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Réparer le cœur sans recourir à la chirurgie

Cette technique révolutionnaire, mise au point par le Professeur Cribier, est aujourd'hui pratiquée partout dans le monde. C'était il y a dix ans, le 16 avril 2002. Le Professeur Alain Cribier, cardiologue à l'hôpital Charles-Nicolle, à Rouen, réalisait une première mondiale en posant une valve cardiaque sans ouvrir le thorax. À l'époque, personne n'y croyait : seuls les patients les plus robustes étaient opérés. Les autres étaient condamnés. Dix ans plus tard, l'«implantation transcutanée de bioprothèse aortique» a permis de poser près de 50.000 valves dans le monde. Le rétrécissement aortique est une maladie redoutable dont la cause n'est pas bien connue. Il s'agit d'un épaississement fibreux et calcifié de la valve aortique, cette fine membrane qui joue le rôle de soupape et qui se situe à la sortie du cœur, entre le ventricule gauche (la pompe cardiaque) et l'aorte, le conduit artériel par où passe le sang éjecté du cœur. Une fois épaissie, cette valve ne peut plus s'ouvrir et entrave alors le passage du sang vers l'aorte.

Les conséquences sont très graves. La maladie se manifeste par un essoufflement à l'effort, des douleurs d'angine de poitrine, des vertiges ou des syncopes. «Elle évolue très lentement mais lorsque les symptômes apparaissent, huit malades sur dix meurent dans les deux ans si l'on n'agit pas», explique le Professeur Alain Cribier. Cette pathologie touche 6 % des sujets de plus de 65 ans et sa fréquence augmente très vite avec l'âge. C'est la valvulopathie la plus fréquente dans les pays développés. Il n'existe aucun traitement purement médical, la seule solution consiste à changer la valve défectueuse. Son remplacement par une valve artificielle a longtemps été une affaire de chirurgien. L'opération est lourde puisqu'elle nécessite une ouverture du thorax au niveau du sternum et une circulation extracorporelle permettant d'arrêter le cœur durant l'intervention. Elle est bien tolérée et demeure la technique de référence. Malheureusement, un tiers des patients qui ont besoin d'être opérés ne peuvent l'être en raison de leur fragilité, de leur grand âge ou de l'existence de maladies associées.

La technique percutanée développée par Alain Cribier est destinée à ces patients inopérables ou ayant un risque élevé de complications opératoires. La valve, faite de tissu animal spécialement traité pour éviter les calcifications, est mise en place à l'aide d'un cathéter introduit par l'artère fémorale ou, plus rarement, par la pointe du cœur. «C'est une vraie révolution thérapeutique qui nous a permis de résoudre le problème des patients inopérables», reconnaît, admiratif, le Docteur Thierry Lefevre, cardiologue à l'Institut cardiovasculaire Paris Sud. Aujourd'hui, 33 hôpitaux sélectionnés par le ministère de la Santé peuvent réaliser cette implantation.

Depuis 2008, 3500 patients, en moyenne âgés de 82 ans, ont été implantés mais le rythme s'accélère : il frôle actuellement le cap des 200 par mois. Il faut dire que le remboursement, obtenu il y a deux ans, en a largement facilité l'accès, même si les indications restent très encadrées. Outre la chirurgie, l'implantation transcutanée permet également d'éviter aux malades de subir une anesthésie générale. Une anesthésie locale suffit, avec une durée d'hospitalisation réduite à quelques jours, ce qui n'est évidemment pas le cas avec l'opération à cœur ouvert.

En dix ans, cette technique a d'ores et déjà sauvé des milliers de vies. Et connaît un succès croissant : «Les médecins n'hésitent plus à nous adresser des patients qu'ils pensaient inopérables, constate le Docteur Thierry Lefèvre. Depuis son apparition, ce sont 30 % de patients en plus qui sont soignés chaque année.» Enfin, l'implantation transcutanée d'une bioprothèse aortique a un autre atout : elle ne coûte pas cher. En ces périodes d'économies tous azimuts sur la santé : elle ne revient qu'à 23.000 euros, une somme très inférieure au coût d'une opération aussi lourde qu'une intervention à cœur ouvert…

Santé.Le Figaro

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