RTFlash

Edito : Rapport Olivennes : lutter contre le piratage numérique de façon intelligente et efficace

A la demande du Président de la République, Denis Olivennes a rendu, le 23 novembre dernier, son rapport sur la piraterie numérique et celui-ci a donné lieu à un accord signé à l'Elysée. Il faut rappeler que la création artistique et musicale est gravement menacée par le piratage : En 2006, un milliard de fichiers piratés d'oeuvres musicales et audiovisuelles ont été échangés en France. Le marché du disque a baissé de près de 50 % en volume et en valeur au cours des cinq dernières années. Enfin, le nombre de nouveaux artistes « signés » chaque année a baissé de 40 %.

Cette situation constitue évidemment un manque à gagner considérable pour les éditeurs et producteurs mais elle est également très dommageable pour les jeunes artistes qui ont le plus grand mal à vivre de leur métier et ne perçoivent pas de justes rémunérations pour leurs oeuvres.

Néanmoins il faut bien avouer que les solutions trouvées jusqu'à présent, notamment dans le cadre de la loi DADVSI, reposaient sur des peines et sanctions inadaptées et disproportionnées - jusqu'à 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende- notamment pour les « pirates occasionnels ». Il fallait donc faire preuve d'imagination et changer de logique dans cette lutte contre la cyberpiraterie. Jusqu'à présent, la seule possibilité ouverte contre un pirate était de saisir le juge pénal en se fondant sur le délit de « contrefaçon ».

L'accord du 23 novembre prévoit la mise en place d'une autorité administrative indépendante, qui sera chargée de prévenir et de sanctionner le « piratage ». Cette autorité pourrait être l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), qui existe déjà mais dont le rôle est plus restreint. Elle commencera par envoyer aux pirates des messages d'avertissement qui seront personnalisés. Si le pirate récidive, l'autorité prendra alors des sanctions adaptées : suspension de l'abonnement Internet, puis sa résiliation. Un « fichier des résiliés » sur le modèle du fichier des interdits bancaires de la Banque de France sera créé.

Après les « luttes » auxquelles la loi DADVSI a donné lieu, la méthode suivie a tiré les leçons du passé et l'accord Olivennes a fait l'objet d'un très large consensus préalable entre tous les acteurs. C'est la première fois que le monde du cinéma et celui de la musique se mettent d'accord sur les solutions pour lutter contre le piratage et pour améliorer l'offre légale, mais aussi la première fois qu'un consensus est créé entre les artistes et les fournisseurs d'accès Internet.

Cet accord est novateur et très intéressant car il s'accompagne de progrès substantiels de la part des producteurs de contenus numériques. Les maisons de disque se sont engagées à retirer les « mesures de protections » des productions françaises de leurs catalogues. Cela signifie qu'une musique achetée légalement pourra être lue plus facilement sur tous les types d'appareils, par exemple sur tous les baladeurs. L'offre légale sera plus facilement accessible, plus riche, plus souple, notamment en matière de vidéo à la demande.

Cet accord Olivennes vient logiquement d'être complété, le 7 décembre, par un autre accord passé entre l'Etat et la SACEM. La société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, chargée de récolter les droits d'auteur des artistes à chaque diffusion de leurs oeuvres, a en effet obtenu de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés, chargée de la protection de la vie privée) le droit de rechercher les «pirates», via l'adresse IP de leur ordinateur sur le Web.

En pratique, la Sacem ne pourra pas identifier l'internaute lui-même. Mais la société pourra en revanche monter un dossier associant à une adresse IP l'ensemble des téléchargements effectués depuis cette adresse, et le transmettre à un juge, qui décidera - ou non - d'engager des poursuites. Néanmoins, la Sacem n'aura pas le droit d'envoyer des messages préventifs aux internautes fautifs afin de les prévenir des sanctions encourues. Une autorité administrative chargée de superviser la lutte contre le téléchargement illégal s'en chargera. Elle aura également le droit, en cas de récidive, de demander la suspension ou la résiliation de l'abonnement internet du fautif.

Ainsi complété, l'accord Olivennes constitue une avancée très novatrice qui sert à la fois les intérêts des internautes et ceux des artistes et devrait aboutir à faire du piratage un risque inutile. Il faut rappeler inlassablement que le piratage numérique constitue, par son ampleur et sa dimension criminelle, un fléau économique et culturel qu'aucun argument pseudo-idéologique ne peut plus justifier. Il faut donc saluer cet accord et souhaiter qu'il porte un coup décisif contre le piratage numérique et permette la juste rétribution de la création artistique et culturelle dans notre pays.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Noter cet article :

 

Recommander cet article :

back-to-top