses, comme les diodes électroluminescentes. L'industrie de la micro-informatique utilise, par ailleurs, comme dispositifs de commande des transistors, et élabore entièrement ses composants à partir du silicium. Mais personne n'a réussi à ce jour à créer un laser au silicium. En revanche, les lasers d'un lecteur de disques compacts se composent de divers semi-conducteurs à l'arséniure de gallium pour l'essentiel. Malheureusement, arséniure de gallium et silicium ne s'entendent guère. Tous deux possèdent une structure cristalline, leurs atomes étant disposés en rangs réguliers comme des oeufs dans leur boîte. Sauf que les boîtes ne sont pas de même taille : la distance entre les atomes adjacents du silicium - la constante d'assemblage - diffère de celle de l'arséniure de gallium. En conséquence, plaquer une couche d'arséniure de gallium sur une feuille de silicium désorganise complètement l'interface de ces deux couches. Cherchant à s'harmoniser, les atomes de l'un et l'autre matériaux se tendent et se rétractent à leur surface. D'où l'apparition de défauts sous forme de fissures dans la pellicule d'arséniure de gallium, qui annulent ses propriétés de conducteur d'électricité et le rendent inutilisable comme laser à solide. Il en va de même pour d'autres semi-conducteurs électroluminescents. Ainsi n'est-il pas facile d'appliquer des lasers miniatures à une puce de silicium à côté de circuits de micro-informatique. Les choses seraient plus simples si le silicium se comportait comme l'arséniure de gallium, en émettant de la lumière lorsqu'il est stimulé par un courant électrique. Les chercheurs s'efforcent donc depuis plus de dix ans de rendre le silicium « lumineux ». Une solution est de le doper avec des atomes bons émetteurs de lumière, comme ceux de l'erbium. Cela fonctionne, mais pas suffisamment bien. Une autre est d'utiliser des molécules électroluminescentes comme le silicate de cérium, dont Won Chel Choï (Institut coréen des sciences et de la technologie de Séoul) a montré qu'il se plaisait sur le silicium et qu'il émettait une lumière bleue et violette lorsqu'il était stimulé par un autre laser. Mais une des idées les plus prometteuses est celle qui consiste à découper le silicium en structures si fines que son comportement s'en trouve modifié par les lois de la mécanique quantique, qui le transforment alors de médiocre en bon émetteur de lumière. Le silicium traité par un acide puissant devient poreux comme une éponge, comme l'a découvert en 1990 Leigh Canham, de la Defence Research Agency (Malvern, Angleterre). Il se compose de fils quantiques de quelques nanomètres (millionièmes de millimètres), qui deviennent incandescents lorsqu'ils sont traversés par un courant. De plus, la couleur de cette incandescence varie selon l'épaisseur des fils, alors que la couleur émise par les semi-conducteurs électroluminescents est spécifique à chaque matériau. Du jaune, du rouge, du vert et du bleu ont été ainsi obtenus par Canham. En 1996, Philippe Fauchet et son équipe de l'université de Rochester (New York) ont démontré qu'un tel procédé pouvait vraiment mener à une électronique optique intégrée. Ils ont mis au point une diode électroluminescente (light emitting diode, ou led) de silicium poreux, qu'ils ont placée sur une puce non pas de silicium pur, mais d'un matériau similaire riche en silicium. Cependant, ces leds sont encore trop peu efficaces pour convertir l'électricité en lumière et devenir commercialement viables. Mais, plus que les diodes, c'est d'un laser à silicium que l'électronique optique a besoin. Un tel produit, affirme Leigh Canham, révolutionnerait la conception des superordinateurs et ouvrirait la voie à de nouveaux types de dispositifs d'optoélectronique. Des premiers résultats ont été annoncés en novembre 1999 par Lorenzo Pavesi (université de Trente), qui a réussi à obtenir à partir du silicium quelque chose qui se rapproche de la lumière laser en exploitant l'idée de Canham. En décembre de la même année, des Suisses de l'Institut Paul-Scherrer (Villigen) ont, sous la conduite d'Ulf Gennser, fabriqué un laser semi-conducteur non traditionnel en superposant avec le plus grand soin de nombreuses couches très fines de silicium et de germanium. De tels lasers quantiques, dits en cascade, ont été obtenus pour la première fois en 1994 à partir de semi-conducteurs électroluminescents à base d'arséniure d'indium et de gallium (InGaAs). Ils sont encore, malheureusement, peu efficaces et trop coûteux pour servir dans l'électronique optique du silicium.

Le Monde :

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3244--143338-,00.html

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