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Edito : Le quarté alimentaire gagnant : la vitamine D, les fibres alimentaires, le magnesium et les Oméga 3

Cette semaine, je voudrais voir avec vous, à la lumière de récents travaux scientifiques, comment la consommation régulière de quatre substances communes, et facilement mobilisables dans les aliments, vitamine D, fibres alimentaires, magnésium, et acides gras de type omega-3 peut avoir un impact positif tout à fait essentiel, mais encore trop sous-évalué, sur notre santé globale, notre longévité et la prévention de très nombreuses maladies.

Commençons par les bienfaits insoupçonnés de la vitamine D. Confirmant d'autres travaux récents, une équipe allemande du Deutsches Krebsforschungszentrum (DKFZ, Heidelberg) a révélé les effets remarquables d’une prise quotidienne de vitamine D3 sur le pronostic des cancers. Selon ces chercheurs, une supplémentation quotidienne en vitamine D pourrait réduire la mortalité par cancer de 12 % en population générale, à condition que la vitamine soit bien prise quotidiennement. « Nous avons observé cette réduction de 12 % de la mortalité par cancer après l'administration non ciblée de vitamine D3 à des personnes présentant ou non une carence en vitamine D. Nous pouvons donc supposer que l'effet est nettement plus important chez les personnes qui présentent une carence en vitamine D », souligne le Pr Schöttker qui dirige ces travaux. En France, cette supplémentation générale en vitamine D3 permettrait, en théorie, d'éviter chaque année environ 18 000 morts par cancer...

Une autre vaste étude australienne a montré en 2022, sur plus de 300 000 personnes, suivies pendant 14 ans, une réduction considérable, de l'ordre de 25 %, de la mortalité toute cause, chez les personnes dont la teneur en vitamine D était dans la moyenne, environ 45.3 nmol/L de sang, par rapport à celles qui avaient une faible concentration de cette vitamine (moins de 25 nmol/litre) (Voir ACP Journals).

D'autres chercheurs ont voulu savoir si la supplémentation en vitamine D chez les personnes âgées réduisait l'incidence des événements cardiovasculaires majeurs, en particulier les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux. Les résultats de l'étude portaient sur 21.315 Australiens âgés de 60 à 84 ans (Voir BMJ). L'étude a été menée en double aveugle : les participants ont été divisés en deux groupes, le premier recevait (sans le savoir) une dose mensuelle de vitamine D et le second un placebo. 

L'étude a clairement montré que le groupe prenant de la vitamine D présentait un taux d'événements cardiovasculaires majeurs inférieur de 9 % par rapport au groupe-placebo. Les chercheurs ont également constaté que le taux d'infarctus était inférieur de 19 % dans le groupe prenant de la vitamine D par rapport au groupe placebo. Ces résultats confirment que la supplémentation en vitamine D pourrait jouer un rôle important dans la prévention des crises cardiaques chez les personnes âgées.

En 2021, une autre équipe allemande, dirigée par le Dr Hermann Brenner (Centre allemand de recherche sur le cancer, Heidelberg) avait déjà montré qu’une supplémentation en vitamine D à l'échelle nationale pour toutes les personnes de plus de 50 ans pourrait réduire le nombre de décès par cancer de 30 000 par an en Allemagne. « Notre étude nous a permis de constater une réduction claire et très significative de la mortalité par cancer de 13 % », indique le Dr Brenner, qui poursuit, « Une supplémentation quotidienne en vitamine D serait d'un grand bénéfice potentiel pour la majorité de la population âgée avec des niveaux de vitamine D faibles ».

Cet éminent scientifique ajoute que l’enrichissement en vitamine D permet actuellement d’éviter environ 27.000 décès par cancer par an dans tous les pays européens, si ces derniers enrichissaient les aliments avec des quantités appropriées de vitamine D. Au total, ce sont 130 000 décès qui pourraient être évités, soit environ 9 % de tous les décès par cancer en Europe. 

Des neuroscientifiques de l'Université du Queensland ont récemment montré comment une carence en vitamine D affecte, in utero, les neurones en développement, participant au risque de schizophrénie, plus tard dans la vie. Cette découverte ouvre la voie vers de nouvelles cibles thérapeutiques pour corriger les altérations précoces, impliquées dans la schizophrénie, de la fonction des neurones dopaminergiques (Voir Wiley). Ces recherches ont montré que la carence en vitamine D impacte non seulement la croissance des cellules nerveuses mais réduit également la libération de dopamine. A contrario, ces chercheurs ont constaté que la libération de dopamine est améliorée dans les cellules cultivées en présence de vitamine D.

La deuxième substance gagnante pour la santé, qui reste malheureusement trop peu connue et consommée, est constituée par les fibres alimentaires, que l'on trouve notamment dans les céréales, les fruits, les légumes verts et les légumineuses. En 2011, une importante étude américaine, portant sur près de 220 000 hommes et 170 000 femmes de 50 à 71 ans, suivis pendant neuf ans, a montré pour la première fois que la consommation régulière de fibres alimentaires entraînait une diminution de 22 % de la mortalité (Voir Jama Network). De manière surprenante, cette étude a également montré qu'une forte consommation de fibres n'avait pas seulement un effet protecteur sur les maladies cardio-vasculaires et respiratoires, le diabète et l'obésité, mais aussi sur la mortalité par infections, qui est réduite de moitié chez les plus gros consommateurs de fibres alimentaires. Cette étude apporte un autre élément important en montrant que ces différents effets positifs sur la mortalité sont principalement dus aux fibres venant des céréales. 

En 2016, une étude réalisée par la Harvard T.H. Chan School of Public Health a par ailleurs montré que la consommation régulière, dès l'adolescence, d'aliments riches en fibres, en particulier beaucoup de fruits et légumes, permettait de réduire le risque de cancer du sein plus tard dans la vie. Ce travail a porté sur les données de 90.534 femmes participant à la cohorte Nurses' Health Study II. Les chercheurs ont estimé l'apport en fibres et pris en compte de nombreux facteurs, comme les antécédents familiaux de cancer du sein, l'IMC, et d'autres facteurs alimentaires. L'analyse a montré que· les femmes qui consommaient le plus de fibres alimentaires à l'âge adulte, présentaient un risque réduit de 16 % de cancer du sein et de 24 % de cancer du sein avant la ménopause.

En 2018, une autre étude a été réalisée par des chercheurs de la Harvard Medical School. Ils ont mené une étude sur 1575 participants atteints d'un cancer colorectal non métastatique. Ces recherches ont montré qu'un apport élevé en fibres réduisait le risque de décès. Pour en arriver à cette conclusion, les participants ont été suivis pendant 8 ans après le diagnostic. Pendant cette période, 773 d'entre eux sont décédés, dont 174 directement du cancer colorectal (Voir Jama Network). L'étude montre qu'en augmentant l’apport quotidien en fibres de seulement 5 grammes, le risque de décès diminuait de 22 % pour le cancer colorectal et de 14 % de manière globale. Mais ces scientifiques ont également découvert que toutes les fibres ne se valaient pas et que les fibres les plus protectrices semblaient être plutôt celles présentes dans les céréales que celles issues des fruits et légumes. Selon ces travaux, une augmentation de 5 grammes de fibres céréalières entraînait une réduction de 33 % de risque de décès lié au cancer colorectal.

Cet effet bénéfique des fibres alimentaires pour la santé a été confirmé en 2019 par des chercheurs des universités d'Otago, en Nouvelle-Zélande et de Dundee en Écosse, qui ont mené une nouvelle méta-analyse rassemblant 58 essais cliniques et comprenant 4.635 participants adultes en bonne santé. Les chercheurs se sont concentrés sur les effets des fibres alimentaires et des céréales complètes sur le risque de mort prématurée et sur les taux de maladies cardiaques, cardiovasculaires, d'AVC, de diabète de type 2, de cancer colorectal et de cancers associés à l'obésité (sein, œsophage et prostate). L'étude montre que les personnes qui consomment des fibres en grande quantité (entre 25g et 29g par jour), voyaient leurs risques de mortalité « toutes causes » réduit de 30 %, par rapport aux personnes qui mangeaient moins de fibres. En outre, les aliments riches en fibres permettaient aussi de réduire les risques de maladies cardiaques, d'AVC, de diabète et de cancer colorectal de 16 à 24 %.

Selon ces scientifiques, un fort apport de fibres alimentaires (entre 25g et 29g par jour) pourrait sans doute apporter des bienfaits encore plus importants pour lutter contre les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et les cancers colorectaux et du sein. Cette étude montre également qu'une importante consommation de céréales complètes était aussi associée à une réduction de 13 à 33 % du risque de développer des maladies chroniques. Par ailleurs, pour chaque augmentation de 15g de sa consommation quotidienne de céréales, le nombre total des décès et les taux de maladies cardiaques coronariennes, de diabète de type 2 et de cancer colorectal reculaient de 2 à 19 %.

Après la vitamine D et les fibres alimentaires, il est intéressant d’évoquer un oligo-élément dont le pouvoir bénéfique très large sur la santé a été longtemps sous-estimé, le magnésium. Le magnésium est un oligo-élément abondant dans le corps humain. En quantité, il vient juste après le calcium, le potassium et le sodium. Notre corps étant incapable de le produire, nous avons besoin de le consommer via l’alimentation.

En 2017, des chercheurs américains de l'Université d'Harvard ont montré, en analysant les données provenant de 310 000 personnes, parmi lesquelles environ 12 000 souffraient d’une maladie cardiovasculaire, qu'une simple augmentation de 0,2 mmol/L de magnésium dans le sang permettait une diminution du risque cardiovasculaire de 30 %. De manière cohérente, une méta-analyse de l’université McGill à Montréal, réalisée en 2016, et portant sur 2000 personnes, a montré que les compléments de magnésium diminuent la pression sanguine chez l'adulte. Cette étude a montré qu'une complémentation d’un mois avec 300 mg de magnésium par jour suffisait à faire baisser la pression sanguine.

Plus récemment, des chercheurs du département de biomédecine de l’université de Bâle en Suisse et de l’université de Cambridge ont démontré que le taux de magnésium présent dans le sang avait un effet puissant sur notre système immunitaire et permettait de l'aider à mieux à lutter contre les agents pathogènes et éliminer les cellules cancéreuses (Voir EurekAlert). Ces travaux ont montré pour la première fois que le magnésium intervenait au niveau d’une protéine d'adhésion (LFA-1) présente dans la membrane des lymphocytes T, qui permet aux lymphocytes T de se fixer aux cellules endothéliales qui tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins. Mais la grande découverte de ces chercheurs est d'avoir montré que, chez les personnes carencées en magnésium, la protéine LFA-1 prend une forme courbée et ne peut pas se fixer aux lymphocytes T. En revanche, chez les personnes qui ont un niveau suffisant de magnésium, la protéine LFA-1 reste active et permet aux lymphocytes T de détruire les pathogènes et cellules anormales.

Ces chercheurs ont d'ailleurs constaté que la réponse immunitaire de ces cellules T était bien plus importante et puissante, en présence de magnésium dans l’environnement de la tumeur. Cette équipe de recherche pense qu'il est possible et souhaitable d'augmenter la concentration en magnésium de manière ciblée, au niveau des cellules cancéreuses. Ils ont déjà pu mettre en évidence que la réponse aux immunothérapies était meilleure chez des patients dont la concentration en magnésium sanguin avait été augmentée.

La quatrième et dernière substance dont les effets bénéfiques pour la santé sont encore sous-estimés est la famille d'acides gras essentiels des Omega-3, qui ne cesse de révéler de nouveaux effets positifs contre de nombreuses pathologies. En 2021, une équipe de l'Université Catholique de Louvain (UCL) a montré que certains acides gras de type oméga-3 peuvent faire imploser des tumeurs cancéreuses acides avant qu’elles ne métastasent (Voir UCLouvain). Ces chercheurs ont étudié l'évolution de différentes tumeurs alimentées par divers types d’acides gras. Ils ont constaté que les acides gras polyinsaturés oméga-3 et oméga-6, à longue chaîne, comme le DHA, ralentissaient sensiblement la croissance tumorale chez des souris cancéreuses, en provoquant la mort de cellules malignes par acidose, grâce à un mécanisme appelé ferroptose.

« Cette étude montre de manière encore plus intéressante, c’est que l’effet du DHA sur les tumeurs concerne potentiellement tous les types de cancers solides », précise le Professeur Feron. Les recommandations internationales en matière de santé préconisent la prise quotidienne de 250 mg de DHA. Or, en Europe, l'alimentation nous apporte en moyenne seulement 50 à 100 mg par jour de cet acide gras. « Une étude de grande ampleur portant sur les effets protecteurs d'une supplémentation en DHA en matière de cancers pourrait être très instructive », selon le Pr Feron.

Des chercheurs du Beth Israel Deaconess Medical Center de Boston ont montré récemment dans une étude incluant 2 380 personnes, qu’une alimentation de type méditerranéen, contenant beaucoup d'Omega-3 et d'aliments frais non transformés, équivaudrait à faire 4.000 pas de plus chaque jour (environ 3 km) en termes de bienfaits sur la santé. C'est la première fois qu'une étude de ce genre prouve l'existence d'un lien fort et consubstantiel entre régime alimentaire et forme physique, expliquent les scientifiques (Voir Oxford Academic).

Pour un nombre croissant de scientifiques, il existerait une synergie particulièrement intéressant et protectrice, en associant de manière judicieuse et personnalisée, en fonction de l'âge, de l'hérédité, et des modes de vie, ces quatre éléments naturels, vitamine D, fibres alimentaires, magnésium et Omega-3. Les avantages de ce traitement systémique, peu coûteux, facile à prendre et présentant peu d'effets indésirables graves, pourraient être tout à fait majeurs, à l'échelle d'une population, à commencer par les seniors, tant en matière de prévention que de lutte contre plusieurs grands fléaux ravageurs, cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, obésité, troubles psychiatrique et neurologiques. Ces chercheurs soulignent également qu'un tel traitement préventif serait encore plus efficace en combinaison avec une activité physique régulière mais pourrait de toute façon offrir intrinsèquement un remarquable niveau de protection contre de nombreuses maladies, même chez les personnes qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas pratiquer des activités physiques régulières.

On voit bien, à la lumière de tous ces travaux passionnants, que notre pays, confronté au vieillissement inexorable de sa population, aurait tout intérêt à élargir et approfondir les recherches scientifiques visant à mieux évaluer les bénéfices globaux pour la santé et la longévité de la prise conjointe de ces quatre substances. Il faudrait notamment parvenir à définir de manière précise auprès de quelles tranches de la population il serait intéressant de proposer en priorité ce traitement préventif qui pourrait associer une modification des habitudes alimentaires et d'éventuelles supplémentations individualisées définies par prescription médicale.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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